Chapitre 12

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Je raccourcis soigneusement mon ourlet en repensant à la conversation d'hier. Qu'est-ce que j'avais fait... J'allais l'aider, c'était une évidence mais j'allais aussi continuer à mentir. Enfin si c'était possible. Son joli minois me faisait un peu plus d'effet à chaque fois et j'allais finir par ne plus mentir lorsque je devrais serrer sa taille et l'appeler « ma copine » devant ma famille... Et puis merde, je m'étais comporter comme un connard, à lui crier dessus ou à lui ordonner de bien s'habiller alors qu'elle n'en avait pas les moyens... Je me piquai accidentellement et portai aussitôt mon doigts à ma bouche pour suçoter la plaie. Je devais me concentrer.

J'avais déjà appelé Dallya pour tout lui raconter et ce même si Sam m'avait demandé, à la fin du défilé, de ne pas en parler. La jolie brune était ma meilleure amie, je ne pouvais faire autrement que lui confier tous mes tourments. Elle m'avait conseillé de ne pas m'inquiéter, que tout était à mon avantage. Que si, plus tard, quand la place de Sam serait assurée, ça ne me convenait plus, je n'aurais qu'à « rompre ». Je ne lui avais pas parlé de mon attirance naissante. J'avais eu l'impression de devoir garder ça secret, comme si le désir qui m'embrasait lorsque je la voyais devait être jalousement protéger. Comme si toutes ces sensations, ces sentiments, ne devaient appartenir qu'à moi.

Je grimaçai, voilà que je devenais niais. Je me mis à grogner quand je piquais de nouveau mon doigt à la place du tissu puis décidai de reposer l'ouvrage. Je n'arrivai pas à me concentrer alors autant m'arrêter maintenant, avant de tâcher la robe de sang. Je me redressai, m'étirai en faisant craquer mes articulations et fis quelques tours de ma chambre pour me dégourdir les jambes.

J'avais besoin d'un coup de boost, de quelque chose pour me motiver...

Pourquoi ne pas demander à papa de faire jouer ses contacts pour qu'au prochain défilé, l'un des mannequins porte mes créations. C'était une idée de génie ! Je jetais un rapide coup d'œil à l'heure. Il était tôt mais avec un peu de chances, papa était déjà rentré. Je sortis de ma chambre et la lumière du couloir me brûla la rétine. Je travaillai la plupart du temps de la pénombre et sortir me faisait toujours plisser les yeux. Je fis quelques pas chancelants avant de m'habituer à la vive lumière. Lorsque mes yeux se furent accoutumés à la clarté, je me précipitai en bas, un énorme sourire sur le visage.

— Papa !

Il se retourna avec un air étonné : je ne criai jamais et il était rare que je sorte de ma chambre tant j'étais absorbé par mon travail. Et encore plus que je me fasse pour lui parler avec une bonne humeur étonnante. Il m'interrogea du regard en reposant son café.

— Il y a plusieurs défilés pour des stylistes amateurs en ce moment, tu penses que je pourrais me greffer à l'un d'eux ? Ça pourrait être une bonne idée, non ?

Il fronça les sourcils. Ma demande lui paraissait inattendue et pourtant ça faisait des années que je parlais de faire porter mes créations lors de défilés. Il but une nouvelle gorgée de son breuvage tout en réfléchissant.

— Je peux t'ajouter sur la liste. Il y a une bonne dizaine de créateurs, qui viennent avec plusieurs tenues. Je n'ai pas de mannequin de disponible pour toi mais je peux en profiter pour mettre Sam à l'essai.

— Sam ? Non, ce n'est pas bon, je peux faire quelques retouches mais mes patrons se basent sur les mesures de Dallya.

— Alors recommence.

— J'ai plus le tissu nécessaire et...

— C'est soit tu prends Sam comme mannequin, soit tu ne participes pas.

Quoi ? Sam faisait à peu près un mètre quatre-vingt, je n'avais jamais fait de tenues pour une aussi grande taille. Dallya faisait au moins cinq centimètres de moins et avait un tour de poitrine au moins trois fois plus imposant, ce qui rendait mon début de travail inutilisable. Je pensai aux chutes insuffisantes de tissus qui me restait. Il faudrait passer au magasin de tissus... mais le plus grand, celui du centre ville. Celui qui avait tous les bons produits mais qui était bien plus cher. Mon père savait très bien ce qu'il faisait en me demandant de prendre Sam comme mannequin. Et moi aussi je le savais. Il me mettait une nouvelle fois à l'épreuve. Il savait que mon envie de participer à un défilé était plus forte que tout et en me menaçant de ne pas prendre ma fausse petite amie, je tombai dans un dilemme. Soit j'acceptais et il pourrait tout à la fois observer Sam en tant que mannequin et dans le même temps vérifier notre soi-disant relation intime. Soit je refusais et je laissais passer probablement l'une des plus grandes occasions de me faire connaître et de voir, enfin, mes tenues mises en valeur. Mon père savait que rien ne pourrait passer avant une telle opportunité.

— Alors ? relança Paul.

— C'est d'accord.

Je ne pouvais pas laisser passer cette occasion, c'était trop beau. Je le remerciai du bout des lèvres, pensif et remontai dans ma chambre. Je m'assis à mon bureau, observai le début de mon travail et attrapai mon découd vite pour tenter de récupérer le maximum de tissu possible.

SamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant