Chapitre 25 - Ezio

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Je réalise que le cri de désespoir de Rachelle visait à me ramener sur Terre lorsqu'elle continue de me fixer plutôt que d'observer les gestes de la main qui la vise. Cette fille est complètement folle à toujours se faire passer au second plan...
— Vachement coriace, la ptite, plaisante Luis. Pourquoi tu m'as tendu ce piège, gamin ?
Je souris pour masquer mon désarroi. Putain, comment je vais nous sortir de cette merde ?
— Lâchez-la, elle n'est qu'un pion. Pas besoin de s'en prendre à elle.
— Justement, quand je t'aurai buté je vais l'utiliser gratuitement dans mon réseau... une femme comme elle va me ramener un maximum d'argent.
Mes yeux se dirigent vers le cou de l'homme, où une trace de dents décore sa peau. En effet, Rachelle est une femme coriace... mais je n'avais pas besoin de voir ça pour le savoir. Ce qu'il me dit me révulse mais ne semble pas choquer la jeune femme qui reste impassible et se redresse même pour être mieux installée.
Je vais te faire souffrir, enflure.
— Je fais quoi ici, gamin ? me relance l'homme.
Je l'examine de la tête aux pieds, réfléchissant comment le déstabiliser par ma réponse. Le déstabiliser, le faire perdre pieds... c'est ce qu'il faut que je fasse si je veux prendre l'ascendant.
— Il y a 13 ans, votre patron a kidnappé la fille de Georgia Scagnolli. Vous l'avez violée devant moi et ma mère, puis vous nous avez laissé là jusqu'à ce que les hommes de ma mère nous retrouvent... et on a plus jamais revu ma soeur.
L'homme sait parfaitement de quoi je parle, c'est lui qui me maintenait les paupières ouvertes. Son visage se transforme pour laisser place à une émotion : l'effroi.
— Tu sais que tu ne vas pas pouvoir me tuer, gamin ?
Et avant que je réponde, Rachelle met un coup de pieds dans le bras qui me vise et un coup de feu retentit. La déflagration me fait sursauter et je m'attends à ressentir une douleur qui ne vient pas. Quelque chose tombe sur le sol, une deuxième déflagration détonne avec force et lorsque je stabilise ma vue brouillée par l'adrénaline qui frappe dans ma tempe, je constate qu'ils vont bien. L'homme pointe son arme restante sur le front de Rachelle et celle-ci ne flanche pas, elle le fixe d'un air victorieux.
— Salope ! T'es une putain de salope ! Une putain de folle !
Sa rage est si intense qu'il postillonne sur Rachelle qui ne scille pas et moi j'ai presque envie de rire quand il lui lance qu'elle est folle. C'est vrai et moi aussi, je le pense... mais pas dans le même sens que lui.
— La salope va s'arranger pour que tu crèves, espèce de fils de pute.
Il lui crache au visage en guise de réponse mais la jeune femme ne scille pas, elle continue de le fixer en laissant le cracha couler le long de sa joue. Elle tourne la tête légèrement sur le côte en souriant de façon machiavélique et le menace d'une voix cinglante :
— Profite des derniers instants que tu vis, parce que je jure devant Dieu qu'avant ce soir, je cracherai sur ton cadavre.
Il la saisit par la gorge de sa main maintenant libre et la décolle du lit tout en me fixant puis tourne l'arme vers Rachelle.
— Lâche-la et je t'achèverai vite, menacé-je.
Je m'avance vers l'homme qui sert le cou de Rachelle d'une main, l'autre qui tient le canon posé sur son front. Des mèches de cheveux cachent le visage de la blonde qui continue de rester muette en fixant l'homme de ses yeux émeraudes.
— Parce que tu crois qu'elle va s'en sortir comme ça, la garce ? Ou que tu vas t'en sortir comme ça ? Je vais te tuer et elle, je vais la défoncer si fort qu'elle oubliera qu'elle existe.
Rachelle lève une main, l'homme sert davantage sa poigne mais elle ne manifeste aucune réaction et pose sa minuscule paume sur l'avant-bras de Luis.
— Pousse sur la détente, il te tuera. Ne le fais pas, il te tuera quand même, le menace-t-elle.
— Tu fais bien la maligne pour une meuf qui a un flingue pointé sur le crâne, ma belle.
— Je n'ai pas peur de mourir, fils de pute. Par contre, toi, tu devrais...
Sur ces mots, je lance mon couteau planqué dans ma manche qui se plante d'un coup dans la main du quinquagénaire Il lâche l'arme en poussant un juron et se plie en deux à cause de la douleur, jusqu'à ce que Rachelle lui mette un violent coup de poing suivi d'un coup de genoux dans les couilles. L'homme tombe à genou et elle lui flanque un coup de pieds si fort dans le nez qu'il s'écroule sous le sol et que je pense un instant qu'elle l'a tué jusqu'à ce qu'il soupire de douleur.
— Tu rigoles pas quand il s'agit de frapper, plaisanté-je.
— Je suis pas Jésus, je tends pas la deuxième joue. Bouge-toi, on a de la chance de ne pas s'être fait repérer par les coups de feu... ne traînons pas.
— C'est ton plan ou le mien, l'Imprévu ?
Elle soupire et jette un coup d'œil à Luis qui tente de se relever.
— Bouge-toi, Ezio.
Je ne relève pas son ordre, je saisis l'homme par l'encolure de sa chemise blanche et place ma lame sous sa gorge.
— Quel est le nom de ton patron ?
Il me regarde l'air narquois, le nez en sang et la douleur tracée comme une barre sur ses sourcils froncés.
— Parce que tu crois que je vais te le dire, petite merde ?
Un filet de sang dégouline de sa narine et trace un chemin jusqu'à la base de son cou, le coup de Rachelle a été plus violent que je ne l'aurais cru et à mon tour je cogne au même endroit. Un juron échappe du trafiquant, qui tente de se débattre mais j'ai clairement le dessus. Mes entraînements de boxe et ma rage portent leurs fruits, à côté de cet homme d'une cinquantaine bien avancée, j'ai l'air d'un lion face à une brebis.
— Comment puis-je rentrer dans son réseau ?
Un rire, juste un rire pour unique réponse. Un autre poing qui cette fois, lui fait cracher une dent. Étrangement, Rachelle ne sursaute pas lors des impacts et elle a presque l'air d'y prendre goût.
Alors que je m'apprête à mettre un énième coup au fils de pute, des cris résonnent dans le couloir et des coups de feux retentissent. Presqu'instantanément, mon téléphone vibre et je décroche.
— IL Y A UN PROBLÈME, BARREZ-VOUS !
— Mettez-vous à l'abri.
Sur ces mots, mon frère met fin à l'appel et je me tourne vers l'abruti que je pointe maintenant de sa propre arme.
— Rachelle, tu prends l'arme et tu le vises. S'il essaye de s'enfuir, tu tires.
Je décroche la ceinture du peignoir de Rachelle et attache les mains de Luis qui grogne quand la jeune femme pose le flingue sur sa nuque. J'entrouvre la porte du couloir pour voir ce qui se passe dehors.
— Ils ne sont pas encore là, indiqué-je à Rachelle avant de questionner l'enflure que l'on s'apprête à prendre en otage. Ce sont tes hommes ?
— Parce que tu penses que c'est aussi simple que ça de m'avoir, petit con ?
L'homme crache une accumulation de sang et de salive,  qui forme une sorte de glaire visqueux de couleur rouge foncé. Je ris en voyant la tête de Rachelle grimacer et donne un dernier cou de genou dans l'estomac de l'homme qui tousse à se décrocher les poumons. Histoire d'être sûr qu'il ne bougera pas trop.
— J'ouvre la marche, tu me suis. S'il fait un pas de travers, tu le butes. Si on tire, tu utilises son corps pour te camoufler et s'il m'arrive quelque chose tu le lâches et tu cours, compris ?
Je m'immisce dans le couloir et prends la direction de la sortie de secours en priant pour qu'il n'y ai personne derrière le bâtiment. Je suis heureux de constater que l'endroit n'a pas changé depuis sa construction, que j'ai étudiée sur les plans trouvés par Dan puis j'emprunte les différents couloirs avec aisance. Les couloirs sont étrangement vides, des cris et des coups de feu résonnent derrière-nous et une fille sort d'une chambre sur la droite à toute vitesse. A moitié nue, elle tente de se couvrir comme elle peut pendant qu'un homme la suit de près la bite encore en érection. Une trace de poudre blanche subsiste sous son nez, indiquant son état et lorsqu'une balle se loge dans son tibia il ne semble pas la sentir et continue de courir sans s'arrêter. J'accélère la cadence pour semer ceux qui viennent de tirer et prend l'embranchement qui mène directement à la sortie de secours et qui nous coupe de la vue de nos poursuivants.
J'arrive enfin vers la sortie et ouvre d'un coup la porte coupe-feu en espérant l'effet de surprise mais je constate avec plaisir qu'il n'y a personne. Je la referme, la bloque à l'aide d'une barre de fer laissée sur le sol avec négligence et cours jusque la voiture. Je cours vers notre voiture, le double des clés en main et ouvre à toute vitesse pendant que le monde autour de nous s'affole et court pour sortir.
— Heureux de constater que tes hommes ne sont pas aussi efficaces que tu ne le penses, fais-je remarquer à l'enfoiré. 
L'homme se contente de rire et j'ordonne à Rachelle de l'attacher sur le siège arrière de la voiture où elle le rejoint.  Je suis surpris que notre otage ne bouge pas et me méfie de cette étrange réaction... quelque chose se trame.
Je démarre le moteur et commence à rouler à toute vitesse en priant intérieurement, s'il y a un Dieu, que mon frère aille bien. Et Noah aussi, au risque de ne jamais être pardonné par Rachelle.
— Attache le au niveau du cou, sans laisser trop de mou, que ça le maintienne en place.
— Avec quoi ?
Pour la première fois depuis la sortie de la chambre, j'entends la voix de Rachelle qui flotte calmement dans l'habitacle.
— Sous le siège, il y a un fil électrique suffisamment grand.
Je ne précise pas qu'il s'agit de celui que j'utilise pour torturer certains de ces fils de pute...
J'arrête de respirer durant tout le laps de temps où elle le ligote à une main, l'autre tenant l'arme toujours braquée sur sa tête. Je quitte le domaine en étant suivi par plusieurs autres voitures, qui fuient la scène d'horreur qui a du se produire dans le bar. Tout le monde klaxonne, certaines personnes tentent de s'accrocher aux véhiculent en mouvement pour s'enfuir plus vite qu'à pieds et des coups de feu retentissent à gauche et à droite. J'ai l'impression d'être dans une scène de fin du monde tant c'est le bordel autour de nous.
— Maintenant, fais-le parler.
Nous n'avons pas de temps à perdre, si ce sont ses hommes qui sont entrés dans le bar semer la zizanie, ce n'est qu'une question de minutes avant qu'ils ne nous poursuivent et que cela devienne plus compliqué à gérer. Je lui lance le couteau récupère plus tôt sur le sol en regrettant intérieurement ne pas le torturer moi-même.
Ou de la mêler à ce point dans ta déviance ? ajoute ma conscience.
C'est vrai, j'avais décidé de ne pas la mêler au meurtre ou la torture, avant même l'instant de la voiture... j'avais décidé de ne pas briser sa vie, son innocence, son âme. Elle devait juste l'attirer, je devais entrer sans me faire repérer, l'assommer, l'attacher et la faire sortir discrètement où Alex et Noah devaient la repêcher puis partir pour me laisser terminer le sale boulot... mais en lui racontant une partie de mon histoire, j'ai allumé en elle une lueur qui m'a fait penser qu'elle ne me dénoncerait pas. On ne dénonce pas les gens lorsqu'on les comprend puis j'ai aperçu une autre lueur qui me chuchotait qu'elle voulait se joindre à la cause.
Le fait que rien ne se soit produit comme prévu n'est pas un hasard, rien n'arrive jamais par hasard. Elle devait se joindre à toute cette merde.
Continue de te rassurer pour essayer de sauver ton âme, c'est mignon... Il suffira de quelques entailles sur les jambes puis d'observer les photos de tes victimes en pleurant pour laver tes pêchés, n'est-ce pas ? Ma conscience me tire une balle perdue et je secoue la tête pour reprendre mes esprits.
Alors que je tends l'oreille pour entendre les questions de Rachelle, une balle tape sur le pare-brise arrière de la voiture et forme un flocon de verre sous l'impact du choc.
— Continue de prendre des infos, moi je les sème.
J'emprunte un dédale de petites rues et de bifurcations pour creuser une distance entre nous mais même lorsqu'ils me perdent de vue, je les retrouve à quelques rues plus loin.
— Il doit avoir un traceur, déshabille-le et jette ses vêtements par la fenêtre.
La seule phrase que je perçois durant leur brève conversation est celle de Rachelle, qui semble avoir changé de corps tant elle est monstrueuse :
— Tu vas voir ce que ça fait d'être déshabillé sans consentement, salope.
Une fois l'homme à poil, elle jette les vêtements par la fenêtre et je pousse une accélération lorsque les hommes de Luis se collent presque à mon hayon en tirant des coups de feu qui nous frôlent. Derrière-nous, des voitures s'entrechoquent et je m'excuse pour les dégâts occasionnés pour ces pauvres citoyens qui n'ont rien demandé.
— Où est ton patron ?
L'homme ne répond pas et Rachelle lui plante la lame dans la cuisse. Au même moment que le hurlement de l'homme explose dans la voiture, des gyrophares bleus s'ajoutent à la course poursuite.
— Il ne manquait plus que eux... je souffle en appelant Alex qui ne répond pas.
Rachelle continue son interrogatoire et l'homme perd petit à petit ses moyens.
Parfait, il va craquer.
La police tire sur les hommes derrière-nous, qui répliquent et touchent probablement le conducteur de l'une des voitures des forces de l'ordre qui termine sa course dans la borne centrale.
— TU VAS PARLER, CONNARD !
Dans mon rétroviseur centrale, le reflet de la lame pointée en l'air m'éblouit et Rachelle l'utilise pour balafrer l'homme qui tente de se débattre sans succès.
— DIS À TA PUTE D'ARRÊTER ÇA TOUT DE SUITE !
Je rigole en pressant davantage sur la pédale de l'accélérateur et j'aperçois le chaos qui se sème derrière-nous. Je suis heureux d'être le plus habile mais surtout celui qui possède la voiture la plus puissante.
Rachelle continue de le mutiler à chaque refus de réponse jusqu'au moment où le pare-brise explose suis un énième impacte de balle et qu'elle se planque comme une enfant sous le siège. L'enflure lui assène un coup de genou qui la fait saigner du nez et je hurle dans la voiture face à la situation qui commence clairement à nous dépasser.
— Son nom ! J'insiste une dernière fois, comprenant qu'il ne dira rien... jusqu'à ce qu'elle lève le couteau et lui plante dans l'œil.
— Son nom, où je te crève le deuxième clochard !
A cet instant, l'homme dominant laisse place à un enfant brisé qui cherche à s'échapper de ses bourreaux. Il renifle en criant de douleur et se tord comme un ver de terre pendant que Rachelle s'approche de lui avec sérénité, la lame à quelques centimètres du deuxième globe oculaire de Luis.
— Ro... mais le nom meurt sur ses lèvres. Au même moment, un liquide chaud éclabousse ma nuque, Rachelle hurle et l'homme s'écroule vers l'avant, uniquement maintenu par le fil électrique et la ceinture de sécurité. Une balle. Une seule balle dans le crâne a suffit pour nous couper dans l'acquisition de nos réponses.
— FAIT CHIER CES IMPRÉVUS DE MERDE !
Mon hurlement est si fort qu'il fait sursauter Rachelle, elle s'enfonce dans le siège et prend peur comme une enfant. Afin de relâcher la pression et de ne pas freiner sec pour emboutir le fils de pute derrière-moi dans ma voiture, je frappe plusieurs fois le volant. Chacun de mes gestes pétrifie Rachelle un peu plus alors qu'elle respirait la confiance quelques instants plus tôt. J'inspire une grande goulée d'air que je dégage de mes poumons à la vitesse grand V et lui intime :
— Jette le corps dehors, Rachelle.
Sortie de sa transe de femme insensible dans laquelle elle était, ma prisonnière s'exécute en pleurant à chaudes larmes. La portière est arrachée par une voiture que je dépasse lorsqu'elle l'ouvre, elle détache l'homme et le pousse de toutes ses forces vers la sortie. Le corps s'écrase sur le sol pour nous laisser tous les deux dans le véhicule, seuls, dans un silence de plomb. Je presse l'accélérateur pour semer nos poursuivants, je n'ai plus de raison de m'attarder dans les parages. Des coups de feu et des bruits de freins s'entendent derrière-nous, j'aperçois les voitures tenter désespérément d'esquiver leur chef, ou du moins ce qu'il en reste. Lorsqu'ils se rendront compte qu'ils l'ont tué eux-mêmes, je parierais que l'homme qui a décoché la balle se fera torturer jusqu'à ce que mort s'en suive.
Je ricane.
Fait chier.
Finalement, la vengeance est plus compliquée à obtenir que prévu. Je passe ma main sur mon visage afin de récupérer mes esprits, je saisis mon téléphone et compose le numéro de mon frère plusieurs fois mais n'obtient aucune réponse.
— MAIS BORDEL C'EST POSSIBLE AUTANT DE MERDE SUR UNE JOURNEE ?! hurlé-je à plein poumon en frappant dans le siège passager.
Rachelle, à l'arrière, se recroqueville en boule sur le sol de la voiture et chantonne une chanson d'enfant tout en se balançant d'avant en arrière.
Bien joué, Ezio... tu viens de briser son âme.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 16 ⏰

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