Chapitre 23 - Rachelle

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Je tire désespérément sur ma robe pour tenter d'abaisser la fente qui remonte dangereusement lorsque je marche, au risque de montrer ma dentelle à toute l'assemblée.
L'homme à côté de moi ne m'a toujours pas lâchée et même s'il ne peut rien me faire, je devine parfaitement ses pensées grâce aux coup de langues dégueulasses qu'il me lance lorsqu'il relooke mes seins. Un instant, je regrette d'être aussi aguicheuse dans cette tenue puis je me rappelle que c'est tout à fait le but puisque je suis un putain d'appât. Fuck. Toute ma confiance accumulée dans la voiture s'essouffle et je redeviens la petite stressée que je suis pourtant je n'en montre rien et continue d'avancer la tête haute.
— Voilà beauté, tu t'installes ici. Tu peux te mettre en lingerie, lorsque les filles te le diront tu monteras sur la scène où tu danseras pour attirer les hommes. Mais je suppose que tu le sais ?
J'approuve d'un hochement de tête. Je suis heureuse d'avoir eu des réponses dans la voiture, sinon je me serrais écroulée au sol en apprenant ce que je devais faire ici, seule, dans cette loge.
— Sylvana, aide la petite ma grande. Tu veux ?
Une jeune femme aux cheveux roux avec de grands yeux verts se tourne vers moi en souriant à pleine dents. A côté d'elle, j'ai l'air d'un sac à patate. Sa silhouette fine et élancée lui donne des airs de mannequin sorti out droit des magazines mais son sourire chaleureux allège un peu mon coeur.
— Coucou ma belle, moi c'est Sylvana.
Elle me tend une main parfaitement manucurée et j'aperçois sur ses avants bras des cicatrices en forme de ronds. Ses yeux s'ouvrent en grands lorsqu'elle comprend ce que je suis entrain de fixer et la culpabilité mord mes tripes.
— Pa... pardon.
— Ne t'en fais pas ma belle, tu n'es pas une habituée... ils ne te feront rien. Enfin, pas aujourd'hui.
Je me pétrifie sur place en comprenant que c'est ceux pour lequel on va se pavaner qui lui ont infligés ça...
— C'est affreux, je suis désolée pour toi.
— Je suis désolée pour toi que tu sois ici aussi, surtout, me rétorque la rousse.
Dans son sourire, une lueur de tristesse teinte son aura chaleureuse. Cette femme ne doit pas encore avoir trente ans et elle a l'air d'avoir vécu la guerre tant elle est rongée par la peine. Elle me redresse et ouvre ma robe sans me demander mon accord mais je me laisse faire et observe le tissu rouge tomber sur le sol. A quoi bon tirer sur la robe alors que je serai à moitié à poil devant eux ?
— Puisque tu as un visage d'ange, tu attireras probablement les hommes qui aiment les enfants et ceux qui se chargent de « tester » les futures femmes présentées comme vierges dans leur trafic.
Je l'écoute en me remémorant les explications d'Ezio dans la voiture. Ces gens sont des malades... et tous ici se comportent comme si c'était normal.
Elle remet en place quelques mèches de mes cheveux et m'asperge d'un spray pailletés à l'odeur de vanille sur le corps entier avant de reprendre ses explications :
— Tes formes sont un réel atout. Je suppose que tu es là pour attirer quelqu'un en particulier ?
Je la laisse sans réponse, ne sachant pas si je peux sincèrement lui faire confiance.
Fuck, comment je suis censée me sentir en sécurité dans un endroit pareil ? Au loin, j'entends des hurlements et des applaudissements.
— Bon, la première tournée de fille est terminée. Dans deux minutes, ce sera notre tour. Si tu ne sais pas quoi faire, observe-moi... j'ai... l'habitude.
La rousse s'éloigne après m'avoir adressé un clin d'œil pour se mettre en tenue, ou plutôt se mettre nue... sa tenue de cuire lui comprime les seins qui paraissent plus ronds et ses fesses rebondies lui donne des airs de déesse. Elle est peinte au pinceau...
Je m'assieds sur l'énorme siège en cuire défoncé  derrière-moi en repensant aux confidences d'Ezio. J'inspire une bouffée d'oxygène qui a le mérite de me requinquer comm un short de téquila avant une danse andiablée. Si vulnérable, je me sens pourtant si forte. En me confiant tout cela, il a réussi à allumer une lueur de détermination en moi, quelque chose que je pensais avoir perdu lorsque ma mère est tombée malade.  Aujourd'hui, je vais aider à démanteler un réseau de trafic d'humain... de trafic d'enfants. C'est bizarre à quel point la morale est contradictoire, finalement. Il y a à peine deux jours je condamnais les actes d'Ezio alors que maintenant je vais tout donner pour lui permettre de réussir.
Soudain je me rappelle qu'il veut me faire participer au meurtre avec Noah et tout mon courage se perd durant quelques secondes. Je ne suis pas capable de tuer quelqu'un, même si c'est une ordure pareille. Si ?
— Les filles, c'est à nous dans trente secondes ! Nous crie la rousse qui prend la tête de la file qui se forme derrière elle.
Je m'installe à leurs côtés, prête à jouer aux salopes. Si Dylan me voyait, il ferait un infarctus, c'est certain. Les filles se mettent à avancer au début de la musique, je suis étonnée de reconnaître Call out my Name de The Weekend.
Je les suis doucement, la scène est si éclairée par rapport au reste de la salle qu'il me faut un moment avant d'apercevoir des formes puis des hommes et finalement... Ezio. Il est assit sur un énorme fauteuil matelassé, près du bar à l'arrière des autres pervers assis eux aussi sur des fauteuils luxueux. J'imagine qu'il cherche à trouver des indices sur l'homme qu'il pourchasse mais le voir aussi loin accentue la boule de stress qui presse ma gorge comme une main. Chacune d'entre elles s'installent devant une barre de pole dance et se contentent de tourner sur elle même en lançant des regards aguicheurs, exagérés... Soudain, je me souviens des mots d'Ezio et décide d'adopter une autre tactique. Si je veux sortir du lot et me faire repérer par l'homme qui nous intéresse, je dois avoir l'air d'une enfant. Ou plutôt, d'avoir l'innocence d'une enfant. Alors que la bile me remonte dans la gorge à cette pensée, je m'accroche à la barre derrière-moi et écarte les yeux en grands à la recherche d'un pseudo-sauveur. Je jette des coups d'œil inquiets aux autres filles et tente faussement d'agir comme elle, avec des mouvements plus restreints et plus discrets. Instantanément, les regards se tournent vers moi et je ne dois pas attendre longtemps pour remarquer le petit sourire en coin de mon kidnappeur. Lorsque la musique s'arrête, les filles se stoppent et fixent le bar droit devant elles sans bouger.
— Aujourd'hui, je vous présente la superbe Sylvana que vous connaissez déjà ! Présente Denis dans un énorme micro doré qui s'accorde parfaitement au rouge de son costume. Il s'avance sur le bord de la scène et tend la main vers Sylvana qui le rejoint, un sourire franc sur le visage. Les applaudissements indiquent à quel point le public l'aime et je ne sais pas si je dois être contente ou désolée pour elle. S'en suit une présentation différente par fille, avec comme ligne de conduite une brève présentation du point fort de chacune d'entre elles. Puisque je suis la dernière sur la scène, je comprends que Denis parle de moi et je m'avance en tirant sur le peu de dentelle qui couvre mon corps dans l'espoir de cacher un peu mes vergetures.
— Puisque vous aimez la chaire fraîche, je vous présente Mia ! Jeune femme plantureuse aux airs enfantins, elle saura faire durcir votre queue sans les mains !
Je ne relève pas le fait que ce ne soit pas mon prénom ni que sa blague ne me plait pas du tout, à la place je m'avance prudemment jusqu'à lui où je sers sa main si fort que cela lui arrache une grimace qu'il cache d'un sourire. Connard.
Des rires suivent sa tentative de blague qui se noie très vite dans les applaudissements qui me sont conférés. Sur la gauche, j'aperçois Noah et Alex qui applaudissent tranquillement afin de ne pas faire cramer leur couverture.  Mon meilleur ami a l'air tendu et ne me jette aucun regard de réconfort. Denis m'indique ma barre pour que je retourne à ma place et je ferme les yeux quelques secondes pour reprendre le contrôle de mon corps.
Okay Rachelle, alias Mia, ton but est de piéger l'un des fils de pute d'ici. Qu'importe tes complexes, dans leurs têtes un trou est un trou et la seule chose qui change est vos tenues et quelques caractéristiques physiques. Personne ne verra ta cellulite, tes vergetures, ta graisse bouger... relaxe. Fuck, que c'est compliqué.
Une seconde musique se met en route, cette fois sans parole mais d'une mélodie bien plus sensuelle. Autour de moi, les filles commencent à s'agiter autour des barres, à faire des acrobaties dont je suis incapable et pour certaines, à se déshabiller du peu de tissu qui les recouvre. Des hommes deviennent hystériques et les verres d'alcool pleuvent encore et encore. La fumée de ce qu'ils fument me brûlent les poumons et je dois maintenir ma respiration plusieurs secondes pour contrôler une crise d'asthme qui pointe le bout de son nez.
Je laisse la musique prendre possession de mon corps et tout en regardant mes pieds, je suis portée par l'ambiance. Chacun de mes mouvements est lent et trainant mais je veille à ce qu'il soit tout aussi sensuel que celui des autres filles. Je me tourne pour être dos aux hommes qui remplissent la salle et j'enlève mes talons pour être plus à l'aise. Si ce sont les enfants qui attirent ce fils de pute, me donner de faux airs de femmes avec ces échasses ne m'aidera pas. Et ça ne m'aidera pas non plus à me mouvoir parce que putain, qu'est-ce que je suis godiche ! J'agrippe la barre d'une main, je tire légèrement la tête en arrière en accrochant la jambe droite autour du support métallique et je sens mes cheveux caresser mes fesses. Lorsque je pivote en me laissant aller à l'aide de mon poids, je frotte la barre sur mon sexe et me retire presqu'aussi vite pour m'enraciner dans le sol la tête penchée en avant. Je rejette la tête en arrière et joue avec mes cheveux lorsque je jette enfin un regard sur les hommes devant moi, la bouche entrouverte et les yeux ronds. Je sais pertinemment que mes cheveux ébouriffés de la sorte me donnent des airs d'enfants après une partie de jeu dans un trampoline mais je sais aussi que ça donne particulièrement envie de tirer dessus lors d'une levrette.
Soudain, je prends conscience que la majorité des hommes (que dis-je ? Des fils de pute !)  me regardent, j'en profite donc pour rechercher l'intéressé du regard. Chacun à leur tour, je braque mes iris sur les leurs en léchant délicatement mes lèvres et lorsque leur sourire se fait trop insistant, je détourne le regard en posant la main sur mes lèvres. Je croise celui d'Ezio, qui semble impassible... et je désapprouve la sensation que cela créée dans ma gorge. Cette boule s'efface lorsque j'aperçois un homme d'une cinquantaine d'années, assit sur le bord de son fauteuil. D'une main, il presse son genou et de l'autre il déboutonne sa chemise blanche, la tête légèrement en arrière en se léchant les lèvres. Je ne sais pas comment mais... je sais. C'est lui. C'est lui le fils de pute qui aide à gérer ce réseau de malheur qui a tué la soeur d'Ezio. Poussée par une rage indescriptible, je continue de l'étudier en me mordant la lèvre puis je passe mes mains sur mon corps en touchant mes seins et je m'avance sur la scène pour quitter ma barre. Des chuchotements s'élèvent, je ne suis probablement pas censée faire ça et pourtant... je le fais. Je m'assieds sur le bord, les pieds pendus dans le vide et tout en passant une mèche de cheveux derrière mon oreille, je lui adresse un bref sourire tout de suite éteint par le rouge qui me monte aux joues. Celui-là, contrairement au reste, je n'ai pas besoin de l'inventer car il est réel, aussi réel que ma gêne.
Comme si tout était prévu, les lumières s'éteignent et Sylvana vient me tirer par le bras pour me faire faire demi-tour.
Les filles, que je suis comme un toutou, sortent des loges où Denis nous tend un peignoir en nous désignant la salle où nous devons nous pavaner.  
— Très belle prestation, ma belle, me complimente le patron des lieux en m'adressant un clin d'œil.
Derrière-moi, la rousse claque mes fesses et me taquine :
— Vraiment, tu vas me voler la vedette si tu reviens encore ! Nous rions tout en avançant ensemble.
Un instant j'oublie presque ce qu'est réellement cet endroit.
— Tiens, bois ça me tend une autre fille blonde et charismatique.
Je ne réfléchis pas et je bois les bulles qui me sont offertes dans un élan désespéré d'hydratation.
Rachelle, on ne t'a jamais appris que l'alcool n'hydrate pas ?
Une énorme main entoure ma taille et une odeur de cigare me brule les narines. Je n'ai pas besoin de mimer ma surprise lorsque le fils de pute m'embrasse sur la tempe comme s'il m'avait déjà achetée. Il ne l'a pas fait, pas vrai ? Si ?
— Bon...bonjour... Je...
— Mia, tu es incroyablement innocente ! On n'en fait pas beaucoup, des comme toi.
Il descend sa main et palpe mes fesses avec force, j'étouffe un hoquet de surprise et tente un sourire vain. Ce qui s'allume chez cet homme lorsqu'il comprend qu'il a le pouvoir sur moi me donne envie de pleurer et toute ma confiance s'évanouit.
— C'est avec moi que vous discutez des termes du contrat, monsieur ?
— Monsieur Luis, sourit le pervers à Ezio qui vient me sauver. Le voir en face de nous dans son costume dissipe un peu mes peurs mais ce n'est que momentané lorsque j'aperçois ses jointures blanchies sous la colère.
— Et bien, monsieur Luis, je vous conseille donc de la lâcher si vous souhaitez pouvoir l'exploiter... au risque de devoir vous nourrir à la paille les prochains mois.
L'homme ricane et me lâche, tandis qu'Ezio me tire pour me poser derrière-lui, à l'abris.
— En effet, je réserve mes mains et ma bite pour ce joli bout de femme... vous l'avez compris. Pourrions-nous discuter autour d'un verre ?
Alors que je ferme les yeux pour appréhender le coup de poing dans le nez de l'homme, j'entends Alex hurler d'une voix exagérée en s'avançant vers nous :
— OH MY GOD, BOYYYY ! Qu'est-ce que tu fais là, beau-gosse.
J'ouvre les paupières pour découvrir le faux couple qui m'adresse un faux sourire de politesse et s'adresse à Ezio. Je cherche Noah du regard mais il est tellement dans son rôle que j'ai l'impression de ne pas le connaître. Mon kidnappeur se relâche et se tourne vers Luis qui attend avec deux verres en main.
— Je veux bien discuter autour d'un verre mais il en faut aussi un pour la jeune femme, précise mon protecteur de fortune.
Sur ces mots, il s'éloigne vers le fauteuil où il était posé quelques instants plus tôt.
Deux filles en pleine discussion lui cèdent la place lorsqu'il s'approche et une partie de moi ne peut s'empêcher de rire : il impressionne tout le monde, très clairement et je doute que cela soit uniquement du à sa carrure imposante.
Alex et Noah s'installent avec nous, prétextant vouloir tenir compagnie à leur vieille connaissance qu'est Ezio et lorsque celui-ci se met à parler, je comprends que les choses sérieuses commencent.
— Et bien, pour quel genre de filles êtes-vous ici ?

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