Chapitre 7 - La chute des Ashkanis

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La malchance poursuivait Karis, même à l'entraînement. Elle avait espéré pouvoir éviter Limbe et Calizo en se fondant dans le groupe, pour fatalement être mise en duo avec le jeune homme. Répartis dans différents endroits de la cour extérieur, les autres Apprentis échangeaient des coups à grands cris, mais les deux amis, eux, n'avaient quasiment pas parlé depuis le début de la séance.

L'Ashkani se baissa, roulant sur le côté pour éviter l'izu en bois de Limbe. Celui-ci n'en démordit pas, et tenta de la bousculer pour lui faire perdre l'équilibre. Néanmoins, la jeune fille fut plus rapide, ce qui lui permit de s'éloigner hors de sa portée.

Chose rare, il ne souriait pas, le regard fuyant. Avait-il honte de s'être fait surprendre ? Si c'était le cas, tant mieux. C'était tout ce qu'il méritait.

La jeune fille se mordit la joue agacée par sa propre aigreur. Un coup sournois sur le côté la sortit de sa torpeur. Cette fois-ci, elle n'eût pas le temps d'esquiver, tombant à la renverse. Une douleur sourde envie son côté droit là où le bois l'avait frappé.

— Pardon, grimaça Limbe.

Il lui tendit une main amicale, que Karis saisit. Toutefois, au lieu de se relever, elle tira plus fort en appuyant de tout son poids. Entraîné par le geste, l'Apprenti tomba en glapissant, ce qui déclencha malgré elle l'hilarité de son amie.

— Traîtresse, maugréa-t-il en la foudroyant du regard.

— Tu n'avais qu'à plus te méfier, répliqua-t-elle. Si tu étais en combat réel, tu n'aurais jamais tendu une main à ton adversaire, si ?

Les coudes dans la poussière, Limbe poussa un soupir faussement désespéré. Karis ne l'aurait jamais admis à voix haute, mais la lueur espiègle qui venait de réapparaître dans le regard de son ami chassa sa colère un moment. Elle se perdit furtivement dans les iris du jeune homme : immaculés, cerclés de gris, une couleur rare et synonyme de chance selon la tradition askanienne.

De la chance, Limbe en avait. Son mentor ne tarissait pas d'éloges sur lui, le promettant à un destin glorieux de Combattant. Il était un travailleur acharné, faisait partie des premiers à entrer dans la cour d'entraînement, et le dernier à en sortir. D'habitude, Karis aurait eu beaucoup plus de peine à le faire chuter.

De plus, le jeune homme était doué dans la maîtrise du Cœur. Même Garlia semblait satisfaite de ses Clefs parfaitement stables. Et malgré ses plaintes régulières sur sa famille, celle-ci était attentionnée et dévouée avec lui.

Pour couronner le tout, il aimait Calizo, et elle l'aimait en retour.

Pourquoi aurait-il besoin d'une amie comme Karis ?

Une amie qui tentait, en vain, de réprimer les papillons furieux qui battaient dans son ventre à chaque fois qu'elle posait les yeux sur lui. Parmi tous les secrets inavouables de l'Ashkani, celui-ci pesait avec lourdeur dans son estomac, comme tailladé par des épines de honte.

— Je déclare forfait, tu as gagné, déclara-t-il en se redressant.

— Tu n'es pas très persévérant, le railla Karis. Ça t'apprendra à ne pas dormir la nuit.

La veille, elle avait cru mourir de honte pendant le reste de la soirée à cause de ses amis. Maintenant, à charge de revanche. Sa pique fit mouche, car Limbe fit mine de ne pas comprendre ce qu'elle venait de dire.

— Ne joue pas l'innocent, continua-t-elle, s'amusant de pouvoir le tourmenter. Je suis à moitié insomniaque. Ça veut dire que j'ai très bien vu que Calizo n'avait pas passé une partie de la nuit dans notre dortoir.

— Non mais parle encore plus fort pendant qu'on y est, s'écria-t-il.

— Puisque c'est demandé si gentiment.

La Rivière des larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant