Chapitre 12

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« L'amitié, c'est une chaleur générale et universelle, tempérée, au demeurant, et égale », Montaigne

Trois jours qui sont passés en trois mois. Je me languis de mon fils et j'en veux si fort à Robert que je n'arrive pas à rester dans la même pièce que lui ou pire, à le regarder. Mon comportement l'agace, je le vois bien, mais il a au moins la décence de ne pas me le reprocher. Qu'il essaie, il sait très bien qu'il est en tort.

— Quelle robe m'avez-vous dit vouloir mettre, madame ? m'interpelle Madeleine alors que j'étais perdu dans mes pensées, debout dans la seconde chambre de nos appartements, où j'ai élu domicile depuis le départ de Jean-Baptiste.

Inutile de lui redemander de m'appeler par mon prénom, elle a visiblement du mal avec cette familiarité.

— La rouge, lui indiqué-je.

Elle acquiesce et va la chercher dans le placard. Elle serre mon corset puis m'aide à enfiler ma robe que j'aime tout particulièrement.

— Mettez également ma broche en forme de rose, lui demandé-je.

Elle s'exécute puis je m'installe devant ma coiffeuse pour appliquer quelques produits ainsi que ma mouche près de l'œil tandis que ma domestique me coiffe d'un chignon élégant avec deux mèches ondulés qui retombent le long de mon cou.
La porte s'ouvre et Robert apparaît dans l'embrasure, je lève les yeux au ciel et l'ignore superbement.

— Laissez-nous, Madeleine.
— C'est que je... je n'ai pas terminé de coiffer madame, monsieur.
— Je vous ai demandé de nous laisser, obéissez.

À travers le miroir, je la voie acquiescer, mais je la retiens par la main pour l'empêcher d'aller plus loin.

— Non, restez et finissez ma coiffure, je suis certaine que mon cher époux peut attendre le temps qu'il vous faut pour terminer.

Je lui envoie un regard provocateur pourtant, malgré mon insolence et mon répondant, il ne dit rien, ce qui me surprend. Peut-être ne veut-il pas de témoins.
Ma coiffure terminée, je m'applique du parfum puis Madeleine m'indique qu'elle sera dans la pièce à côté au besoin avant de quitter la chambre.

— Vous allez donc à la Soirée d'Appartement, devine Robert.

Je l'observe de haut en bas.

— Vous aussi, visiblement, réponds-je nonchalamment, totalement désintéressé.
— Louise, vous voulez bien... cessez cette tête de mule ? soupire-t-il, las.
— Vous avez prévu de faire revenir Jean-Baptiste ici ?
— Louise, vous savez très bien...
— Alors non, je ne cesserai pas, l'interrompé-je.

Il m'envoie un regard dur, bourré d'avertissement auquel je ne fais guère attention. Qu'il soit en colère s'il le souhaite, il est le seul responsable de ce cataclysme.
Tenant son regard, je me lève et passe devant lui, prête à sortir. Mais bien évidemment, il me retient par le bras.

— Louise, je sais que vous êtes en colère, mais je vous promets que si vous essayez de comprendre...

Je crois lire du regret dans ses iris, mais je n'en ai que faire, cela ne change rien.

— Ne me demandez pas de comprendre ce choix dans lequel je n'ai point eu mon mot à dire. Vous avez pris une décision tout seul sans me consulter et en me mettant devant le fait accompli, comme d'habitude, craché-je. Mais j'ai une question pour vous, Robert : si Liselotte ne m'avait point prévenu qu'elle avait vu votre carrosse dans la cour d'honneur et que je ne serais pas rentrée à ce moment-là : m'auriez-vous parler du départ de mon fils ou bien m'auriez-vous laisser le découvrir une fois qu'il serait partie ?

Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant