Chapitre 50 - Après toutes ces années

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— Surpris de me voir ici, espèce de traître ?

L'insulte était sortie de sa bouche sans que Karis y réfléchisse. Si dix secondes plus tôt, elle s'apprêtait presque à sauter au cou de Dirann, la colère avait giclé dans son estomac devant son silence.

— Tu ne devrais pas être ici, finit-il par articuler.

— Toi non plus.

Ses traits émaciés se contractèrent – moue moqueuse ou sanglot réprimé ? – mais Karis fit de son mieux pour ne rien laisser paraître. Comme Unili, il avait abandonné la Citadelle. Ils avaient abandonné leur famille, sans une seule explication.

— Tu n'as aucune idée de là où tu viens de mettre les pieds.

Un tremblement secouait sa voix.

— Où est Unili ?

Karis avait l'impression que son cœur était remonté dans sa gorge. Si Dirann se trouvait ici, alors Unili ne devait pas être loin. Peut-être même que Milanne et Thilste l'avait aperçu, même s'ils n'auraient évidemment pas pu savoir qui elle était. Pourquoi diable Unili se retrouverait-elle dans un repaire d'hérétiques ?

L'Ashkani se figea. Sa sœur n'avait jamais été particulièrement pieuse envers Kya. Elle avait un Esprit farouche, indépendant, et surtout, casse-cou. S'il y avait bien quelqu'un qui pouvait se mettre en tête de croire en l'existence d'un faux Dieu, c'était elle.

— Je... je ne sais pas où elle se trouve, admit Dirann.

L'estomac de Karis se noua. L'ancien Guérisseur s'approcha d'elle. Elle était trop choquée pour protester lorsqu'il posa ses mains sur ses épaules.

— Tu dois partir d'ici, lui asséna-t-il. Maintenant. J'étais déjà mort d'inquiétude en voyant Érenn porter le médaillon de ton père. Mais toi ici, c'est du suicide.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé avec Unili ? s'écria-t-elle. Est-ce qu'elle va bien ?

— Je fais tout pour, soupira-t-il en la poussant doucement vers la sortie. C'est trop long à expliquer. Il faut que tu me croies sur parole. Nous ne sommes pas des traîtres, et je ne reste pas ici par amour de leur Dieu de pacotille. Pars tout de suite. Et sans utiliser tes pouvoirs, on ne doit pas faire de liens entre nous. Empêche les autres de me trouver ici.

Karis se campa sur place. Elle tenait la seule piste que la Citadelle n'avait jamais eu sur la disparition d'Unili et il lui demandait de s'en éloigner ?

— Impossible, répondit-elle. Je dois aider deux autres personnes à fuir aussi, et on est face à une impasse. Tes camarades ont l'air déterminé à nous recruter dans leur secte, ils nous bloquent la sortie. Et je refuse de partir avant que tu ne m'expliques tout.

Et avant d'avoir récupéré mon médaillon, ajouta-t-elle intérieurement, même si se préoccuper d'un objet lui parut à cet instant bien futile.

— Tu ne comprends pas, commença-t-il à paniquer. Tu es en danger de mort ici. Pire, tu risques l'annihilation de ton Âme.

— C... comment ça ?

Son regard vacilla.

— L'homme qui a tué ton père est un Sans Visage. Il ne doit absolument pas croiser ta route. Ça fait quelques jours que je ne l'ai pas vu ici, mais il peut revenir à tout moment.

Karis écarquilla les yeux. Comment Dirann était-il au courant, alors qu'il avait disparu seulement quelques jours après que l'assassin ait frappé ? À ce moment, tout le monde à la Citadelle pensait que Sorra s'était tué.

La Rivière des larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant