Chapitre 3

18 4 2
                                    


Dans la poche ! C'était dans-la-poche. J'avais mon date et en plus, il avait l'air de s'y connaître en mannequinat. Il m'avait parlé d'un dîner, mais de quel genre ? Je décidai de l'interroger et j'obtins une réponse en à peine une minute, comme s'il était lui aussi scotché à son téléphone. Il s'agissait d'une rencontre avec son père qui était propriétaire d'une agence de mannequins. Je trépignai, comprenant rapidement que c'était là la chance de faire connaître mon nom et de faire monter mon maigre salaire. Je ne regrettai pas d'avoir créé ce profil, même si le but premier n'avait pas été de le faire pour rencontrer une possible âme-sœur...

Le dénommé Allan m'écrivit un petit texte pour se présenter plus en détails et me donner les informations que je devais connaître comme notre sois-disant première rencontre. Je lui donnai également mes préférences en terme de nourriture ou de saisons sans jamais vraiment parler de ma vie privée.

Sa dernière recommandation fut de venir bien habillé. Je grimaçai à ces mots. Je n'avais rien de convenable et encore moins quelque chose qui me permettrait de me faire passer pour une femme. Je devais faire du shopping. Mais avais-je ce qu'il fallait ? J'ouvris le tiroir de mes sous-vêtements et attrapais la petite liasse qui y était cachée. Je comptai les billets dans un geste familier et en retirai une somme que j'estimai suffisante. J'espérai du même coup que je réussirai à décrocher un contrat en me faisant passer pour la copine du fils d'un grand PDG. Si c'était le cas, je n'avais plus besoin de m'inquiéter pour les médicaments de mamie ou les séances de kiné de maman. Se faire passer pour une femme avait quelque chose d'assez excitant mais je ne devais pas oublier mon objectif premier pour autant...

Je rangeai la monnaie dans mon sac et annonçai à ma mère que je devais sortir faire une course. Grand-mère raccommodait un pantalon sur le canapé, comme à l'accoutumé, et me demanda de prendre des pâtes au passage. J'acquiesçai et sortis après avoir enfilé une paire de baskets. Je fis les cinq cents mètres qui me séparaient de l'arrêt de bus et lus attentivement les horaires. Ils faisaient partie de ces petites choses du quotidien que je ne retenais jamais, comme la taille des sacs poubelles ou encore mon emploi du temps pourtant si souvent consulté. Je décidai de les prendre en photo pour cette fois et remarquai au passage que je n'avais qu'un quart d'heure à attendre.

Je réfléchis à la tenue qu'il me fallait et convenait qu'un robe longue bleue ou encore verte suffirait. Pas trop moulante pour éviter d'avoir à trop masquer mon attribut masculin mais suffisamment pour que le tissu épouse mes hanches étroites et me rende désirable. Le but était tout de même de séduire le bonhomme et d'obtenir une bonne place dans l'entreprise de son père. Je gardai un corps soigné pour mes shootings alors porter des talons ou laisser mes épaules dénudées ne me gênait pas. Je fis mentalement le compte. Robe. Chaussures. Je grimaçai et devinai que me présenter sans bijoux serait malvenu. D'habitude, je les aurai commandés en ligne pour quelques petites pièces rouges mais la livraison prendrait du temps et je ne pouvais pas me le permettre.

Je descendis et marchai tranquillement jusqu'à une boutique dont la réputation n'était plus à faire. Je poussai la porte et croisai les regards des vendeuses.

— Bonjour, j'ai besoin d'une robe pour un repas.

— Pour vous ?

Je confirmai sans honte. Après des années de mannequinat, le peu de timidité que j'avais pu avoir avait disparu. J'avais défilé en sous-vêtements en dentelle alors se travestir ne me dérangeait plus vraiment. La femme n'avait pas posé de questions et m'avait entraîné entre les rayons. Après avoir rapidement ciblé mes préférences et mon budget, ce dernier l'ayant fait grimacer. Elle eut néanmoins la décence de ne faire aucun commentaire. . Ma taille eut également le droit à un jugement silencieux de la part de la vendeuse. Heureusement, je n'avais pas de grands pieds. Il était clair que selon elle, elle n'allait pas pouvoir faire de miracle. La femme me proposa pourtant une robe en satin verte. Mes yeux pétillèrent et je m'empressai de passer en cabine. Je me ravis de voir que tout était parfait. Je détachai mes cheveux, les agitaient pour qu'ils reprennent leur forme naturelle et regrettai de ne pas être fraîchement rasé. Les petits poils noirs gâchaient le tableau. Je sortais tout de même et me confrontai au regard sidéré de la vendeuse.

— Vous êtes magnifique ainsi... dit-elle avec une expression de surprise qui contrastait grandement avec ses grimaces d'un peu plus tôt.

— Vous trouvez ? demandai-je pour avoir le plaisir de me faire complimenter encore.

— Aucun doute, cette robe vous va comme un gant. Laissez-moi juste le temps de vous trouver des chaussures... Vous portez des talons hauts ?

J'acquiesçai avec un léger sourire et m'assis sur le petit divan. Je me penchai et attachai les chaussures avec soin, avant de me redresser. Je fis quelques pas, d'un côté, puis de l'autre. Je m'observai dans un nouveau miroir. Mon cou était dégagé, il me fallait un collier mais le reste était parfait à mes yeux. Le tissu épousait suffisamment mon corps et lorsque j'aurai trouvé de quoi gonfler mon torse plat, je serais beau au possible. Je me tournai vers la vendeuse.

— Auriez-vous des bijoux qui iraient avec ?

— Bien sûr, suivez-moi, dit-elle en m'entraînant jusqu'au coin dédié.

L'expérience de la robe et des chaussures semblaient l'avoir rassuré et me présenta plusieurs pièces sans aucune hésitation. Je l'informai de ma préférence pour l'argent et désignai un jolie collier avec une émeraude. Le prix me hérissa les poils mais je décidais de le prendre quand même pour l'essayer. Il s'accordait parfaitement avec ma robe.

Allais-je pouvoir assumer la fin du mois avec ces dépenses ? Sûrement pas... Mais si je parvenais à séduire Allan et ses parents, alors j'aurais largement de quoi compenser. Mes petits shootings ne me permettaient plus d'assurer financièrement les besoins de la maison : il me fallait plus pour le traitement de mamie, le kiné de maman mais surtout pour manger. Ces femmes méritaient d'être des princesses. Elles s'étaient toujours débattues pour me donner le meilleur alors je me devais de faire la même chose en retour.

— Je prend le tout, prononçai-je du bout des lèvres, presque à contre-coeur.

— Ça vous va à ravir, n'ayez aucun regret, me lança la femme en voyant mon doute.

Même si je devais reconnaître que cette robe m'allait parfaitement bien et que de toute manière j'avais un physique fait pour ce genre de vêtement, je ne pouvais m'empêcher de penser que la vendeuse était programmée pour déblatérer ce genre de choses à tous les clients qui lâchaient une bonne somme d'argent.

Je retournais en cabine pour me remettre ma tenue d'origine et ranger mes nouveaux vêtements, puis passai en caisse. Je restai difficilement stoïque face au prix, composé de trois zéros et sortis les quelques billets que j'avais pris avec moi. Cela ne suffisait pas alors je payai le reste par carte. Je récupérai le sac en papier et sortis de la boutique en me convaincant que j'avais fait le bon choix. Si ce gars n'avait pas de quoi me payer le crédit de la maison, je ne m'en sortirais pas.

SamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant