Chapitre 26 : Mise en scène

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Point de vue de Priam 

— Non ! 

J'entendis à peine ma propre voix se mélanger à l'écho de son corps entrechoquant le sol du chapiteau. La poussière s'éleva, formant un halo presque mystique autour d'elle. 

Le silence qui s'en suivit me fit alors réaliser ce qu'il venait de se produire. 

Belle venait de se tirer dessus. 

Belle va peut-être.... 

Mourir ? 

Non. 

Avant même de pouvoir accepter cette possibilité, je m'élançai vers elle, tombant à genoux. Elle ne bougeait plus, mais ses yeux continuaient de papillonner. Le choc noyait son regard embué de larmes. Ses doigts reposaient sur sa blessure dont le sang ruisselait et tachait l'ivoire de sa peau si parfaite. 

— Appelez le toubib, putain de merde !

La voix de Clyde pourtant si proche de moi me parut lointaine. Il était posté en face de moi, de l'autre côté de Belle. Ses yeux agrandis la fixait intensément. De légers vaisseaux sanguins striaient le pourtour de ses iris, lui donnant un air malade, comme si le teint grisâtre de sa peau ne suffisait pas à le rendre cadavérique.

Malgré la peur de la toucher, de lui faire encore plus mal, mon second réflexe fut de la relever contre mes genoux. Son regard se dirigea aussitôt vers moi, mais il était de plus en plus épuisé... Merde, non, elle ne devait pas s'endormir. 

— Belle. Belle, regarde-moi.

Ses lèvres tremblèrent. 

— Je vais m-mourir ? 

— Putain, non, bébé, bien sûr que non. 

Mais au fond, j'étais aussi effrayé qu'elle. Elle se vidait de son sang sous mes yeux et sa plaie béante s'agrandissait à mesure que ses respirations hachées diminuaient. Que pouvais-je faire ? 

— Tu vas p-pouvoir t'échapper, Priam. C'est l'occasion, me dit-elle. 

— Non, je ne te laisserai pas, tu es complètement folle. 

Je secouai la tête, refoulant mes larmes, mais une humidité sur ma peau me fit réaliser qu'elles coulaient déjà le long de mes joues. 

— Après tout ce que j'ai fait pour te retrouver, putain, je ne peux pas t'abandonner à ce malade. 

Elle leva sa main avec difficulté pour toucher mon visage. Plonger dans son regard aussi détruit que le mien, voir son corps parcouru de tremblements, sentir tout ce sang couler sur nos vêtements... Je ne parvenais pas à réfléchir correctement. Je sentais juste notre présence, notre chaleur se mêler et ne faire qu'une au milieu du chaos. 

Elle s'était tirée dessus pour me permettre de m'échapper. Elle savait que cet acte changerait l'ordre des priorités du mafieux, lui qui n'avait que d'yeux pour elle, son précieux joyaux. 

Elle avait tout fait pour moi, quitte à donner sa vie. Comment ne pas succomber ? Comment aurais-je pu faire autrement que de tomber amoureux d'elle alors qu'elle était si courageuse ?

Dès la première seconde où nos regards s'étaient croisés, j'avais senti cette électricité circuler entre nous. Des picotements s'étaient propagés le long de ma colonne, comme si mon corps avait perçu avant moi sa présence dans le stade. Puis lorsque je l'ai vu, tremblante sur le ring, une émotion si intense s'était éprise de mon coeur que j'avais été incapable de la laisser partir. J'avais besoin de la protéger, c'était un désir plus mordant que l'envie de m'emparer d'elle. Mais aujourd'hui, seulement, je comprenais que c'était elle qui me protégeait : elle adoucissait mes crises d'euphorie et rendait acceptable mes moments de détresse. Et à présent elle venait littéralement de me sauver la vie. Comment pourrais-je seulement croire que notre rencontre n'était due qu'au simple hasard ? 

K.O 2 || RUPTUREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant