CHAPITRE 27

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Sous les regards de ma famille, j'ouvre la marche en direction du bureau de mon père afin d'avoir une entrevue avec Moreno. Je sors la clef de ma pochette et déverrouille la pièce, nous nous engouffrons à l'intérieur. Moreno et moi prenons place sur les deux fauteuils de part et d'autre du bureau, tous deux encadrés par deux de nos hommes - même si Elyo est tout sauf un de mes hommes. Le chef du cartel me sourit, avachit sur son siège, il regarde autour de lui comme s'il redécouvrait la pièce. Je toussote afin d'attirer son attention.

- Quoi ? Je remarque juste que ton père n'a jamais changé de goût en matière de mobilier.

Je serre la mâchoire. Comment peut-il se permettre de juger mon père sous notre toit et sous mes yeux ? Je serre mon poing sur l'accoudoir en m'adossant plus confortablement sur la chaise.

- Est-ce que maintenant que vous avez eu ce que vous vouliez, cette guerre est terminée ?, demande-je durement.

Je ne dois pas me démonter face à son air las. Il me dévisage avant de ricaner. Moreno se redresse sur son assise, s'appuyant de la même façon que moi sur le fauteuil.

- Est-ce que tu vas être aussi conne que ton père et ne pas me rendre mon territoire ?

- Tenez votre langue Moreno, sinon je vais me faire un plaisir de vous la trancher, affirme Enzo froidement.

Moreno se tourne vers lui, il l'analyse faussement et rigole à nouveau. Il se tourne alors vers Elyo.

- Pas trop jaloux Morretti ?

Le tueur à gage sur ma gauche ne dit rien, je relève mes yeux vers lui et tombe nez à nez avec un Elyo qui se contient de toutes ses forces. Je soupire avant de reporter mon attention sur le quarantenaire.

- Il me semble que ce territoire n'est plus le vôtre depuis des années, Moreno.

- Il est vrai qu'il y a des années ton cher père m'a supplié de le lui offrir en échange d'un service mal rendu, alors voilà ma dette.

C'est à mon tour de rire. Quel connard ! Attendre des années avant de réclamer son dû.

- Vous ne récupèrerez jamais ce territoire, moi vivante, est-ce que c'est bien compris ? affirme-je.

- Tu veux jouer à la dure Dahlia ? Tu veux jouer aux petits chefs, pas vrai ? crache-t-il durement en s'appuyant sur le bureau, alors pourquoi le parasite qui a assassiné ton père est à tes côtés ? Tu n'as rien d'une chef, tu n'es même pas capable de régler un problème comme lui.

Je serre la mâchoire, en pensant immédiatement à Enzo à côté de moi. Il n'est pas au courant de ce qu'a fait Elyo et déjà qu'il ne l'apprécie pas franchement, je sens que c'est foutu. Je me redonne une dose de courage et me rapproche du visage de Moreno.

- Je n'ai peut-être pas eu le cran de le tuer, mais croyez-moi que pour vous, je n'aurais pas cette pitié. Vous êtes sous mon toit alors si je veux jouer les petits chefs, je me le permets compris ? Vous avez été assez con pour vous pointer ici, j'ose espérer que vous vous calmerez d'ici quelque temps si vous ne voulez pas déclarer la guerre à la mauvaise famille, crache-je à mon tour avant de m'adosser de nouveau au fauteuil.

Moreno serre les dents, je peux sentir sa frustration et au fond de lui, sa détresse.

- Je ne suis pas mon père, dis-je doucement avec un sourire maléfique, mais je porte son nom et ce n'est pas un hasard. Ne défiez pas la fille d'un homme que vous avez voulu voir mort, vous risqueriez de perdre à ce jeu.

- Ce n'est pas une pauvre gamine de dix-sept, un larbin et un tueur à gage raté qui vous m'effrayez, Dahlia. Même si tu parviens à me tuer, fait-il du même ton que le mien, tu verras à chaque fois en l'homme que tu aimes l'assassin de ton cher père.

Nous nous dévisageons quelques instants jusqu'à ce que sa bouche s'étire en un sourire.

- J'étais content de te revoir Elyo et toi Dahlia, on se reverra tôt ou tard. Je crois que cette entrevue est à présent terminée.

Moreno se lève et se tourne vers ses sbires afin de leur ordonner de rameuter les troupes ; il est temps pour eux de partir. Une fois qu'il franchit la porte, je frappe de nerfs contre le bureau en chêne.

- Je vais tuer cet enculé ! crie-je.

Aucun des deux qui m'accompagne répliquent, je me lève, mais Enzo me retient et se tourne face à moi et à Elyo.

- Tu savais que c'était lui qui avait tué ton père et tu l'as ramené chez toi ?, dit-il, vidé de toutes émotions.

Je serre les dents et ferme les yeux. Je tente de prendre la main à Enzo, mais il s'éloigne d'un pas en arrière.

- Crois-moi Enzo, je vous l'aurais dit si l'aide d'Elyo n'était pas nécessaire.

- Dahlia ! Il a tué ton père, il a travaillé avec Moreno ! Tu es stupide ou quoi ?!

Probablement la plus stupide du monde.

- Mais Enzo, il peut nous aider, il connaît mieux que nous Moreno !

- Tu es en train de défendre le diable et tu ne t'en rends même pas compte, fait-il avec un air de dégout, je ne veux plus te voir.

Et sur ces mots, il a quitté la pièce. Je me laisse alors tomber dans le fauteuil, le regard vide. Il a raison, je défends le diable. Elyo tente de me réconforter, mais je le pousse et me relève.

- Sors d'ici, moi, c'est toi que je ne veux plus voir ! crie-je.

Étonnement, il s'exécute et je fonds en larmes. Je viens sûrement de perdre l'un de mes meilleurs amis parce que je m'entête à protéger le meurtrier de mon père.

Je suis définitivement stupide.

GARDE-MOI SI TU PEUXOù les histoires vivent. Découvrez maintenant