4-Alex: De mystérieux visiteurs

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«Plus fort!», me murmure une voix, dans ma tête. La respiration haletante, j'envoie un nouveau coup dans le sac de frappe. «Plus vite!» me murmure, derechef, la voix. Tel un lion sortant de sa cage, je laisse éclater ma rage. Suant à grosses gouttes, les jambes flageolantes; j'imagine, face à moi, l'ennemi à abattre. Un déferlement de crochets, d'uppercuts et de directs s'abattent sur le sac. Mon rythme cardiaque s'accélère intensément, cependant, je sais que rien ne pourra m'arrêter. L'adrénaline me transcende, la détermination me fait me sentir invulnérable. 

Dans la pénombre de la salle de sport, seul le grincement de mes chaussures sur le parquet ciré et les frappes portées au sac sont audibles. Ma concentration atteint son paroxysme, quand je manque de glisser, en tentant d'esquiver le sac qui revenait sur moi. À ce moment précis, je constate l'engourdissement de mes muscles et la fatigue qui m'assaille. 

D'un revers de main, j'essuie brièvement mon front, ruisselant de sueur. Je me retourne, pour regarder l'horloge, aux contours ambrés, accrochée au fond de la pièce, éclairée par un faible néon. En apercevant l'heure, je suis étonné qu'il soit aussi tard. Mon entraînement a duré plus longtemps que ce que j'avais prévu. Cela ne m'importunerait pas autant, s'il n'y avait pas ce stupide couvre-feu. 

Je m'adosse et détache mon chignon, quand j'entends, soudain, des bruits de pas s'approcher. Le nouveau venu allume la lumière, dévoilant ainsi son visage carré, encadré d'une chevelure grisonnante. En reconnaissant mon Sensei (professeur d'arts-martiaux), je m'incline humblement.

-Tu es toujours là, Alex?

Je distingue un air de fierté, dans le regard sombre de Sensei Jones; dissimulé par un ton faussement réprobateur. Le maître des lieux s'avance vers moi.

-Il est tard, tu devrais rentrer. Je doute que les Défenseurs de la Liberté apprécient de te trouver dehors, à cette heure.

Je réprime un frisson, à l'évocation du nom «des Défenseurs de la Liberté». Ce groupe de persécuteurs, travaillant au nom du gouvernement, représente tout ce que j'exècre. Choisis, pour la plupart, parmi des caïds de cité. Ils sont chargés de veiller au respect du couvre-feu, mais tout le monde sait qu'ils profitent de leur statut pour oppresser leurs victimes. 

Pour ma part, je les appelle «les flics», car peu importe le nom que le gouvernement donne à ses milices; un flic reste un flic. La fureur que j'éprouve, en cet instant, me fait envoyer un violent coup de poing dans le sac.

-Canalise tes émotions. -Me conseille l'homme aguerri.- Nous retravaillerons ça demain.

D'un signe de tête, il m'indique la sortie, afin de m'inciter à prendre congé. D'un pas réticent, je m'y résous. 

Dehors, l'obscurité a déjà pris ses marques, tandis que les derniers errants s'empressent de retrouver leur domicile. Mon air décontracté ainsi que mon pas lent, me valent certains regards, de la part de quelques personnes. Comme si j'allais m'angoisser à cause d'un couvre-feu?! Chercher les ennuis est certainement mon passe-temps favori (après les arts-martiaux, bien entendu). 

Même l'air frigorifiant, de ce début d'hiver, ne m'encourage pas à accélérer le pas. « Résistance », me dis-je, intérieurement. Tournant la tête ici et là, pour perdre d'avantage de temps, je découvre des rues qui, jusqu'à présent, m'étaient inconnues. La tentation de les emprunter, afin de voir où elles débouchent, est trop grande. D'un haussement d'épaule, je me dis «Après-tout. Si je me fais prendre, pendant le couvre-feu; ça ne fera qu 'une altercation supplémentaire avec les Défenseurs de la Liberté». 

Je me risque à tourner à gauche, par «curiosité». M'attendant, naïvement, à quelque chose d'extraordinaire pouvant pimenter ma soirée; je suis déçu de découvrir une ruelle sombre et vide; tout ce qu'il y a de plus banal, en somme. Je lâche un profond soupir, avant de poursuivre mon escapade. 

Zibaë, les mystères de l'autre monde T1. Les fantômes du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant