15-Arthème: Passé ravivé

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Je longe le sentier étroit et sinueux, la lanterne m'éclairant dans cette pénombre. Mes pas, faisant craquer les branches mortes, alertent les fées phosphorescentes de ma présence; les faisant s'envoler de leurs arbres. Elles évitent d'approcher de trop près des êtres; autres que leurs maîtresses, dont elles s'empressent d'aller prévenir de mon arrivée imminente. 

Pour un esprit non-aguerri, il les confondrait avec des espèces de moustiques bioluminescents, puis se laisserait surprendre par les rafales de flèches empoisonnées; venant de partout et nulle part, à la fois. 

La forêt des Enchanteresses est l'un des endroits les plus dangereux de Zibaë; c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'aime m'y aventurer. On y apprend rapidement la vigilance ou alors, c'est la mort assurée. Je sens déjà leurs regards braqués sur moi, dissimulés dans les buissons; ainsi que leurs arcs, armés de flèches pointant dans ma direction. 

Fermant les yeux, je m'arrête pour me concentrer. J'inspire, puis expire. Réitérant l'opération quelques fois, j'attends que l'inévitable ne se produise. D'un coup, le sifflement d'une flèche décochée, me parvient. Aussi vif que l'éclair, je dégaine mon épée pour la fendre en deux. S'ensuit un lâché, d'un nombre astronomique, de flèches. Trop nombreuses, je canalise mon énergie pour faire apparaître mon bouclier. 

Un énorme champ de force bleu vient alors m'envelopper, faisant volatiliser tous les projectiles se ruant sur lui. Une fois l'assaut terminé, je fais disparaître mon bouclier, attendant l'arrivée de mes assaillantes. Je n'ai pas à attendre très longtemps, avant qu'une voix ne m'apostrophe:

-Tu es toujours aussi talentueux, Arthème. Je n'en attendais pas moins de toi.

En me retournant, je me retrouve face à un grande femme mince, vêtue d'une longue robe laiteuse. Son visage, d'une élégance unique; est celui qui apaise mes tourments, dans les moments de doute.

-Ravi de te revoir, Sibylle.

Sur son expression harmonieuse, je crois distinguer un léger sourire, rapidement occulté par une attitude sérieuse et impassible.

-Je suppose que tu as une excellente raison de venir me voir.

-Effectivement.

Face à son visage de marbre, le début de mon récit se fait hésitant. Arrive t-elle à le sentir? Oui, évidemment. Sibylle me connaît trop bien, pour ne pas s'en apercevoir. Malgré tout, face à cette situation complexe, bien qu'inévitable; je finis par me lancer:

-Je crois l'avoir retrouvé.

L'Enchanteresse me regarde, avec des yeux ronds.

-De quoi me parles-tu?! 

Elle s'arrête brusquement, entrouvrant la bouche; venant de comprendre mon message.

-Non... Ne me dis pas que...

J'acquiesce à sa stupeur; confirmant ses soupçons.

-Ce n'est pas possible... Pas après tant d'années...

-Je crois bien que si. Le passé refait surface.

Je la vois démunie, comme jamais auparavant. Son regard perdu, vaguant dans le vide.

-Comment peux-tu en être sûr?

-Il voit nos ailes! Aucun humain n'en est capable, à part...

-Les descendants des Gardiens, je le sais.

Elle me dévisage intensément; son regard, perçant, pénétrant le mien. Je me sens examiné, ce qui ne me fait pas ciller des yeux, pour autant.

-Il est au courant?! Je veux dire, est-ce qu'il sait qui il est réellement?

-Non. Dès que j'ai appris qu'il pouvait voir nos ailes; j'ai tout de suite compris. Mais j'ai considéré qu'il était préférable lui faire croire l'inverse. Il n'est pas encore prêt à l'entendre.

-À quoi ressemble t-il? -Demande t-elle, d'un ton avide.-

-C'est un jeune impertinent, cherchant sans cesse les ennuies.

-Tu peux parler. Rappelle-toi de comment tu étais, il y a quelques siècles de cela.

Je détourne le regard, songeur. Immédiatement, Sibylle, s'étant rapprochée de moi, prend ma tête, entre ses mains, pour m'obliger à, de nouveau, lui faire face. D'une voix impérieuse, elle me lance:

-Promets-moi que tu feras tout ce qui est en ton pouvoir pour le protéger.

-Vu son tempérament, je ne peux rien certifier; mais...

-Promet-le moi!

-Sibylle, je...

-Fais-le!!

Face à son regard déterminé et péremptoire; j'accède, contre mon gré, à sa requête.

-Je ferai de mon mieux.

Elle me lâche, se contentant de cet engagement.

-Je te fais confiance, Arthème. J'espère que je n'aurai pas à le regretter.

Bien que je sois attisé par la flamme de la nostalgie, après avoir revu l'Enchanteresse; sentant, toujours, les arcs, de ses congénères, braqués sur moi, je décide de privilégier la raison à la tentation. Je recule, délicatement, sur le qui-vive; malgré le feu vert de Sibylle:

-Laissez-le partir.

Contre leur gré, elles s'exécutent, puis abaissent leurs armes. Je m'en retourne, alors, à la pénombre angoissante de la forêt, laissant derrière moi, le territoire, tant redouté, des Enchanteresses.


Zibaë, les mystères de l'autre monde T1. Les fantômes du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant