Chapitre 31

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« Il est sans comparaison plus facile de faire ce qu'on est [...] », Louis XIV

— Jean-Baptiste est en pleine forme d'après Claudine, informé-je Robert en entrant dans la pièce principale, le sourire aux lèvres, la lettre de cette dernière encore à la main. Cependant, vous lui manquez beaucoup. Ne m'aviez-vous pas dit que vous étiez passés par chez nous avant de revenir ici, après la visite à votre mère ?
— Je n'en ai pas eu le temps, bougonne-t-il.
— Alors que c'était sur votre chemin ? m'étonné-je d'un ton condescendant.

Il m'envoie un regard assassin.

— Eh bien oui car voyez-vous, j'ai beaucoup de travail.

Un rire jaune sort de ma gorge, épouvanté par ses mots tranchants.

— Et pourtant cela ne vous a pas empêché de rendre visite à votre mère.

Un silence lourd s'installe et alors qu'il se lève lentement, je me recule de quelques pas, mais je suis très vite stoppé par mes jambes qui ne me répondent plus. Les yeux levés vers mon époux, je déglutis avec difficulté.

— Oui, parce qu'elle était malade, la lettre disait qu'elle ne passerait peut-être pas la nuit ! Notre fils n'avait aucun pépin de santé.
— Et cela vous empêche donc d'aller le voir ? me ressaisisse-je. Ne comptez-vous lui rendre visite que lorsqu'il sera souffrant.

Il lève la main, ferme le poing et me pointe du doigt avec une lueur furieuse dans le regard.

— Je ne veux plus continuer cette discussion. Retournez dans la chambre répondre à la lettre de sa gouvernante et fichez-moi la paix !

Je pique un fard face à son humeur massacrante, lui envoie un regard noir puis retourne dans la chambre, mes talons tapant contre le sol. Non, mais quel goujat ! Se fiche-t-il donc des sentiments de notre fils ? Je l'informe qu'il se languit de lui et c'est tout ce qu'il me répond ? J'ai épousé un véritable rustre qui ne se souci que de lui-même !

— Gougnafier ! pesté-je en donnant un coup de pied à ma chaise, qui ne bouge pas d'un pouce.

La porte derrière moi s'ouvre et se referme. Pendant un instant, je cesse de respirer à l'idée que c'est Robert et qu'il m'a entendu l'insulter, mais le silence après l'arrivée de la personne me signifie que je peux continuer à respirer normalement.

— Euh... madame ? m'appelle la voix de Madeleine.

Je me retourne et fais face à ma domestique, mal-à-l'aise face à ma colère.

— Eh bien je vous écoute, Madeleine, la pressé-je.
— Euh je... On m'a demandé de vous remettre cette missive.

Elle me tend une lettre que j'attrape.

— Merci, vous pouvez disposer.

Elle ne se fait pas prier avant de sortir.

Je regarde la lettre avec un certain intérêt et quand je repère le sceau royal, mon cœur fait un bon dans ma poitrine.
Le Roi.
Je m'empresse de la décacheter et remarque un court mot :
« J'ai besoin de vous. Venez dans ma chambre dès que vous aurez connaissance de ce mot. »
Un sourire solaire se dessine sur mes lèvres et je me surprends même à mordiller ma lèvre inférieure, habitée désormais d'une hâte et d'un désir presque incontrôlable. Car s'il veut me voir parce qu'il a besoin de moi, c'est bien pour cela, non ?
Je froisse le mot et le jette dans la cheminée pour ne pas prendre le risque que Robert tombe dessus puis je sors de la chambre tout en essayant de contrôler mon sourire pour ne pas que celui-ci paraisse suspect.
Je passe devant Robert sans un regard et me dirige vers la porte.

Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant