Chapitre 19 - Ni toi, ni moi, ni les Déesses

48 4 45
                                    

Une fois la nuit tombée, les Numariens avaient allumé une multitude de lampions. Ils éclairaient les rues et les places d'une douce lumière filtrée par les papiers colorés. Il y en avait partout, sur les fenêtres, au bord des toits, mais aussi suspendus sur des fils.

Ils flottaient même à la surface de la fontaine sur laquelle Karis s'était assise. À ses côtés, Limbe s'était mis à son aise, à moitié allongé sur le rebord. Calizo les avait quittés quelques minutes auparavant, appelée par son père. Ils avaient disparu au milieu des danseurs qui s'animaient au rythme d'une musique flutée dont Karis ne parvenait pas à discerner l'origine – il y avait bien trop de gens.

Pourtant, assise près de l'eau, l'Ashkani avait l'impression d'être coupée du monde.

— Le ciel est vraiment magnifique ce soir, s'extasia Limbe. On dirait que quelqu'un a versé des diamants sur un tissu noir comme de l'encre.

— Je ne te savais pas si poétique, le taquina son amie.

Pour toute réponse, il lui donna une chiquette. Ou du moins, ce qui y ressemblait, car ses bras étaient trop loin pour vraiment l'atteindre. En revanche, la jeune fille pourrait presque étendre son bras, et perdre sa main dans ses cheveux châtain. L'envie lui chatouillait les doigts, mais elle s'abstint par respect.

— Léka peut être fière, dit-elle pour couper court à ses rêveries, elle a vraiment été splendide. Une vraie reine.

— Qui est-ce qui se met à faire de la poésie maintenant ? rit Limbe.

— C'est une simple constatation, se défendit-elle.

Le jeune homme se redressa, emmêlant ses bras autour de ses jambes repliées avant de pousser un soupir.

— Ils vont danser toute la nuit ou quoi ? s'impatienta-t-il.

Le Cœur de Karis se pinça. Le regard du jeune homme était tourné vers la foule où Calizo s'était volatilisée.

— Tu ne peux pas blâmer sa famille de vouloir passer du temps avec elle, répondit-elle sèchement. Avant, tu étais capable de survivre un quart d'heure sans sa présence.

Limbe arqua un sourcil. Un silence passa entre eux.

— Pourquoi tu dis ça d'un ton si... énervé ?

Karis sentit la chaleur lui monter aux joues, priant la Déesse pour que son visage n'ait pas pris une teinte cramoisie. C'était vrai, pourquoi était-elle si énervée ? Elle réajusta son voile qui menaçait de glisser pour gagner du temps.

— Je ne suis pas énervée.

Tu l'es totalement pauvre idiote, même pas capable de gérer tes émotions, ricana une voix en elle.

— Mmm, tu m'en as tout l'air, objecta Limbe en se redressant.

Malgré ses sourcils tordus, il ne paraissait pas en colère. Seulement dans l'incompréhension. Karis expira.

— On a toujours été tous les trois, commença-t-elle d'une voix plus faible. Mais maintenant, parce vous sortez ensemble, ce n'est plus pareil.

Il lui fit les yeux ronds.

— Je n'ai pas choisi de tomber amoureux, fit-il remarquer avec un ton presque désolé qui hérissa Karis malgré elle.

Moi non plus, aurait voulu ajouter l'Ashkani. La jalousie la rendait aigre, sans qu'elle ne sache comment faire pour s'en débarrasser.

— Écoute, je sais que tu ne l'as pas appris de la meilleures des manières, soupira-t-il devant son air fermé.

— C'est un euphémisme, grogna-t-elle.

La Rivière des larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant