CHAPITRE 22

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Durant ces quelques jours passés, j'ai totalement ignoré Elyo malgré ses tentatives d'approche. Je ne compte pas le pardonner et ce n'est pas en me préparant à manger ou en venant me dire « bonne nuit » que les choses vont s'arranger. Je crois qu'il ne comprend pas le mal qu'il a pu me faire, la déception. Je le pensais meilleur que ça, il s'est rabaissé à ses pulsions et à sa soif de vengeance sans - et j'en suis sûre - connaître la vérité. Mon père n'est, n'était pas quelqu'un de mauvais. Il ne méritait pas cette fin, aussi tragique soit-elle. En ce moment, la seule chose que je veux, c'est régler son compte à Moreno, parce qu'au fond, même si c'est Elyo qui a appuyé sur cette détente, c'est Moreno qui m'a divulgué ces vidéos. J'aurais, je crois, préféré ne jamais les voir.

Ma porte s'ouvre soudainement sur Elyo. Il a l'air froid, comme si quelque chose l'avait fait péter les plombs. Il me balance un sac de sport noir que je rattrape de justesse avant de lui lancer un regard noir.

- Prépare-toi, prends des affaires, on va y aller. J'ai le plan des souterrains, fait-il durement comme si rien ne nous avait jamais lié, appelle quelqu'un de confiance pour qu'il nous dépose une voiture au coin de la via di Roma. On y sera demain matin à l'aube.

- Ne me prends pas pour ton larbin Elyo, réplique-je par rapport à son ton.

Il serre la mâchoire et ferme les yeux pour probablement contrôler ses paroles.

- Je voulais me venger de ton père de toutes mes forces, maintenant, je veux me venger de Moreno de toute mon âme pour ce qu'il m'a fait.

Je ris jaune. Ce qu'il lui a fait ? Et moi dans tout ça ?

- Tu es un vrai connard, il faut toujours se fier à sa première intuition.

- Ne joue pas à ça Dahlia, je ne suis pas franchement d'humeur alors fait ce que je te dis sinon j'irai seul.

Je souffle d'agacement, je me lève et le pousse en dehors de ma chambre. Je frappe de nerfs contre la porte en bois blanc à plusieurs reprises afin de faire passer ma colère. Quand je reprends mes esprits, je récupère mes affaires dans l'armoire. Je prends tout ce que je peux puis m'assois sur le lit pour appeler celui en qui j'ai le plus confiance. Je le cherche dans mes contacts, j'hésite à appuyer sur le bouton « appeler » mais je m'y résigne. Je lui confierai ma vie s'il le faut. Je ramène le combiné à mon oreille, il sonne et j'entends enfin sa voix complètement angoissée.

- Dahlia ! fait-il, c'est toi ? Tu es en vie ?

J'ouvre la bouche, mais les mots ne me viennent pas de suite. Je dois me reprendre en main, mon père l'a dit : je fais comment faire. Je suis sa fille, c'est dans nos gènes de gérer des troupes. Je dois occulter de ma pensée ma peine, mon chagrin pour laisser place à ma rage, celle qui pourrait même incendier l'enfer s'il le faut.

- Enzo, c'est moi.

- Bordel Dahlia ! Mais on n'avait plus aucune nouvelle de toi, ni de ton père !

- Écoute Enzo, j'ai besoin de toi. Les choses se sont compliquées. Je veux que tu déposes une voiture au coin de la via di Roma et que dès demain matin, tout le monde soit à la maison. J'ai d'importante chose à vous dire.

- Dahlia, tu sais que je ferais tout pour toi. Dis-moi juste que tu n'es pas en danger, que tu vas bien !, dit-il d'un ton suppliant.

- Je suis une Russo, je vais toujours bien même quand le danger frappe à la porte.

Je l'entends soupirer.

- Promets-moi que tu vas faire ce que je te dis, ajoute-je.

- Je te l'ai dit, je brûlerais la terre si tu me le demandais.

Je souris. Il a le don de m'apaiser.

Je raccroche et rejoins Elyo au salon. Lorsqu'il me voit, il finit d'un trait son verre de rhum puis s'approche de moi avec son propre sac. Sans un mot, il se dirige vers l'endroit où il m'a retenu ces derniers jours. Un frisson me passe quand je vois la première porte, nous la franchissons puis le seconde. Je n'avais pas remarqué quand j'y étais attachée, mais dans mon dos se trouve une immense porte blindée. Elyo la déverrouille, m'indique d'un mouvement de tête de passer puis nous enferme. Ainsi, plus aucune source de lumière ne nous atteint. Je ne faiblis pas, mais je suis tout de même rassurée quand il sort une lampe torche. Il passe devant moi.

Les murs sont voûtés, entièrement constitués de pierres et de poussières. Nous descendons plusieurs marches afin de nous enfoncer davantage sous la ville et puis une longue marche s'entame. Sans un mot.

Après de longues heures à marcher. Mes jambes me font atrocement mal. Elles me brulent. Je sors mon téléphone de ma poche et regarde l'heure, il est plus d'une heure du matin. Ça fait près de six heures que nous marchons sans une seule pause sur le sol tordu des souterrains alors, je brise la glace.

- Est-ce qu'on peut s'arrêter ? Je suis fatiguée et j'ai mal aux jambes.

Il souffle en s'arrêtant net, je lui rentre presque dedans.

- La fin n'est pas loin, fais un effort, clame-t-il en se tournant vers moi.

Nous sommes proches, très proches. Tellement que son souffle chaud s'échoue sur mon visage. Je tente de ne pas ciller, je veux résister à cette attirance. Jamais plus, je ne veux éprouver le moindre désir envers ce monstre.

- Justement, je suis fatiguée, dormons quelques heures et finissons dans la nuit.

Il hydrate sa lèvre inférieure d'un coup de langue sans rien dire, il me fixe. Je ne dois pas ciller.

- Tu m'énerves Dahlia Russo putain ! proclame-t-il.

Il détourne son regard et s'accroupit. Ses mots sonnaient comme un reproche envers lui, en tout cas, je ne compte pas le prendre pour moi. Il farfouille dans son sac, prend son téléphone et met une alarme à trois heures du matin. Je décide alors de me coucher sur les pierres froides qui jonchent le sol en mettant ma capuche et en utilisant mon sac en guise d'oreiller, puis je ferme les yeux, espérant enfin me réveiller de ce cauchemar sans sa compagnie.

GARDE-MOI SI TU PEUXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant