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Ce dimanche, à la grande surprise de toute sa famille, Isidore décide d'aller à la messe. Il les accompagne, par curiosité. Tout le monde est présent : Isabelle – la grande sœur – avec Ilya dans les bras, Marc, Julien – les deux petits frères, sa mère et son père.

Isidore va donc à l'église qu'il a l'habitude de fréquenter depuis petit. De temps en temps, il croise des anciens potes qu'il s'était faits au catéchisme ou doit parler à la sortie au prêtre qui s'entend bien avec sa famille.

Aujourd'hui, il y va avec quelques attentes. Il sait que la remarque d'Anatole sur son éducation catholique l'a beaucoup fait réfléchir : il a peut-être besoin de renouer avec cette partie qu'il a délaissée, retester sa foi, trouver des réponses dans ce que peut lui enseigner la religion qui l'a accompagnée toute son enfance.

— Je suis contente que tu viennes ! Tu vas voir, pour tous les doutes qu'on a dans la vie, ça peut aider un peu de spiritualité, assure sa mère en quittant la voiture.

L'église que préfère les parents d'Isidore propose des messes dominicales plus intimistes que celles de la cathédrale Saint-Pierre ou la basilique Saint-Sauveur, deux monuments rennais. Isidore reconnaît parfaitement l'architecture de l'église, sait à quoi elle ressemble, les statues et mobiliers particuliers, l'art qui la recouvre. Il les a tant observés quand il s'ennuyait petit.

Les rituels s'enchaînent, les chants recouvrent l'endroit. Les fidèles suivent les lectures, écoutent le prêtre. Isidore espérait au fond de lui un déclic, quelque chose qui changerait sa vision sur sa vie. Mais rien, il se contente d'apprécier les quelques prières qui le touchent. Autrement, il se sent déconnecté et peu investi. L'heure passe lentement, et il ne se sent pas plus proche de recouvrer sa foi qu'avant.

Toutefois, sans trop pouvoir expliquer ce qui l'aide dans ce moment, il avoue se sentir moins seul et cadré par une institution qui le dépasse. Ça le rassure un peu, sans qu'il n'ait envie pour autant de revenir souvent. Il se sent juste comme l'Isidore enfant qui a l'habitude de suivre les directives de ses parents, de se confesser, d'écouter les mots de la Bible qui peuvent parfois l'inspirer dans certaines réflexions.

— Isidore ! Ça doit faire depuis Noël qu'on ne s'est pas vus ! s'exclame Louis, un camarade de classe de catéchisme.

— Yo, se contente-t-il de répondre.

— Qu'est-ce que tu fais de beau en ce moment ?

— Je finis mon master d'éco', réplique-t-il mécaniquement, sans enthousiasme.

— Et toi ?

— Je finis bientôt mon école de commerce. J'organise un voyage humanitaire au Vietnam avec mon asso' en ce moment, ça prend pas mal de mon temps. Et je reviens d'un séjour dans le nord, pour aider des exilés, c'était... wow, intense!

Il n'aime pas trop interagir avec ses anciennes connaissances. Ils ne sont pas méchants en soi, même très sincèrement gentils, mais il n'arrive pas à les supporter. Il se sent en décalage par rapport à leur plus grand point commun : leur appartenance à la communauté catholique. Les quelques potes qu'ils s'étaient faits se ressemblent beaucoup et ont fondé pour la plupart leur identité sur leur religion : ils organisent énormément de maraudes, sont très actifs dans la vie paroissiale, sont ou ont été chefs scouts et réalisent parfois des pèlerinages ensemble organisés par des associations d'école. Ils sont restés très en contact tandis qu'Isidore préférait garder un peu de distance. Au collège, il les trouvait trop coincés, gênants, parfaits et naïfs. Il enviait leur sérénité mais n'arrivait jamais à se sentir intégré à cette communauté. Il avait envie d'être cool et il se disait que ce n'était pas avec eux qu'il se sentirait bien dans sa peau.

— On organise une maraude mardi soir avec une asso'. N'hésite pas à venir ! invite Louis en lui tendant un prospectus.

— Je vais voir, merci, répond-il poliment.

— Tu perds rien, c'est vraiment très enrichissant, insiste son interlocuteur.

Il y a quelques mois encore, il aurait jeté le prospectus à la poubelle. Mais il sent l'envie de se réinventer monter en lui. Il ne sait pas trop quelle forme donner à son existence en particulier. Isidore sait juste que ce ne sera pas au bout du monde avec Coline ou à Paris avec son meilleur ami, qu'il est un gars du coin. Mais pas n'importe quel coin. Il adore sa bande de « débiles », mais il ne sait pas si c'est bon pour lui de sombrer dans ses addictions. Il ne les juge pas mais convient que ce n'est pas la solution adaptée pour le rendre plus joyeux. Isidore se laisse alors tenter par la proposition de Louis. Et s'il laissait une chance à ces personnes qu'il avait toujours mal jugées ? Il a fait ça pour la messe, pourquoi ne pas le répéter pour ses anciennes connaissances ?

AïeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant