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L'architecture de la gare de Bordeaux Saint-Jean est assez impressionnante. Des structures complexes entourent le ciel. Isidore trouve ça moche et beau à la fois. À l'intérieur, tout le monde se presse pour commander des Mcdo, trouver des toilettes, repérer les panneaux d'affichage.

Il voit sa petite amie près du stand de cannelés à la sortie de la gare. Coline est en train de lire un livre, concentrée sur ses pages.

Isi' lui ébouriffe les cheveux. Ça leur arrache tous les deux des sourires.

— Ok, tu m'as manqué, reconnaît-il en la laissant fondre dans ses bras.

— Toi aussi gros bêta.

Ce midi, Isidore se laisse porté par les conseils de Coline. Sa petite-amie veut l'emmener à tout prix dans son brunch préféré du moment. Tickets de tram en poche, ils se lancent dans la ville. Isidore ne connaît pas bien le concept des brunchs, il n'en a fait qu'une fois un dimanche, mais à la maison, en rassemblant les restes de toute la famille.

— Tu vas voir, ils ont un matcha latte incroyable !

Encore une potion magique qu'il n'a jamais vraiment essayée. Co' prend souvent des photos de ses boissons multicolores. Isi' les a toujours trouvées étranges. Elle a l'habitude de les poster sur les réseaux, sans que son petit ami n'arrive vraiment à imaginer leur goût.

Le restaurant choisi par Coline est plein à craquer. Elle croise même une amie de son école. Elle lui claque la bise, lui présente Isidore. Ce n'est qu'une pote de pote de pote. Installés à une table éloignée de la sienne, le blond se permet de souffler.

Ce n'est pas la première fois qu'il vient à Bordeaux. Il connaît Neil, Orane, Simon, Amina et Lucie de loin. Ce sont les meilleurs amis de Coline ici. Il les trouve sympas sans plus, pas trop dans son délire. Il n'y a pas un moment où ils ne parlent pas de politique, de la gauche, des manifs et des derniers auteurs qu'ils ont lus. Isidore se souvient d'une discussion qui l'avait un peu traumatisé : où Coline s'était faite grande défenseuse d'un penseur dont il a oublié le nom, pendant que d'autres essayaient de dégommer son argumentaire. Isidore, par son master en éco, est vu comme l'économiste orthodoxe du coin. C'est bête parce qu'Isi' s'en fiche un peu de ce qu'il étudie, ne s'y reconnaît pas vraiment. Il l'a fait parce que sa mère lui a conseillé de suivre ce parcours, un point c'est tout.

— C'est pas donné, remarque-t-il en matant les prix.

— C'est un brunch Isi', je te conseille ça, dit-elle en lui pointant du doigt une tartine avocat-bacon.

Finalement, Coline commande pour le couple. Isidore a faim. Il regarde sa copine s'extasier face aux boissons. Elle lui prend la main, contente qu'ils soient dans sa ville d'études. Isidore voit que ça la touche, qu'ils se sont manqués. Le blond se sent plongé dans son monde : de belles nourritures et de beaux décors, de beaux amis et de beaux vêtements. Tout est beau par ici, loin de lui.

— Alors ta semaine ? demande-t-il pour lancer la discussion.

Coline narre ses activités une par une, dans les moindres détails. Isidore connaît presque la personnalité de chacun de ses amis. Il rebondit à certains moments, rigole à d'autres. Ils retrouvent leur complicité naturelle petit à petit.

— L'avocado toast ? Pour monsieur. Les œufs benedict ? Pour madame. Et les deux matcha latte. Bon appétit !

Le serveur distribue les commandes. Isidore s'empresse alors de goûter le breuvage vert. Il n'aime pas trop, « y a pas assez de goût » souffle-t-il à Co'. Il aurait aimé une boisson plus sucrée.

Puis en se regardant en mangeant, les deux finissent par ne plus pouvoir se retenir de rire.

— Je te sens à l'ouest, dit-elle en avec un grand sourire.

Isidore se laisse plonger dans un monde qui ne lui est familier en aucune façon. Il ne s'y reconnaît pas du tout, mais il aime bien l'idée qu'il existe autant de petites différences avec Coline. Sa petite amie lui paraît toujours insaisissable avec les années, et il se demande s'il pourra vraiment comprendre son monde un jour. En attendant, il la sent détendue avec lui. De son côté, il ne s'était pas senti aussi rassuré depuis des lustres. C'est un sentiment difficile à décrire, mais... ses épaules se sont détendues, son regard adouci, ses sourires sont désormais nourris de vie.

Il le sait depuis longtemps, mais l'oublie avec le temps et les kilomètres qui les séparent : Coline est son plus grand repère, dans la vie.


*

nda: ils sont trop mignons <3 haha (je me relis aussi)

AïeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant