1-Arthème (année 2030): L'avènement de la dictatrice

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«Clac». Le bruit sec de la porte, qui se referme, me surprend. 

Afin de voir le nouveau venu, je sors de ma méditation, progressivement. J'ouvre délicatement les yeux, réémergeant au milieu de la vaste pièce sombre; telle qu'elle était, lorsque je les avais fermés. 

Face à moi, une silhouette élancée s'avance. Ses solerets crissent sur le parquet ciré. Instantanément, je reconnais l'identité de mon visiteur.

-Tu n'as jamais su marcher discrètement, Nabra.

L'ombre s'arrête net, déployant ses grandes ailes, d'un blanc perçant les ténèbres de la pièce.

Nabra pousse un profond soupir de déception. D'un claquement de doigts, il fait s'allumer les vingt flambeaux ornant les murs. La lumière apparente révèle le visage impassible de Nabra. L'armure, qu'il revêt, chatoie d'une splendeur immaculée. 

D'une voix sombre, il lance:

-Même en ayant fini par acquérir un grade supérieur au tien, je n'arrive toujours pas à te surprendre...

Envieusement, mes yeux se posent sur la médaille aurifère qui orne son plastron. En y lisant l'inscription «Séraphin Tribun», je ressens une pointe de jalousie dont j'ai honte. La fierté que j'éprouve, pour Nabra, est sincère; cependant, je ne peux cacher que j'aimerais, plus que tout, être à sa place. 

Il mérite cet insigne, qu'il arbore depuis peu. Accéder à un grade aussi prestigieux est un véritable honneur. Mes ailes en frémissent, rien que d'y songer.

-Je suppose que si tu es venu ici, c'est pour une raison bien précise. Alors, je t'écoute.

-Les humains s'apprêtent à traverser de sombres jours; comme nous l'avions prédit.

-Lumière et obscurité sont indissociables. L'un ne peut exister sans l'autre. Il n'y a qu'à nous regarder, avec les Réprouvés.

En entendant le nom de nos ennemis, Nabra ne peut cacher son aversion, au travers d'une grimace. 

Il reprend très vite contenance, en poursuivant son récit:

-Tu fais bien de les évoquer, car ils sont justement la source du problème.

-Je m'en doute.

-L'influence, qu'ils détiennent, sur les décisions politiques des humains; a franchi un nouveau palier de débauche.

D'un signe de tête, il m'indique de le suivre. 

Aussi difficilement que cela puisse être, après avoir passé près de cinq heures à méditer, assis par terre; je me lève, le corps endolori, par les courbatures. Par habitude, je m'empare de mon épée, rangée dans son fourreau, que j'avais posé sur la table; puis l'accroche à ma ceinture. 

Sans qu'il ait eu besoin de me le dire, je sais déjà où il m'emmène. Nous traversons la grande cour sombre et déserte, du temple, illuminé, par endroit, grâce au clair de lune. 

L'écho de nos pas, accompagné des grincements provoqués par l'armure de Nabra, brisent le calme apaisant de la nuit. 

Comme je m'y attendais,, à une intersection, nous prenons à droite, en direction du temple du fond, gardé par un Farfadet. Ce dernier, nous reconnaissant, sort un trousseau de clés, de la poche de sa salopette bleue et déverrouille la porte. D'un signe de tête, nous remercions la minuscule créature, avant de pénétrer à l'intérieur de l'étroite pièce sombre. 

Nabra me désigne le miroir, agencé dans un coin. D'un ton nostalgique, je déclare:

-Ça fait une éternité que je ne me suis pas servi des pouvoirs de ce miroir...

Zibaë, les mystères de l'autre monde T1. Les fantômes du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant