Karis parvint enfin à ouvrir les yeux, elle était de retour à la Citadelle, dans son lit, enveloppée dans des couvertures. Une lumière artificielle lui perça la rétine si bien qu'elle plaqua aussitôt ses mains contre son visage. Le mouvement fut bien plus lent que ce qu'il aurait dû. Surprise, elle tenta de se redresser, mais son Corps bougea seulement de quelques centimètres avant que son dos ne retombe mollement contre le matelas.
— Holà, doucement, l'avertit Jil.
Karis cilla plusieurs fois avant de recouvrir une vision supportable. La lumière venait de fils bleutés qui ondulaient doucement au plafond, alimentés par la maîtrise de l'Esprit de Jil. Son oncle se tenait à son chevet, avec Lumi à sa droite qui la couvait d'un regard anxieux. Ils avaient l'air éreintés, toujours vêtus de leurs tenues de fête.
— Tu es restée inconsciente quelques heures. Ton Corps n'a pas trop apprécié d'avoir deux propriétaires, lui expliqua-t-il. Laisse-lui quelques minutes pour s'habituer.
Elle hocha péniblement la tête. Tous ses sens semblaient exacerbés – les couleurs trop vives, la couverture trop rugueuse – mais en même temps elle avait l'impression d'être nimbée dans du coton.
— Tu as soif ? Faim ? s'enquit Lumi.
— Soif, parvint-elle à articuler.
Lumi approcha un bol d'eau de ses lèvres, qu'elle avala avec avidité.
— Ça fait du bien, retentit dans son Âme la voix de Limbe.
Karis manqua de pousser un glapissement de surprise. Sensation très étrange que d'être dans la réalité, mais en même temps, d'avoir ces sortes de coulisses où deux Esprits et deux Cœurs cohabitaient.
— Des nouvelles de Limbe ? Enfin, se rectifia-t-elle avec un signe vers son front, de son Corps ?
Lumi et Jil échangèrent un regard hésitant.
— Pas tellement, répondit la Maîtresse. On l'a ramené à la Guérisseuse qui s'occupe de lui. Elle nous a dit qu'elle le sortirait d'affaire, mais elle ne veut que personne ne la dérange. Il va falloir patienter un peu...
— Mmm, je reconnais cet air, ça veut dire que ça sent le roussi, grommela Limbe. Oh tu sais quoi ? Je crois que je ne préfère rien savoir pour le moment. l'ignorance a parfois du bon.
— Je suis sûre que la Guérisseuse va te soigner en un rien de temps. Elle trouve toujours quelque chose, le rassura Karis.
— Entre-temps, est-ce que tu... ou plutôt vous, allez tenir ? s'inquiéta Jil.
Karis hocha la tête. Ils n'avaient pas tellement le choix. Elle ne se sentait pas de refaire une Clef pour déposer l'Esprit et le Cœur de son ami dans un objet. Et si elle le perdait dans la manœuvre ?
— Est-ce que tu as mal quelque part ? l'interrogea Lumi.
Sa jambe tressautait nerveusement. Jil posa une main sur son épaule pour la calmer.
— Non, je suis juste fatiguée, la rassura Karis.
— Dans ce cas, on va te laisser te reposer, lui sourit Jil. On repasse bientôt.
Karis aurait voulu les enlacer, mais ils quittèrent la pièce avant qu'elle ne puisse se résoudre à formuler sa demande. Retenant un grognement de frustration, elle se mit sur le côté d'un mouvement enfin fluide.
Elle remarqua enfin que le dortoir était vide. Aucune trace de Léka ou de Calizo.
— Bon sang ! s'étrangla soudain Limbe.
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La Rivière des larmes
FantasyUn ciel qui s'effondre. Deux royaumes en conflit depuis des siècles. Deux Déesses disparues. Deux jeunes elfes ennemies, liées par un secret inavouable. ✷ Enfant illégitime, Karis n'aurait jamais dû faire partie des Gardiens. Mais ils ne peuvent se...