Chapitre 96: Le vide

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Le vide.
C'est tout ce que je ressens quand j'ouvre les yeux.

Des voix me parviennent mais je n'arrive pas à distinguer ce qu'elles disent, comme si on avait fourré des cotons dans mes oreilles. Je les vois me parler, je les sens me toucher mais je n'ai qu'une envie, c'est qu'on me laisse tranquille.

Je veux être seul. Je ne supporte plus de voir leurs visages tristes et inquiets. De voir cette douleur qui fait écho à la mienne à l'intérieur de moi.
Non, je ne peux pas, je n'en ai pas la force.

Je crois que je suis dans la chambre de soins mais tout est tellement flou que je n'arrive pas à bien distinguer ce que je vois par moment, comme si j'étais dans un brouillard de flou. Seuls les souvenirs qui refont surface malgré mes tentatives de les repousser à tout prix, restent clair comme de l'eau de roche. Je ne veux voir aucun de ses souvenirs, aucunes de ses tortures ou même ce que j'ai pu devenir en l'espace d'un an mais ma mémoire les impose à moi chaque seconde qui passe.

Tout ce que je veux, c'est juste oublier de nouveau.

Angelo avait raison en me disant de ne pas me précipiter à me souvenir. Dire que j'étais excitée à l'idée de retrouver la mémoire me donne la nausée.Tout ça me donne envie de vomir et de disparaître de ce monde. Comment une personne peut-elle vouloir vivre avec tout ça en souvenirs ? Elle ne peut pas car il y aura toujours des traumatismes, toujours quelque chose pour nous rappeler que ce que l'on a vécu ne fait pas partie de nos pires cauchemars. Que c'est bien réel.

Plutôt crever que de vivre ça.

La vie aurait dû me laisser mourir là-bas et je ne comprends pas pourquoi la mort n'est pas venu me prendre la main avant que mon ami le fasse. Elle aurait dû. Elle aurait vraiment dû.

Angelo

Assis sur une chaise près de son lit, j'attends qu'Aurélio rentre de mission pour lui parler de ce qu'il s'est passé.
Je m'en veux tellement de lui avoir demandé de venir avec moi à cette séance de psy. Le remords me terrasse depuis que je l'ai trouvée évanouie sur la pelouse du jardin arrière, le visage mouillé de larmes. Alors, je l'ai porté jusqu'ici avant d'appeler des infirmières qui m'ont confirmé que ce n'était rien de physique.

Je prends sa main gauche pour la serrer dans mes mains parce que je sais qu'elle est réveillée, ses yeux ouverts me le confirment mais le vide qui s'y trouve à l'intérieur me glace le sang. Comme si physiquement, elle était là mais que mentalement, elle était ailleurs.

- Ne la touche pas ! dit une voix que je connais que trop bien.

Ses mains m'empoignent pour me plaquer contre le mur me provoquant des douleurs là où cette pourriture nous a fracturé les os. Douleurs que nous garderons à vie.

Le visage d'Aurelio est rempli de colère.

- Mais qu'est-ce qui te prend, bon sang ?

- Arrête de faire l'imbécile ! dit-il en tapant de nouveau mon corps contre le mur.

Je sers les lèvres pour supporter la douleur avant de le pousser pour qu'il me lâche.
 
- Explique-moi parce que là, je ne vois pas du tout de quoi tu parles !

- Je vous ai vue dormir ensemble. Là, ça te parle ?

Maintenant qu'il a éclairé ma lanterne, un sourire se dessine sur mes lèvres.

- Tu es jaloux ? De moi ? Wow qui l'eût cru !

- Ça ne me fait pas rire.

- Bah moi oui. Non mais avant de t'en prendre à moi comme tu viens de le faire, tu aurais peut-être dû venir me parler pour entendre mon explication.

Si je l'avais su...je ne l'aurai jamais cruOù les histoires vivent. Découvrez maintenant