Les Gens Heureux

Prologue

Chanson du prologue : Adèle - Hello.

Prologue :

« Maintenant que tu es un flocon de neige... ».

1er décembre 2023 – 7h30.

« On aurait pu être parfaits, toi et moi. Mais tu es le feu et je suis la glace. Tu es l'espoir et je suis les larmes. On dit que les opposés s'attirent, moi je dis qu'ils se détruisent ».

                                                                                                    Indigo, Sous le souffle d'un nouveau Printemps.

     La neige sous mes pas craquait. Ça aurait dû être un son apaisant, mais j'avais l'impression que le sol se dérobait sous moi, prêt à m'engloutir. Le vent glacé me fouettait le visage, et mes cheveux dansaient dans les airs sans aucun sens du rythme. Je ne sentais plus mes orteils, ni même le bout de mes doigts. Une véritable tempête m'empêchait de voir à plus de trois mètres devant moi et rendait ma progression difficile. De minuscule cristaux pendaient de mes cils et je tremblais, frigorifiée. Le froid était vif. Colérique et capricieux.

     Mais j'avais du mal à discerner s'il venait de mon cœur ou de l'extérieur.

     Le paysage était morne. Pathétique. Les arbres étaient nus et leurs branches étaient crochues. La terre avait gelé et du verglas recouvrait le sol boueux. Tout était blanc, gris, vert enneigé et marron-noir. Tout était sans vie. Je supposai que c'était cohérent étant donné que je me trouvais dans un cimetière, mais je m'étais toujours bercée d'illusions en me disant que, même s'ils n'étaient plus de ce monde, les morts habitaient ce lieu comme s'ils vivaient encore, en y faisant pousser des fleurs contre les pierres tombales et en aidant les oiseaux à y construire leurs nids.

     Et comme le soleil ne brillait pas, je ne pouvais même pas me convaincre que c'était leurs âmes qui étaient notre source de lumière. Définitivement, les morts étaient morts.

     Au loin, un corbeau croassa. D'autres lui répondirent aussitôt. Ils avaient l'air paniqués. L'urgence, inexplicablement, suintait de leur chant discordant. La colère, la peur et le désespoir aussi. Comme s'ils étaient sur le point de perdre quelqu'un qu'ils aimaient. Leurs cris étaient une alerte. Ils me remémorèrent mon cœur brisé.

    Je poursuivis mon chemin pendant de longues minutes. Le silence qui régnait était angoissant. Seuls les battements effrénés de mon pouls me rappelaient que j'étais en vie, parce que, dans ce lieu sinistre où la mort gouvernait, j'avais toutes les peines du monde à ne pas me dire que plus j'avançais, plus je m'enfonçais entre les arbres et les pierres tombales ensevelis sous la neige, plus je laissais une part de vie derrière moi, plus je mourrais à mon tour.

     Au bout d'une éternité que je n'avais pas, je parvins à destination. Sa tombe était encore flambant neuve. La stèle où étaient gravés son nom, ainsi que sa date de naissance et de mort scintillait faiblement, parce qu'un rayon de lune avait finalement percé les nuages déchaînés et décidé d'éclairer cette zone en particulier. Des pétales de chrysanthèmes oranges et jaunes virevoltaient tout autour, s'étant détachés du bouquet qui peinait à ne pas s'envoler à son tour. Il traînait misérablement sur sa tombale et je ne savais pas qui l'avait déposé.

    Je restai devant sans rien faire pendant longtemps. Ma vue s'embua et je me retins de pleurer. J'avais froid, horriblement froid. Mon corps était gelé. C'était comme si mon cœur avait cessé de battre.

     Le bouquet s'envola. Je le laissai faire.

     Le temps passa. Dix minutes, un quart d'heure, trente minutes...J'en perdis la notion. Tout ce que je savais, c'était que quand j'avais quitté mon appartement, il faisait nuit et la tempête frappait. Désormais, la tempête s'était calmée et le jour commençait à poindre à l'horizon.