Milanne et Thilste coururent sans s'arrêter jusqu'aux portes de la ville. Une fois là-bas, la jeune fille frémit : le poste de contrôle auquel ils arrivaient était lourdement gardé. Des sentinelles bloquaient la file de marchants voulant sortir de la ville, bloqués par les murailles. Tout ce petit monde gesticulait, hurlait, injuriait. Un vendeur de volailles s'égosillait à demander l'ouverture des portes, tandis que le reste murmuraient qu'il se passait quelque chose à la forteresse. Il fallait admettre que le son tonitruant des cloches au loin n'avait rien de rassurant.
Milanne se mordit la lèvre. Voyant que son uniforme d'étudiante commençait à attirer des regards curieux, elle se couvrit de sa cape en laine et sans en rabattre le capuchon. Ce geste serait trop suspect, même si elle avait bien envie de se dérober à la vue de la petite foule mécontente. Quant à Thilste, il ne paraissait nullement s'en soucier, son regard fixé sur elle.
— J'espère que ça va marcher, lui chuchota-t-elle.
Niel n'allait sans doute pas tarder à envoyer des messagers pour expliquer la situation aux sentinelles. La ville deviendrait alors un immense piège qui se refermerait sur eux. Ils avaient encore quelques minutes d'avance, mais combien de temps avant qu'on ne les reconnaisse ?
Sans prêter attention à sa détresse, Thilste l'enjoigna de le suivre d'un signe de la tête. Il ignora royalement les cris outrés des habitants lorsqu'il doubla tout le monde pour se placer à la tête de la queue. Milanne joua des coudes pour le rattraper en s'excusant platement. Elle ne récolta que des regards noirs, qui la firent frissonner.
Avec une expression totalement neutre, Thilste se planta devant un garde, avant de pousser Milanne vers lui. Elle se mit à fouiller frénétiquement dans sa poche.
— Laissez-nous passer, articula-t-elle d'une voix mal assurée.
Elle desserra sa main pour révéler son sauf-conduit. Sur la pièce était gravée un soleil au-dessus d'un livre, ouvert symbole de fidélité à Liha et de la sagesse des Larinu. À ce moment, Milanne s'estima bien indigne de cette qualité qu'on prêtait à sa famille.
Le garde parut également étonné, mais ne pipa mot. Il s'écarta légèrement pour les laisser passer, sous les injures des marchands furieux, qui ne demandaient qu'à sortir de Runac. Une pointe de culpabilité traversa Milanne : elle était la responsable de tout ce bazar.
Quand ils passèrent le rempart, son Cœur se fit plus léger. Si les habitations avaient disparu, les cloches résonnaient toujours au loin. Mais à présent, le chant des oiseaux se faisait plus vif. Les ombres des écureuils se mouvaient dans les branches des arbres à l'orée d'une forêt. Il était impossible de parcourir le royaume sans voir l'un de ces majestueux êtres s'élancer vers le ciel.
Pour échapper aux recherches, les deux jeunes s'engagèrent sur la route qui s'enfonçait dans les bois, malgré la pénombre peu avenante. Niel ne la laisserait sûrement pas filer entre ses doigts aussi facilement : il en allait de son honneur auprès de Dias. Cependant, la nuit tombait, et ils ne pouvaient pas non plus marcher dans le noir.
Hors de question de faire un feu pour se réchauffer lors de cette soirée de fin d'été. Une fois qu'ils eurent marché quelques centaines de mètres, dans un silence pesant, Thilste s'arrêta devant un grand tilleul puis leva la tête.
— Celui-là serait parfait.
Abasourdie, elle observa le jeune homme agripper la branche la plus basse pour s'y hisser. Après s'être stabilisé, il lui tendit la main.
— Qu'est-ce que vous faites ? s'enquit-elle avec un froncement de nez.
— Ne me dites pas que vous ne savez pas grimper aux arbres, la railla-t-il.
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La Rivière des larmes
FantasiUn ciel qui s'effondre. Deux royaumes en conflit depuis des siècles. Deux Déesses disparues. Deux jeunes elfes ennemies, liées par un secret inavouable. ✷ Enfant illégitime, Karis n'aurait jamais dû faire partie des Gardiens. Mais ils ne peuvent se...