Chapitre15

104 3 2
                                    

« [... ] Une femme [...] garde mieux son secret que celui d'autrui », Jean de la Bruyère

Aujourd'hui, la Roi part sur le front. Depuis des mois, son frère, Philippe d'Orléans, se bat pour le pays, mais il y a quelques jours, nous avons appris que le Roi allait l'y rejoindre, laissant ainsi les clés du royaume à son épouse, Marie-Thérèse d'Autriche. Je suis heureuse pour elle, mais ne peut m'empêcher d'être inquiète pour le souverain. Non, ce ne sera pas la première fois qu'il s'y rendra et oui, il aura toute une armada pour le protéger, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer pendant une guerre.
Depuis que nous nous sommes croisés dans le passage secret il y a une semaine, je ne cesse de penser à ce qu'il s'est passé, à ses baisers dans mon cou, ses murmures contre mon oreille, la joie que j'ai ressenti dans ses bras... Mais trop bouleversé par ce que j'ai ressenti ce soir-là, j'ai tout fait pour éviter de me retrouver à proximité de lui pour ainsi ne pas donner la possibilité à mon désir de ressurgir. Pour moi, pour me protéger car je sais que cela ne durera pas, mais aussi parce que je suis amie avec son épouse et que, par respect, je ne peux lui faire ça, elle qui souffre déjà tellement de toutes ses conquêtes.

— Vous me semblez bien guillerette depuis quelques jours, m'apostrophe Liselotte alors que je sors tout juste de mes appartements.
— En effet.
— Dois-je comprendre que ça va mieux avec votre époux ?
— On peut dire ça, oui.

Il y a de ça, en effet, mais j'omets de lui dire que si je suis ainsi, c'est aussi parce que le moment dans le passage secret avec le Roi me hante et me rend heureuse, malgré ma culpabilité envers la Reine. Cela, je compte bien le garder pour moi. J'ai toute confiance en mon amie, mais elle reste très commère et je ne veux pas prendre le risque qu'elle en parle au détour d'une conversation qui pourrait tomber dans de mauvaises oreilles.

— J'ai décidé d'arrêter de lui en vouloir pour le départ de Jean-Baptiste, j'ai fini par comprendre qu'en effet, il est mieux dans notre demeure qu'ici. Et puis, j'ai reçu une lettre de ma mère ce matin qui m'a certifié qu'elle allait lui rendre visite autant que possible, accompagnée de ma petite sœur.
— Je suis heureuse que ce mariage soit un peu moins pesant pour vous, Louise, avoue-t-elle en passant son bras sous le mien.
— Nous sommes unis et même si je n'aimerai jamais vraiment Robert, autant rendre ce mariage le plus agréable possible.
— Belle philosophie.

Nous marchons toutes les deux dans le couloir.

— Pourquoi étiez-vous près de mes appartements, au fait ? l'interrogé-je.
— J'étais venu vous proposer de venir vous promener avec moi dans les jardins.
— Eh bien vous avez lu dans mes pensées, je m'y rendais justement.
— Alors c'est parti. J'ai encore un peu de temps devant moi avant d'aller assister au départ du Roi.

Son départ est prévu pour midi, après son dernier Conseil des Ministres avant de nombreuses semaines, qui a lieu en ce moment même.

— J'ai entendu dire qu'en privée, Athénaïs lui avait fait une crise de colère et de larmes pour ne pas qu'il s'en aille, me glisse-t-elle.
— Cela ne m'étonne pas, persiflé-je, ce qui fait rire mon amie. Visiblement, cela ne lui a fait ni chaud ni froid, puisqu'il part quand même. Athénaïs se pense plus importante à ses yeux qu'elle ne l'est vraiment, si vous voulez mon avis.

Liselotte rit si fort que plusieurs personnes se retournent vers nous.

— Que vous êtes mauvaise, Louise.
— Je suis simplement réaliste.

Le Roi a beau avoir la réputation avérée d'homme à femmes, je suis persuadée que s'il aimait Athénaïs autant qu'elle le croit, jamais il n'aurait posé les yeux sur moi et jamais il ne m'aurait fait toutes ces choses dans le passage secret.
Nous arrivons dans les jardins à peine en fleurs. Liselotte et moi nous dirigeons vers les parterres d'eau sur la terrasse du château où nous nous installons sur le rebord.

Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant