Chapitre 23

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« La crainte de perdre ce que l'on a [...] » Saint Augustin

« Dans l'espoir de vous revoir rapidement,
Votre fille bien aimée,
Louise. »

Ma lettre pour mes parents terminée, je la plie et y appose mon sceau.

— Madeleine, l'appelé-je quand je la vois entrer dans la pièce.
— Oui madame ? me demande-t-elle en se postant devant moi.
— Veuillez donner cette lettre à mon messager, je vous prie, c'est pour mes parents.
— Tout de suite, madame, approuve-t-elle en prenant la missive.

Elle se retourne et sort déjà des appartements. Robert étant je ne sais où avec je ne sais qui, mais loin de moi et cela m'arrange, je suis seule depuis ce matin.
Je lève un œil vers l'horloge et constate qu'il est 14h passé. Hier, quand elle m'a raccompagné à mes appartements, elle m'a invité à venir boire le chocolat chez elle. Invitation que j'ai évidemment acceptée. J'aime passer la plupart de mon temps avec elle, c'est vraiment une très bonne amie sur laquelle je peux compter et à laquelle je peux tout dire — ou presque — sans être jugé ni moqué et cela, ça n'a point de prix. Ainsi, les journées passent plus rapidement et nous rigolons toujours très bien. J'adore son côté commère, même si je suis toujours autant intriguée par le comment elle est au courant de tout ce qu'elle me raconte. Elle est simplement très observatrice, m'a-t-elle répondu un jour, mais pour moi, il n'y a pas que ça. C'est vrai, sinon comment elle connaîtrait le mystérieux homme au masque de fer ? Avant qu'elle ne l'évoque, je n'avais jamais entendu parler de lui ainsi que de toutes les théories, dont certaines très farfelues, concernant son identité ! Au début, je n'étais pas très à l'aise avec tous ces commérages et surtout cette histoire de prisonnier secret, mais à force d'entendre en parler, elle a attisé ma curiosité et à fait naître certaines théories dans ma tête le concernant. Il me tarde de savoir ce qu'elle va m'annoncer aujourd'hui comme hypothèse ! Si toutefois elle en a une nouvelle.
Deux coups donnés contre ma porte me sortent de ma rêverie et me font même légèrement sursauté. Qui cela peut-il bien être ? Je n'attends personne. Intriguée, je me relève du tabouret et me dirige vers la porte.
Mon teint devient blafard quand je l'ouvre. Que diable fait-il ici ? La main crispée sur le chambranle de la porte, je fais tout pour ne pas lui montrer ma crainte de le voir ici alors que je suis seule et ravale discrètement ma salive. Mais à l'intérieur de moi, c'est le chaos. Mon cœur bat si fort que je suis certaine de tomber si par malheur je ne me retiens plus à l'embrasure.

— Comte de Saint-Germain ! l'accueillé-je avec un sourire factice. Vous êtes venu voir mon époux ? Malheureusement, il n'est pas présent, j'aurais d'ailleurs pourtant juré qu'il était avec vous. Je ne sais pas où vous pourrez le trouver parce qu'il ne m'a point dit où il se rendait, mais je suis certaine que vous pourrez le dénicher tout seul. Sur ce, je suis désolée, mais je dois partir.

Je m'apprête à lui claquer la porte au nez, mais il place son pied stratégiquement afin de m'en empêcher. L'une de ses mains plaquée contre la porte, il m'envoie un sourire machiavélique avec des yeux à en faire pâlir Satan.
Je déglutis, le corps tremblant. Quand il franchit le seuil sans cesser de planter son regard terrifiant sur moi, je me recule instinctivement, mais bute bientôt, contre le divan. Mes yeux dans les siens car je refuse de les détourner, je contourne le sofa.

— C'est vous que je ne suis venu voir, comme vous l'aurez sans doute compris, madame la Marquise, m'avoue-t-il d'une voix caverneuse.
— Que me voulez-vous ? lui demandé-je d'une voix que j'espère assurée.
— Vous ne m'offrez même pas un verre de vin ? C'est comme ça que votre mère vous a appris à accueillir un invité ?
— Si, mais seulement avec les personnes que j'ai invité seulement, et non pas ceux qui s'incrustent, réponds-je avec un aplomb qui m'étonne.

Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant