Milanne n'avait pas parlé à son père depuis l'incident avec les conseillers. Le jour même, il avait montré des signes de fièvre et était resté alité sur ordre de son médecin. Cela faisait quelques jours qu'il était trop faible pour effectuer quoi que ce soit.
Au vu de son état, elle avait été étonnée qu'il la fasse demander tôt le matin. Faisant les cent pas dans l'antichambre des appartements de Dias, elle vit enfin la petite porte entre deux tapisseries s'ouvrir, après avoir longtemps patienté.
En entrant dans la chambre, ses narines furent envahies par une odeur mentholée, camouflant celle de relents plus rances. L'Orem reposait sur son lit en bois, les baldaquins vermeils à moitié tirés. Des gouttes de sueur perlaient sur son crâne chauve. Il se redressa, se carrant dans ses oreillers, avant de lui offrir un faible sourire.
— Comment vas-tu en cette journée radieuse ? questionna-t-il en regardant par la fenêtre.
Une toux grasse ponctua la fin de sa phrase. Une soigneuse vêtue d'un bliaut brun lui tendit un verre d'eau, qu'il avala d'un trait. Il congédia ensuite la femme, qui s'inclina avec respect avant de quitter la pièce. La porte se ferma.
— C'est plutôt moi qui devrais prendre de vos nouvelles, sourit-t-elle, avant d'ajouter d'un ton plus inquiet. Dans combien de temps serez-vous guéri ?
Dias haussa les épaules.
— Le médecin prétend que ce serait pour dans une semaine, mais moi je te dis que ce sera l'affaire de quelques jours. Mais ce n'est pas de ça dont je voulais te parler.
Grelottant dans sa chemise, l'Orem toussa à nouveau.
— Tu vois ces lettres sur mon bureau ? Prends-les.
Milanne se dirigea près du meuble. Sur l'enveloppe granuleuse s'étalait l'écriture de Dias. Un nom y était marqué : Niel de Larq. Elle lui jeta un regard interrogateur.
La jeune fille connaissait bien l'homme en question, car il était l'un des Lylluns – le rang aristocratique en dessous des Orems – les plus importants de la région. Il s'agissait d'un homme puissant, que les bonnes grâces du Roi protégeaient. Il était aussi connu dans la région pour avoir financé une importante université, qui dépassait même celle de Rohir. Plus jeune, Milanne avait supplié son père de la laisser étudier là-bas, mais il était resté inflexible face à sa demande. Les futurs Orems avaient besoin d'une formation spécifique selon lui.
— Je voudrais que tu ailles lui porter ces missives, affirma Dias. Tu as seize ans, il est temps que tu prennes des responsabilités plus officielles.
— En jouant les messagères ? s'étonna Milanne. Je vous ai mainte fois accompagné pour des événements publics. Porter des lettres ne me semble pas très... officiel. Ne puis-je pas rester avec vous à Rohir ?
— Le contenu de ces papiers est d'une importance capitale, objecta-t-il d'un ton devenu sérieux. C'est pourquoi je te confie cette tâche à toi, et pas à un autre. Tu peux dire à ta suite d'aller se préparer pour le voyage.
— Un cavalier serait dix fois plus rapide que moi, se plaignit Milanne. Je voudrais rester ici si vous me le permettez, surtout si jamais votre maladie s'aggrave...
Dias fronça ses sourcils broussailleux, tordant la cicatrice qui barrait son front.
— Ce n'est qu'une grippe passagère. Tu connais les médecins, toujours prêts à prévoir le pire. Pendant la guerre, les Askaniens ont cru aussi que je ne ferais pas long feu. Et pourtant, j'ai survécu à leurs atrocités, et me voilà devant toi, grinça-t-il avant d'ajouter, plus doux. Tu n'as pas à t'en faire, tu ne seras pas débarrassée de ton vieux père de sitôt.
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La Rivière des larmes
FantasíaUn ciel qui s'effondre. Deux royaumes en conflit depuis des siècles. Deux Déesses disparues. Deux jeunes elfes ennemies, liées par un secret inavouable. ✷ Enfant illégitime, Karis n'aurait jamais dû faire partie des Gardiens. Mais ils ne peuvent se...