16 - FRESQUE

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Ghost

Deux jours ont passé depuis que Masha a remis à sa place notre danseuse phare, qui depuis, me laisse une paix royale. Cette dernière est d'ailleurs sous mon toit et son attirail prend plus de place que je l'imaginais. Je n'avais pas prévu de peindre un pan de mur, mais pris au dépourvu par ses actions incontrôlées, j'ai dû prendre une décision hâtive et suis plutôt satisfait du résultat.

Ma protégée fait un énième retour dans la pièce qui lui est attribuée, vide de tous meubles dû à sa longue liste de requêtes. J'ai également fait bâcher le sol et acheter un escabeau, assez grand pour atteindre le plafond, si l'envie me prend de la garder plus longtemps que nécessaire chez moi.

Cette pièce qui ne m'est en réalité d'aucune utilité est à présent entièrement sienne. Elle souffle de fatigue en déposant une besace au sol et me fusille du regard :

- Merci pour ton aide.

Ce sont les premiers mots qu'elle prononce à mon égard, préférant garder le silence depuis qu'elle a mis les pieds ici. Elle ne peut s'empêcher de me lancer des piques assassines, c'est plus fort qu'elle.

Et je me surprends à aimer ça.

Ses faux remerciements sont d'ailleurs justifiés car planté au milieu de la pièce, je n'ai pas bougé un doigt durant ses vas et viens les bras chargés. Ce que je lui fais remarquer, d'un ton tout ce qu'il y a de plus serviable, ravi d'avoir pu la servir.

- De rien. Fais appel à moi quand tu veux.

Elle souffle d'exaspération face à mon attitude moqueuse et s'assoit par terre, au milieu de son bordel, avant de s'attacher les cheveux.

- Tu commences tout de suite ? je m'étonne.

- Je n'ai pas de temps à perdre ici.

Son venin me pénètre en plein cœur et se répand dans mes veines. Je me délecte de sa fougue et me rend compte que l'avoir sous mon toit, promet d'être une véritable partie de plaisir.

Masha sort une feuille A4 d'une pochette sur laquelle elle trace une sorte de quadrillage, tout en prenant des mesures invisibles avec son crayon tendu vers le mur à bout de bras.

Intrigué et à la fois fasciné par ce que j'ignore du monde artistique, je ne peux m'empêcher de lui poser des questions :

- Qu'est-ce que tu fais ?

Elle se tourne et me détaille en silence durant quelques secondes, jaugeant si elle doit enterrer la hache de guerre. Mon air sérieux semble la convaincre, puisqu'elle consent à me répondre posément :

- Je réalise un cadre en respectant les proportions de ton mur. Une sorte de brouillon, si tu préfères.

- Tu ne peux pas peindre directement ?

Je me place à côté d'elle en allumant une cigarette, et regarde ses doigts tracer avec facilité une sorte de quadrillage pour l'instant vierge.

- Je ne peux pas peindre à l'aveugle.
- C'est-à-dire ?

- Imagine que je dessine un château. Si je m'y prends sans cadre et que je me lance les yeux fermés sur ton mur, je risque de ne pas avoir la place de faire un élément. Tu comprends ?

J'ai l'impression d'être un enfant de quatre ans quand j'acquiesce en silence et me concentre à nouveau sur ses actes. Je l'observe en silence et la laisse travailler, mes yeux dérivant sur les quelques mèches qui dépassent de son chignon flou, me distrayant de sa tâche.

Elle stoppe son crayonnage et c'est à son tour de me poser une question, le visage relevé vers moi :

- Qu'est-ce que tu veux pour ce mur ?

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