Chapitre 11

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J'inspirai profondément pour repousser mon début de panique. Il m'observait avec un mélange d'incompréhension et d'énervement. Il voulait se débarrasser de moi, c'était visible dans ses gestes. Il m'esquivait, me regardait de manière hautaine et ses gestes envers moi étaient brusques. Qu'est-ce que je pouvais lui révéler sans risque ? Ma situation familial, mon métier trop peu payé ? Il n'avait toujours pas vu de cliché et je savais qu'un jour ou l'autre, il finirait par découvrir que j'étais un homme. Mais pas aujourd'hui. Je devais assurer ma place avant ça.

— J'ai accepté ta proposition parce que j'avais besoin d'une place dans l'agence de mannequinat de ton père, il m'a fait venir aujourd'hui pour voir comment j'évoluai dans le monde de la mode et...

— Quoi !

Son regard noir m'incendia mais je poursuivis avant qu'il ne m'interrompe encore.

— Ma mère a eu un grave accident de voiture lorsque j'étais adolescente, elle ne peut plus travailler et elle a besoin de séances de kiné régulièrement. Grand-mère est à la retraite et elle a un sévère traitement pour son asthme. Je dois m'occuper d'elles. Mais tu es le mieux placé pour savoir que le mannequinat amateur ne paye pas bien. On est dans le rouge dès la moitié du mois et j'ai des dettes d'un peu partout, j'ai vraiment besoin d'un boulot stable... J'aurais dû t'en parler avant, je suis désolée, mais je n'avais pas le choix ! Ne m'abandonne pas, je t'en prie... Si tu décides que l'on ne se voit plus, je n'y arriverais jamais... En échange, je continue de te couvrir... Je sais que ce n'est pas grand-chose mais je n'ai rien d'autre à t'offrir...

Il me toisa gravement.

— Tu te rends compte de ce que tu as fait ?

— Je sais, pardonne-moi...

— Combien de temps tu pourras encore tenir comme ça ?

— Quelques mois, tout au plus. Après ça, on devra déménager. Le prêt devient compliqué à rembourser... soufflai-je honteusement.

— C'est d'accord, marché conclu. Je vais presser papa pour que tu trouves un job le plus vite possible.

— Tu vas vraiment faire ça ! m'exclamai-je, les yeux pétillants de joie.

— Bien sûr, je ne vais pas te laisser finir à la rue à cause de mon égoïsme.

Je le serrai contre moi en faisant attention à ne pas tâcher sa chemise de mon maquillage.

— Merci mille fois Allan, tu es un ange...

Je repensai aux dernières dépenses, qui ne seraient bientôt plus rien et aux robes hors de prix que je louais désormais à la soirée. J'étais bientôt tiré d'affaire. Il me tapota maladroitement le dos puis me proposa de retourner voir le défilé, pour que son père ne se pose pas trop de questions. J'acquiesçai vivement et le suivis jusqu'à nos places attitrées. Paul l'interrogea, mon faux petit ami prétexta une discussion urgente puis se tourna vers la scène. Les caméras s'allumaient, les lumières s'éteignaient et les spots furent braqués sur la piste, pour les derniers réglages. Un homme en costume sombre vint nous proposer des boissons. Je me limitai à une petite coupe de champagne, me souvenant du massacre de la dernière fois.

Un poids s'était retiré de mon cœur. Allan était de mon côté, il allait m'aider. J'allai bientôt pouvoir m'en sortir. Il m'offrit un clin d'œil complice avec un sourire, tout en portant le verre à ses lèvres. Je détournai les yeux pour me concentrer sur les mannequins.

Collection féminine essentiellement. Je détaillai le corps et la démarche plutôt que les créations de luxe qu'elles portaient. Elles dégageaient une assurance et une prestance que je rêvais d'avoir. Que j'avais eues, pendant un court moment, au début de ma carrière. Avant que tout ne vire au chaos. Je me demandai si je leur ressemblais : est-ce que je me tenais aussi droit malgré mes talons hauts ? J'en doutais. Il me fallait au moins ce niveau, pour faire honneur à Allan dans l'entreprise de son père. Je me promis d'y parvenir, tout en avalant une nouvelle gorgée d'alcool.

SamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant