Chapitre 6

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« La colère est comme une avalanche qui se brise [...] », Sénèque

À la fin de la messe, trop honteuse d'affronter la Reine qui va sans doute me demander ce qu'a dit mon mari puisque j'ai omis de lui envoyer une missive, je sors de la chapelle à pas de course, distançant ainsi Robert de plusieurs pas.

— Louise, ralentissez ! me somme-t-il derrière moi, mais je fais la sourde oreille et continue ma marche. Louise !

Son éclat de voix fait se retourner plusieurs personnes sur notre passage, mais je n'en ai que faire, tout ce que je veux, c'est rentrer dans mes appartements. J'enverrai une lettre à la Reine dans la journée.
Malheureusement pour moi, Robert parvient à me rattraper et m'attrape par le bras, mais je le retire bien vite de sa prise.

— Arrêtez de faire l'enfant, ne voyez-vous pas que vous n'agissez pas du tout comme une dame digne de votre rang ? peste-t-il.
— L'apparence, il n'y a que ça qui compte pour vous, n'est-ce pas ? craché-je, le regard si mauvais qu'il reste bouche-bée quelques instants.
— Nous en parlerons lorsque nous serons rentrés.
— Non !

Il m'envoie un regard noir.

— Vous voulez vraiment faire une scène ici, devant tout le monde et vous ridiculiser ?
— Je me fiche bien du ridicule, Robert.
— Louise, s'il vous plaît...

Il tente de me prendre de nouveau la main, mais je recule de plusieurs pas, bien consciente que beaucoup de monde nous observe, mais je n'en ai que faire. Mais puisqu'il tient tant à cette apparence qui lui et si chère, autant le mettre devant le fait accompli :

— Quoi ? Vous ne voulez pas que tout le monde sache que que vous me refuser un poste important, remplis de reconnaissance, uniquement parce que ce n'est pas assez bien pour le grand Robert Drouart, Marquis d'Anjou ? m'exclamé-je, furieuse.

Au regard meurtrier qu'il me lance, je comprends qu'il n'aime pas du tout la scène que je suis en train de jouer, mais il va lui falloir du courage s'il veut m'arrêter.

— Vous ne comprenez pas que c'est un honneur pour moi, une reconnaissance ! Non, vous, tout ce qui vous importe, c'est vous, vous, vous et encore vous !
— Louise, ça suffit, grogne-t-il, c'est la dernière fois que je vous le demande gentiment.
— Parce que vous...
— Que se passe-t-il, ici ? tonitrue une voix colérique, en m'interrompant dans ma réplique.

De suite, je me décompose en reconnaissant la voix du Roi. Oh non...

— Marquis, Marquise, je ne vous reposerai pas la question.

Comme Robert ne semble vouloir rien dire au Roi, mais que moi-même je refuse de faire preuve d'un tel manque de respect à son égard, je réponds :

— Nous... je... hier, pendant ma promenade, j'ai eu l'honneur de rencontrer la Reine, Sire, et je... après discussion, elle m'a proposé de...

Il lève la main pour me faire taire.

— Je ne veux pas en savoir plus ici. Dans mon Cabinet, tous les deux. Maintenant.

Sur ce, il tourne les talons et prend la direction de ses appartements, furieux. À côté de moi, Robert m'envoie un regard si assassin que je rentre la tête dans les épaules, une sueur froide s'emparant de moi. Dans un silence lourd où je remarque cette fichue Marquise de Montespan parler dans l'oreille dans l'une de ses accompagnatrices, Robert et moi marchons dans les pas du Roi, le cœur englobé dans une angoisse presque incontrôlable. Et s'il ne voulait plus de nous ici et qu'il nous renvoyait chez nous ?

— Vous êtes contente de vous ? vocifère Robert.
— Et vous, vous l'êtes ? Je vous signale que c'est à cause de vous que nous sommes dans cette situation, chuchoté-je. Si vous aviez accepté depuis le début la proposition de la Reine, nous n'en serions pas là !
— Votre comportement à mon égard aura des conséquences, Louise, faites-moi confiance.
— Ne vous prenez pas pour ce que vous n'êtes pas, baragouiné-je. Seul le Roi a un pouvoir absolu ici.

Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant