Chapitre 14

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« [...] et le sentiment mord », Pétrarque

Deux jours se sont passés depuis mon entretien avec le souverain. Quarante-huit heures où je n'ai eu de cesse de refuser une discussion avec mon époux. De colère, mais aussi de trouble après ce qu'il s'est passé avec le Roi.  Chaque nuit, j'en ai rêvé. Chaque matin je me réveillais avec le sourire aux lèvres, mais l'esprit troublé.

— Louise, maintenant cela suffit, arrêtez de me fuir ! hurle Robert alors que je passe devant lui sans le regarder. Louise !

Cette fois, je me retourne et lui envoie un regard assassin.

— Comment avez-vous pu parler de nos problèmes de couple au Roi ? Comment ?!
— Je ne l'ai pas fait de gaieté de cœur, je l'ai fait pour que vous réagissiez et que vous vous rendiez compte de votre comportement à mon égard.
— Mais oui, c'est ça, pensez-vous que je vais vous croire ? Je suis persuadée que vous en avez été ravi ! Mais soyez rassuré, Jean-Baptiste ne reviendra pas vivre ici, le Roi a approuvé votre décision !
— Évidemment, puisque c'est la meilleure.

Je lui envoie un regard assassin.

— Votre comportement à mon égard commence sérieusement à m'agacer, Louise. Je vous ai autorisé à rendre visite à Jean-Baptiste aussi souvent que vous le voulez, que vous faut-il de plus ?
— Vivre avec lui ! explosé-je.
— Alors demandez son autorisation au Roi si c'est ce dont vous avez tant besoin !
— Je l'ai déjà fait, figurez-vous, et il ne l'a pas voulu !

Mon aveu a l'avantage de le faire taire, bouche-bée.

— Eh bien, je suppose que s'il l'a fait, c'est parce qu'il n'a vu en votre demande qu'un caprice d'une enfant pourrie gâtée.

Je lui envoie un regard furibond. Si je n'avais pas peur des représailles, je lui aurais donné plusieurs coups au torse pour ces mots blessants. Bien sûr, pour lui faire fermer son caquet, je pourrais lui avouer que si le Roi a refusé, c'est parce qu'il m'a avoué que j'étais indispensable pour lui, mais il en est hors de question. Les mots qu'il m'a glissé ce jour-là,,je compte bien les garder pour moi.

— Non, il m'a simplement confié que son épouse souhaitait ma présence ici, lancé-je. Mon amitié lui est précieuse.
— Alors pourquoi m'en voulez-vous, dans ce cas ?

Non, mais il se fiche de moi ?

— Vous m'avez enlevé mon fils, Robert !
— Si je ne l'avais pas fait, les gardes du château l'auraient fait, ça n'aurait été qu'une question de jours ! La loi du palais ne veut pas d'enfant à la cour, il va falloir que vous l'imprimiez et que vous cessiez avec cette colère !
— Oui, je sais, je ne suis pas digne d'une femme de mon rang, je commence à le savoir, vous me le reprochez sans cesse ! me mets-je à pleurer, ne pouvant plus rien retenir.

De rage, j'essuie mes larmes du plat de la main.

— Et pourtant vous ne changez pas, vous agissez toujours pareil.
— C'est cela, d'épouser une femme de quinze ans sa cadette, persiflé-je.

Pendant quelques instants, il reste cloué face à mes dernières paroles.

— Votre père m'a forcé la main.
— Vous auriez pu refuser, il ne vous a pas mis le couteau sous la gorge, que je sache.

Contrairement à moi...

— J'ai accepté car je voulais me marier, mais aussi parce que je vous trouvais à mon goût. Votre père m'avait vanté vos mérites.

Des larmes roulent encore sur mes jours, mais cette fois, je les laisse faire.

— Et maintenant, n'avez-vous aucun regret ? Appréciez-vous toujours ce que vous voyez ?
— Toujours, répond-il d'un ton calme.

Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant