DEMONS SQUAD

17 - SOUVENIR

Masha

Ghost est parti sans un regard en arrière après m'avoir effleuré les lèvres. Nous n'avons jamais été aussi proches l'un de l'autre qu'à ce moment-là, mais il n'a rien fait. Tout se mélange dans ma tête et je reste un long moment sans bouger.

Les doigts sur mes lèvres, j'ai encore du mal à réaliser ce qu'il vient de se passer. Sa proximité, son souffle, l'odeur de sa cigarette, cette tension entre nous, Lui... S'il avait poussé le rapprochement plus loin en étant plus entreprenant, je ne lui aurait opposé aucune résistance. Sauf que j'ai commis un faux pas qui l'a fait redevenir cet être froid et distant que j'ai rencontré la première fois au club.

Et c'est entièrement de ma faute.

Je me redresse et m'étire en fixant le mur vierge face à moi, tout en prenant le temps de réfléchir. Il doit sûrement m'observer à travers des caméras dissimulées un peu partout, je m'en tiens donc à une attitude naturelle et professionnelle. Plus rien ne doit à nouveau le mettre sur ses gardes et me suspecter d'être une traîtresse.

Chose que je ne suis pas.

J'effectue le rassemblement de mon matériel dans un coin de la pièce et ouvre cette fois-ci mon carnet de croquis, un crayon à la main. Je décide de retourner à la cuisine et de fouiller dans son frigo, à défaut de pouvoir le faire dans ses affaires.

Je pose mes affaires sur l'îlot et en ouvre la porte, quand je suis surprise par derrière :

- Je vous sers quelque chose ?

Une main sur mon cœur tambourinant, je me retourne et tombe nez à nez avec Donia. Son regard est indéchiffrable et son faux sourire aimable me mettent soudain mal à l'aise.

- Je cherchais de l'eau. Et peut-être de quoi grignoter avant de m'y remettre.

Je lui indique mon cahier du doigt comme pour justifier ma présence ici.

- Ghost ne m'a rien proposé avant de partir.

Je n'ai aucun scrupule à l'enfoncer et espère secrètement qu'elle lui répétera tout. Elle me fixe quelques secondes, avant de m'ordonner assez sèchement :

- Asseyez-vous, je vais préparer un en-cas.

Je m'exécute sans rien dire et m'accoude à la table pour l'observer de loin. Donia me jette de temps à autre un regard peu aimable, mais s'applique à sa tâche.

Il semblerait que son patron et elle se soient bien trouvés.

Après quelques minutes à s'affairer, elle pose sur un plateau des anneaux sablés avec des noix et une petite bouteille d'eau, qu'elle vient déposer devant moi.

Le strict minimum.

La gouvernante s'éloigne, mais je l'intercepte avant qu'elle disparaisse aussi soudainement qu'elle est apparue :

- Désolée, mais... C'est tout ?

- Il me semble que c'est amplement suffisant pour grignoter.

Elle joue sur les mots et écoute les ordres à la lettre.

Donia ne semble pas me porter dans son cœur et c'est réciproque. Mais je prends sur moi et reste poli, même si je meurs d'envie de la remettre à sa place.

- Est-ce qu'il y a des casseroles, des poêles... je sais cuisiner si ça peut vous délester d'une tâche.

Elle me fixe, interdite, avant de marmonner dans sa barbe en russe afin que je ne la comprenne pas :