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Le mardi soir, Isidore est au point de rencontre pour la maraude sociale. Les gilets « Solidarité » sont portés par jeunes et personnes plus âgées, on lui réexplique les principes, consignes et l'organisation de la soirée. L'objectif du soir est de distribuer une centaine de paniers repas aux personne sans-abris dans le centre-ville.

Dans une équipe de quatre avec Louis, Chantal et Marguerite, Isidore parcourt les rues et va à la rencontre de sans-abris. Chantal préfère souvent aller voir les familles. Les autres la suivent et discutent avec les personnes vivant à la rue.

Ce sont des gestes simples qui touchent Isidore. Face aux inconnus, il reconnaît les qualités des mecs comme Louis. Il est certes très prévisible en société mais a le ton de voix idéal pour rassurer les personnes et engager une bonne discussion. Isidore a plus de mal, mais il suit les conseils de Marguerite et progresse au fil de la soirée.

À la fin de la maraude, tous les bénévoles se réunissent pour faire un bilan et partager leurs expériences. Chantal, à la tête de la maraude du soir, insiste sur l'importance du lien social dans la société et donne toutes les informations utiles pour les maraudes futures, du samedi, portée plus sur la santé, du prochain mardi et bien encore.

—   Tu veux venir prendre un verre ? propose Louis et d'autres jeunes.

Isidore reconnaît Noémie, Sarah et Jean, autres camarades de catéchisme, en plus de Marguerite rencontrée lors de l'évènement.

—   Pourquoi pas, se contente-t-il de répondre en les suivant.

Du verre, Isidore n'a pas beaucoup interagi. Il les a surtout écoutés, scrutés et analysés. Les personnes sont plutôt proches et discutent de tout et de rien. Isidore les avait un peu caricaturés, pensant que leur unique passion était Dieu et rien d'autre. Jean s'avère être très investi dans la politique, élu du maire. Il croise d'ailleurs souvent le père d'Isidore, adjoint du maire. Plutôt de droite, il se chamaille rapidement avec Sarah, fière partisane d'un parti d'extrême-gauche. Outre les discussions politiques, Louis raconte une anecdote sur le fait d'avoir été rejetée une énième fois par une fille pour faire rire l'assemblée. Noémie s'ouvre plus tard sur ses ressentis sur la maraude du soir, comme ça la plombe toujours un peu de voir autant de personnes sans toits.

—   T'en as pensé quoi toi ? demande Marguerite à Isidore.

—   Utile. C'est bien d'aider les autres, j'ai juste ça comme impression.

Sa réponse est un peu vague, mais il pense que ça résume bien sa pensée. Il n'a pas été non plus transcendé par l'expérience, mais ça l'a sorti de lui-même et de sa vie personnelle. Il se sent conforté dans l'idée que ça a du sens de se tourner vers autrui. Il ne sait juste pas s'il a besoin d'un cadre religieux pour le faire, sachant que les maraudes sociales sont aussi proposées par des associations laïques.

Tout ce qu'il remarque, c'est que ce sont des personnes avec qui il ne sent pas très proche, loin d'avoir envie d'être leurs amis proches. Mais il se sent ouvert à ces rencontres, pour le sortir de sa zone de confort. Ils sont très accueillants mais difficiles à décrypter, on ne sait jamais s'ils montrent suffisamment de leur personnalité.

Au moins, ça le confronte au monde tel qu'il est, dans le coin de sa ville. Un monde rempli de personnes différentes de lui, comme tous les autres, qui sont toujours en recherche perpétuelle de sens.

AïeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant