« L'esprit achève ses propres pensées, en les mettant au-dehors », Louis XIV
Un livre à la main et une tasse de chocolat chaud posé sur la desserte à côté du divan, je lis depuis quelques minutes, profitant du silence qui règne dans les appartements en l'absence de Robert. Il est en train de faire je ne sais quoi avec le Comte de Saint-Germain et cela m'arrange, qu'ils soient tous les deux occupés, ainsi, j'évite une dispute avec mon époux, et n'ai pas à craindre ce Comte de malheur. Depuis la fête en l'honneur du Roi il y a quelques jours, je suis apeurée à l'idée qu'il m'envoie une autre menace ou pire, qu'il me coince dans les couloirs, c'est pourquoi je suis restée la plupart du temps cloîtrée ici, prétextant être souffrante. J'en ai profité pour écrire à mon fils et ma famille, tout de même consciente qu'il va bien falloir que je finisse par sortir, je ne veux en aucun cas que le Comte me régente, et surtout pas alors que je ne suis pas certaine qu'il continuera ce qu'il a commencé lors de la fête.
Des pas claquent sur le parquet, je relève la tête et aperçois Madeleine.— Y'a-t-il un problème ? l'interrogé-je.
— Non, madame. On a déposé cette missive pour vous.Je ferme mon livre et le pose. Madeleine me tend une lettre sur laquelle je ne prends pas le temps de baisser les yeux, paniquée à l'idée que cela vienne du Comte de Saint-Germain.
— Vous ne l'ouvrez pas, madame ? s'étonne ma domestique.
— Qui vous l'a donné ? me renseigné-je d'une voix que je n'espère pas tremblante.
— Un domestique.Mon souffle s'arrête. Cela ne peut être que le Comte qui a sans doute voulu me la faire parvenir anonymement, mais alors... pourquoi senté-je un cachet, dans le dos de la lettre ? Je la retourne et lâche tout l'air retenu dans mes poumons quand je fais face au sceau royal, ornée d'une fleur de lys. Mon sourire naît.
— Merci, Madeleine, lui dis-je. Vous pouvez me laisser, maintenant.
Elle acquiesce et s'éloigne tandis que, lentement, j'ouvre le mot, les mains tremblantes de nervosité.
« Grotte de Téthys. Coucher du soleil. »
Ce n'est pas signé, mais je sais que cela provient du Roi grâce au sceau. Mon sourire se fait encore plus large et mon coeur, qui battait à allure normale, ce met à accélérer si fort que j'en suis essoufflée. Seigneur, le Roi me demande-t-il réellement de le rejoindre dans ce lieu où je n'ai jamais mis les pieds, mais lequel ai-je toujours voulu voir ? Oh mon Dieu, oh mon Dieu, oh mon Dieu ! J'apporte la lettre vers mon cœur que je serre fort, le visage radieux. Bien sûr, il va falloir que je trouve une excuse à donner de Robert afin qu'il ne trouve pas cela étrange que je sorte alors qu'il ne va pas tarder à faire nuit, mais j'ai hâte !
Je lève mon regard sur l'horloge. Il est encore tôt, à peine 11h, il y a encore au moins six heures devant moi avant de retrouver le Roi.— Qu'est-ce qui vous fait sourire ainsi ?
Je pousse un cri de peur et sursaute, le cœur battant à tout rompre. Je lève ensuite les yeux et aperçois Robert... accompagné par le Comte. Je peste, mais fais comme si sa présence ne m'importunais pas et, discrètement, je glisse le mot dans la manche de ma robe, afin que ni mon époux, ni quiconque ne tombe sur le mot.
— Oh je... il y avait un beau passage dans mon livre, m'expliqué-je dans un mensonge. Je ne savais pas que le Comte devait venir chez vous.
— Ce n'était point prévu, cela s'est fait au dernier moment. Georges et moi allons échanger autour d'un verre.
— Vous vous joignez à nous ? me demande le Comte avec un regard que je n'apprécie pas.
— Non merci, je vous laisse avec vos affaires d'hommes. Madeleine, venez avec moi, je vous prie.Cette dernière arrive vers moi presque tout de suite puis je la guide vers la chambre et ouvrir le placard où se trouve toutes mes robes avant de me retourner vers ma domestique et amie.
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Vices à Versailles - Prequel : Un geste de vous
Romance1674. La jeune Louise Brailly s'apprête à épouser Robert Drouart, Marquis d'Anjou, un homme choisi par son père. Malheureuse, elle sait très bien qu'elle ne trouvera jamais l'amour et le bonheur dans les bras de son époux qu'elle tolère tout juste...