Chapitre 2: Histoire de caste 2/10

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À 7 heures du matin, Yaye Khady arpente la route menant au village de Sangomar, situé à Louga. Elle marche péniblement sous l'épaisse canopée, sa sacoche à la main et ses lunettes de soleil noires ombrageant ses yeux. Elle glisse difficilement sous les arbres qui semblent morte.

Elle se trouve face à un agriculteur en train d'arroser ses cultures, coiffé d'une casquette.

_ Assalamu alaykum seugn bi nagueu déff?" Bonjour monsieur, comment vous portez-vous ? s'enquit-elle chaleureusement.

_ Malihikoum salam warahmatoulah warahmatoulah ! , répondit-il.

_ Ah, je cherchais la demeure de Sérigne Goudiabi, mais il semble qu'il ne réside plus ici. Pourriez-vous m'aider à le retrouver ? J'ai vraiment besoin de lui.

_ Sérigne Goudiabi ! , marmonna-t-il en réfléchissant.  Ah, Sérigne Goudiabi Aïdara, n'est-ce pas ?

_ Exactement , acquiesça-t-elle, confiante dans sa capacité à le retrouver. Le connaissez-vous ?

_ Oui, c'est l'ami de mon père. Il a déménagé juste après "la mur de Fougou". Ce n'est pas loin. Vous empruntez le même chemin. Vous verrez une petite baraque grise. Il vit seul là-bas.

_ Alkhamdoulilah ! Merci beaucoup monsieur. Vous m'avez vraiment guidée. Sans vous, je ne sais pas comment j'aurais pu le retrouver. Merci infiniment", exprima-t-elle avant de partir.

_ Je vous en prie, répondit-il en reprenant son travail.

Elle continua à avancer sur le même sentier tel qu'il lui avait indiqué. Quelques minutes plus tard, elle se trouva devant la baraque.

_ Assalamu alaykum, lança-t-elle en insistant avec un regard inquisiteur. La baraque était d'une simplicité désolante. Assalamu alaykum, répéta-t-elle, recevant un "Bismillah" en retour.

Elle pénétra en baissant humblement la tête. Elle aperçut Sérigne Goudiabi en train de réciter le Coran noir sur blanc.

Dans cette humble demeure, il n'y avait qu'une seule porte, un petit lit étroit posé au sol, des cornes de mouton accrochées au mur, un tapis de tigre étendu au sol, des rangées de coton mêlées à des cauris, une calebasse remplie d'eau et des écrits coraniques sur des feuilles blanches, ainsi qu'un plat traditionnel rempli de cauris et de pièces d'argent.

Elle s'assit en face de lui après avoir ôté ses chaussures à l'entrée.

_ Goudiabi naka gua déff ? Ba yagui si diam ? Bou yagg ba ligui magui lay beugue setsi ? Wayé dafa mélni tay lako brom bi toudd, entama-t-elle. (Comment vas-tu ? J'espère que tu vas bien ? Chaque jour, je décide de venir ici, mais je pense qu'aujourd'hui est le bon moment.)

_ C'est vrai, répondit-il en sortant ses cauris. Hier soir, je t'ai vue dans la lune avec ton fils aîné qui semblait tout perdre.

_Hun....guanima !, s'exclama-t-elle, surprise.

_ Mais, reprit-il, "Alhamdulillah que tu sois venue me voir. Tout finira bien, insha'Allah. Ne t'inquiète pas.

_ Goudiabi, bilahi, je ne sais plus où j'en suis tellement je suis perturbée. S'il te plaît, tu dois m'aider, sinon je vais perdre toute ma famille et mes enfants, supplia-t-elle.

Goudiabi lança ses cauris sur le tapis de tigre et les fixa un moment avant de parler.

_ Il y aura un grave problème qui vous mènera à la ruine, déclara-t-il, ses yeux rivés sur les cauris. Vous vivez avec une femme dangereuse qui attend votre défaite. Tant qu'elle restera dans la maison, vous ne serez jamais heureuse.

_Tourki-Diam ! Je savais, s'exclama-t-elle en serrant les dents contre ses lèvres.

_ C'est la femme de ton fils, annonça-t-il.

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