Chapitre 48 - Sang-mêlé

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— C'est ça ta dernière carte ? Une Askanienne ? Si tu n'étais pas la fille de ton père, je dirais que tu frôles la trahison.

La réaction de Thilste ne s'était pas faite attendre lorsqu'Érenn les avait laissés tous les trois dans la cellule, leur promettant de revenir dans un quart d'heure informer la Prophétesse d'une nouvelle venue. L'étudiant avait fait les cents pas le temps que le Sans Visage se soit suffisamment éloigné dans le couloir, avant que des mots d'un larunien tremblant ne se bousculent hors de sa bouche. Milanne ne parvenait pas à soutenir son regard brûlant, assise sur sa natte. À ses côtés, Karis croisa les bras avec un rictus pincé.

— Dis donc, le gringalet, grogna-t-elle en langue classique. Si tu as un problème avec moi, tu peux me le dire directement, et dans un dialecte que je comprends. Voyons voir si tu oses.

Thilste redressa la tête vers elle, soudain rouge. L'Askanienne afficha un sourire satisfait, avant de se retourner vers Milanne. Elle saisit d'une main ses doigts tremblants tout en fouillant dans sa poche de l'autre. Lorsqu'elle en ressortit une pierre ovale et scintillante, Milanne et Thilste poussèrent une exclamation de stupeur.

— Ne me dites pas que c'est... lâcha le jeune homme. C... comment ? Je croyais qu'il n'y en avant que dans les Montagnes éternelles ?

— Aucune importante sur le comment, intervint Milanne.

Elle serra la pierre lisse. Si elle l'avait cru blanche au départ, elle se rendit compte en l'observant de plus près qu'il s'agissait en réalité d'une pierre grise banale, hormis sa forme polie et les multitudes de paillettes immaculées qui y était incrustées.

— Peu importe le comment pour la pierre, confirma-il. En revanche, il me faut un comment sur vous deux.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? bafouilla Milanne.

— Est-ce qu'il y a marqué « idiot » sur ma tête ? s'agaça-t-il.

Karis la consulta du regard.

— C'est mon ami, lui murmura Milanne en numarien. Il a pris des risques pour me suivre. Je ne peux pas lui cacher ça.

Si elle ne considérait pas vraiment Thilste comme son ami, elle lui devait la vérité.

— Comme tu veux, répondit Karis en haussant les épaules.

Milanne se tourna à nouveau vers Thilste, après avoir soigneusement rangée la pierre au fond de sa poche.

— Je te dois des explications en effet, déclara-t-elle.

— Mais tu dois promettre de ne rien répéter. Je trouverai un moyen de te le faire regretter sinon, le menaça l'Askanienne.

Milanne posa sa main sur son avant-bras pour l'apaiser.

— On pense qu'on est sœurs, lâcha-t-elle.

Pendant quelques secondes, Thilste n'eut aucune expression, avant d'éclater de rire.

— Tu te moques de moi ? Vous ne vous ressemblez absolument pas. Et puis, ça ne m'explique toujours pas comment vous vous connaissez. C'est une espionne ? Un membre de la famille d'Anlin ?

— Qui est Anlin ?

— Une femme de ton peuple en exil qui vit avec moi, grimaça Milanne.

Mentionner le fait qu'elle avait une garde rapprochée la mettait mal à l'aise. Si sa sœur devait se douter qu'elle n'était pas une pauvre villageoise, elle ignorait sa réaction si elle apprenait que son père était un Orem, venu envahir la ville trente ans plus tôt. Le regard de Karis se durcit.

La Rivière des larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant