« Un grain de gaieté assaisonne tout », Baltasar Graciàn
Je suis presque en train de courir dans les couloirs du château avec mon fils dans les bras pour arriver à l'heure au bassin de Latone, mais quand, enfin, je sors dans les jardins, je suis accueilli par un vent de fraîcheur, digne du mois de novembre dans lequel nous sommes. J'ai eu raison de bien m'emmitoufler, il ne fait vraiment pas chaud, cela ne m'étonnerait pas qu'il tombe de la neige d'ici quelques jours si les températures restent ainsi.
Reprenant mon souffle, je fixe mon regard sur le bassin de Latone, juste en face de moi et constate la présence de deux personnes, je reconnais aisément Liselotte et le souverain ; ils marchent, dos à moi, en direction du tapis vert, qui fait face au futur Grand Canal, encore en construction. J'inspire et expire un grand coup puis me dépêche de les rejoindre, mais je n'avais point fait attention aux gardes qui marchent plusieurs pas derrière le Roi et qui m'empêchent d'aller plus loin.— Je... Le Roi m'a invité à sa promenade, aujourd'hui, leur avoué-je.
L'un d'eux me regarde, dubitatif, puis reporte son regard sur mon enfant.
— Allez dont lui demande si vous ne me croyez pas, insisté-je.
— Très bien, restez ici.Le premier s'en va en direction du Roi tandis que l'autre reste devant moi. Par-dessus son épaule, je vois le second garde interpeller le souverain. Ce dernier se retourne et quand il semble me voir, il hoche la tête. C'est alors que le garde revient vers moi et m'indique qu'en effet, le Roi autorise ma présence près de lui pendant cette promenade.
Eh bien oui, ce n'est pas comme si je ne le lui avais pas dit...
Je les remercie puis les dépasse pour retrouver le souverain et mon amie, qui se sont arrêtés pour m'attendre. Bien que je l'ai vu il y a peu, je refais une révérence au Roi qui, comme à la porte de mes appartements, me regarde longuement.— Louise, mes aïeux, est-ce votre bébé ? s'exclame Liselotte, le sourire aux lèvres.
Son intervention me fait détourner mon regard de celui du Roi. Je hoche la tête, le sourire aux lèvres. Elle se précipite vers moi pour l'apercevoir.
— Seigneur qu'il est beau ! Avez-vous réussi à vous mettre d'accord sur un prénom ?
— Liselotte, je vous présente Jean-Baptiste.
— Il est vraiment magnifique. Puis-je le porter ?J'acquiesce et le lui met dans les bras.
— Y'a-t-il que nous pour cette promenade ? demandé-je.
— En effet, le Roi ne voulait pas grand monde aujourd'hui, affirme mon amie.Mon fils toujours dans ses bras, tous trois marchons sur le tapis vert avec, en face de nous, le bassin du char d'Apollon, que je trouve majestueux.
— La naissance n'a pas été trop difficile ? s'intéresse Liselotte, en berçant mon fils, qui semble ravi.
— Elle a eu lieu en pleine nuit, j'ai été réveillé par une douleur intense, une chance que Robert avait proposé au médecin de sommeiller dans notre seconde chambre, ainsi, il a pu être près de moi en très peu de temps.
— Il a été prévenant.
— Oui, très, et je le remercie pour cela.Liselotte me rend mon fils, que je ne cesse de regarder, mais bientôt, c'est vers quelqu'un d'autre que mon regard se porte : le Roi, à nos côtés. C'est plus fort que moi, je ne parviens pas à les détourner, comme indéniablement attirée par lui.
— Sire, je tenais à vous remercier pour cette invitation, lui dis-je.
— Ce n'est pas désintéressé, à vrai dire, avoue-t-il d'un regard étrange que je ne saisis pas.Déroutée, je reste stoïque quelques instants. Pas désintéressé ? C'est-à-dire ? Malheureusement, je n'en sais pas plus, car il n'ajoute rien.
Je jette une œillade à Liselotte qui hausse les épaules, mais je ne rate pas son petit sourire au coin des lèvres.
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Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vous
Romantik1674. La jeune Louise Brailly s'apprête à épouser Robert Drouart, Marquis d'Anjou, un homme choisi par son père. Malheureuse, elle sait très bien qu'elle ne trouvera jamais l'amour et le bonheur dans les bras de son époux qu'elle tolère tout juste...