« La colère est comme une avalanche [...]», Sénèque
Hier, à l'instant même où je suis rentrée des jardins après y être resté peu de temps à cause des regards des autres qui me brûlaient la peau, je me suis enfermé dans la seconde chambre à coucher et n'y suis plus ressorti de la soirée. Ce matin, malgré les protestations de Robert qui n'a pas aimé dormir seul, je ne me suis pas rendu à la messe. Aucune envie de croiser Athénaïs, cette femme qui a totalement fiche en l'air mon bonheur, et encore moins envie de voir le Roi, je n'aurais pas supporté son ignorance à mon égard. Alors, pour ne pas affronter le monde extérieur, je reste prostré dans la chambre sans sortir, attendant que les heures passent en dévorant des livres pour m'anesthésier le cerveau. Je sais pertinemment que ce n'est pas une solution et, qu'un jour ou l'autre, il va bien falloir que j'aille prendre l'air, mais je me sens encore trop mal pour m'en sortir capable.
— Madame, vous n'avez rien avalé depuis hier soir, il faut que vous mangiez quelque chose, m'implore Madeleine, inquiète de me voir en si petite forme.
— J'ai l'estomac trop nouée, Madeleine. Si je mange, je risque de tout rejeter dans la seconde.
— Mais vous le devez si vous ne voulez pas tomber malade.Elle me tend l'assiette, que je refuse. Ma domestique et amie soupire, dépassée.
— Madame...
— Comment pouvez-vous me demander de manger, Madeleine ?Elle s'agenouille devant moi et me regarde dans les yeux.
— Je peux comprendre comment vous pouvez vous sentir, madame, mais cesser de se nourrir n'est pas une solution. Je suis certaine que tout finira par s'arranger.
— Et comment ? Tout le monde croit que je ne pense pas le Roi légitime de son trône alors que ce n'est pas ce que j'ai dit, c'est la Marquise qui a tout déformé pour me nuire !Je soupire un bon coup pour me détendre et me calmer, crier sur ma domestique, qui n'y est pour rien, n'est pas une solution.
— Je comprends votre peine, madame, mais à quoi cela vous avance de ne pas vous nourrir ?
— À rien, mais j'en suis simplement incapable pour le moment.
— Mais essayez, au moins, désespère-t-elle.Je me lève d'un bond.
— Cela suffit, cessez de m'importuner et rapportez le plateau avec vous. Je n'ai pas faim.
Bien que je vois à son visage qu'elle a envie de répliquer, elle n'insiste pas et sort de la chambre. Malheureusement pour moi, Robert, qui a dû épier notre conversation, entre dans la pièce comme une furie, les yeux furibonds.
— Sortez de cette pièce, m'ordonne-t-il d'une voix autoritaire.
— Non.
— Maintenant cela suffit, Louise ! Des heures que vous êtes enfermée, je veux que vous sortiez !
— Vous n'avez pas à exiger quoi que ce soit ! Fichez-moi la paix.
— Cessez de faire l'enfant en vous cachant ! Vous êtes responsable de ce qu'il s'est passé hier, vous devez en assumer les conséquences !Mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines. Mon regard sur lui se fait assassin.
— Moi, responsable ? C'est la Marquise de Montespan qui a lancé cette infâme rumeur !
— Peut-être, mais elle s'est bien basée sur quelque chose pour la lancer, cette rumeur !
— Non, elle a sorti mes paroles de son contexte uniquement pour me nuire et anéantir ma réputation !
— Très bien, alors qu'avez-vous dit, dans ce cas ? me demande-t-il en croisant les bras sur sa poitrine, le regard dur.
— Je ne me justifierai pas auprès de vous. Le seul envers qui je veux le faire, c'est le Roi.Robert rit jaune.
— Sauf que, d'après ce que j'ai entendu dire, il n'en a point voulu.
Ses paroles me poignardent le cœur. Mais ce qui me fait encore plus mal, c'est la lueur que je vois dans ses pupilles.
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Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vous
Romance1674. La jeune Louise Brailly s'apprête à épouser Robert Drouart, Marquis d'Anjou, un homme choisi par son père. Malheureuse, elle sait très bien qu'elle ne trouvera jamais l'amour et le bonheur dans les bras de son époux qu'elle tolère tout juste...