Chapitre 10

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« La famille, c'est l'amour sans regrets et sans amertumes », Ninon de Lenclos

Pour fêter l'arrivée du dernier mois de l'année, la neige est tombée cette nuit. Ce matin, je me suis donc réveillée heureuse. Pour cela car voir tout ce blanc recouvrir le paysage est réellement magnifique, mais également car aujourd'hui, ma famille arrive ici, à Versailles, pour faire la rencontre de mon fils. Ils doivent arriver en début de matinée, et repartir dans la soirée. Il me tarde de les voir, cela fait trop longtemps. Ma petite sœur, particulièrement, qui me manque atrocement.
À côté de moi, Robert dort encore, ce qui ne me surprend pas. Hier soir, il est rentré très tard d'une soirée arrosée chez un noble dont je n'ai pas retenu le nom, ni même le titre. En vérité, je l'ai à peine écouté, trop heureuse de passer une soirée tranquille avec mon enfant que j'aime un peu plus chaque jour.
En catimini, je retire la couverture de mon corps et sors du lit. Le petit landau de mon fils qui était à côté de moi, à seulement quelques pas, est désormais dans la seconde chambre, avec Claudine. Je ne voulais point m'en séparer, je voulais qu'il dorme encore dans notre chambre, mais évidemment, Robert a fini par avoir le dernier mot.

— Bonjour madame, me salue Madeleine en souriant quand j'arrive dans la pièce principale.

Sur la table se dresse une tasse de chocolat chaud ainsi qu'une assiette pleine de gourmandise devant lesquelles je salive.

— Bonjour, Madeleine. Mais je vous en prie, appelez-moi Louise, je vous l'ai déjà dit.
— Veuillez m'excuser, j'ai encore quelques difficultés avec cette familiarité, mais je vous promets de faire l'effort.

Je m'installe en face de la table et suis surprise par mon ventre qui grogne, ce qui nous fait rire, ma domestique et moi.

— Où sont Claudine et Jean-Baptiste ? demandé-je en attrapant une sucrerie.
— Encore dans la chambre.

À peine a-t-elle dit cela que la porte de la seconde chambre s'ouvre sur Claudine avec mon fils, déjà habillé, dans les bras. Trop heureuse de le voir, je me précipite sur lui et le prend dans mes bras en le serrant fort.

— Mon petit chéri, vous m'avez tellement manqué, lui avoué-je en lui glissant une avalanche de bisous sur ses joues potelés beaucoup trop craquante.

Son sourire sans dent et le plus des cadeaux. Est-ce normal de tomber amoureuse de son propre enfant ?

— Comment cela s'est passé cette nuit ? demandé-je à Claudine en m'asseyant sur la chaise, mon fils sur les genoux.
— Très bien, il a été sage. Cet enfant est un ange, madame.

Je souris et joue avec ses petites mains tandis que, de ma droite, je bois quelques gorgées de mon chocolat.

— Quelle heure est-il, au fait ?
— Neuf heures, m'apprend Madeleine.

Bon, il me reste une heure avant d'aller à la messe, c'est largement suffisant.

Mon petit déjeuner terminé, Robert se lève enfin, je le salue d'un rapide baiser puis demande à Madeleine de venir m'aider pour m'habiller, en confiant de nouveau mon fils à sa gouvernante. Aujourd'hui j'opte pour une robe couleur lilas ainsi qu'un chignon avec deux mèches qui descendent le long de mon visage.
De retour dans la pièce principale, je fais face à un spectacle magnifique : mon fils dans les bras de son père, leurs yeux pétillants de bonheur.

— À quelle heure arrivent vos parents ? me demande-t-il.
— Pour onze heures, voire même peut-être avant. Je vais devoir me dépêcher au sortir de la messe.

Pour l'occasion, j'ai acheté un petit présent pour ma petite sœur, Elisabeth, qui lui plaira sans aucun doute.
Robert rend Jean-Baptiste à Claudine puis il me prend le bras pour nous diriger vers la sortie de nos appartements.
À proximité de la chapelle, nous saluons le Roi et son épouse qui passent devant nous, le Roi se dirige vers le salon haut puis les nobles s'entassent dans le lieu de culte, prêts à écouter le prêtre. Dos au salon haut, je me retourne pour apercevoir le souverain et ne peux m'empêcher de le fixer de longues secondes. Au début, il ne me remarque pas, les yeux droit devant lui, comme plongé dans ses pensées, puis quand le prêtre commence à parler, ses yeux se baissent et il m'aperçois. Mon cœur s'arrête de battre et ma respiration reste bloquée dans ma gorge. Lentement, je déglutis. Pendant de longues secondes qui me semblent trop courtes, le Roi et moi ne nous quittons pas du regard. Lorsque mon cœur se remet à battre, c'est rapide, fort et violent.  Je pourrais rester ainsi longtemps, très longtemps, mais réalisant que cela n'est pas du tout approprié, je détourne le regard et me concentre sur les sermons de l'homme d'Église, bien que chamboulée par cet échange silencieux que je viens d'avoir avec l'homme le plus puissant du pays.

Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant