« Au repos, soldat ! lancé-je à Lenzo qui stoppe son influence sur l'eau et laisse la rivière reprendre ses droits. Soldats, rassemblez-vous ! » ordonné-je ensuite au reste des troupes.
Ces derniers rassemblent le peu de force qui leur reste pour se réunir devant moi.
« Je vous félicite, vous avez passé avec brio cette épreuve. Reprenez vos chevaux, nous rentrons au village », affirmé-je avec un semblant d'entrain.
Il faut bien être un minimum crédible... Et il est vrai que ces hommes m'ont surpris aujourd'hui. Je ne pensais pas qu'ils réussiraient l'épreuve. Bon, je passe le détail selon lequel l'un d'eux aurait dû mourir aujourd'hui mais je pense que cela aurait fait tâche donc j'ai préféré le sauver.
Lenzo aide les plus faibles à monter sur leurs chevaux puis nous prenons la route du village. En chemin, Lenzo cale la vitesse de sa monture à celle de la mienne et vient se placer à côté de moi.
« Ils sont surprenants n'est-ce-pas ? m'interpelle-t-il.
– Être surprenant, ce n'est pas suffisant pour vaincre Havrish, réponds-je du tac au tac. Cette épreuve, ce n'est rien du tout comparé à ce qui les attend sur le champ de bataille.
– J'en suis bien conscient, affirme Lenzo. J'espérai juste que cette épreuve aurait peut-être un peu changer ton avis sur ces hommes... Ils ont tout donné, certes parce que c'était l'exercice, mais ils l'ont aussi fait pour te rendre fière, me précise-t-il.
– Je dois avouer que ces petits rats ne sont peut-être pas aussi faibles qu'ils en ont l'air », dis-je simplement avec un sourire feint.
Ma réponse semble satisfaire Lenzo qui prend la tête du cortège. Je n'oublie cependant pas que je ne suis là pour tomber en admiration devant de futiles brindilles mais pour accomplir ma vengeance.
De retour au village, les hommes séparent leurs chemins pour rentrer chez eux se reposer. Quant à Lenzo et moi, nous sommes demandés par la Ma'Ima. Nous rejoignons son habitation où elle nous accueille sans que nous ayons à prévenir de notre arrivée. Cette vieille bique, même si je la haie, est pleine de surprise. De mauvaises surprises en général, mais de surprises tout de même. Je me demande ce qu'elle peut avoir à annoncer.
« Ma'Ima ! » s'exclame Lenzo avant d'enlacer la vieille fripée.
La vieille dame lui rend son étreinte puis son attention se porte sur moi.
« Théa, quel bonheur de te voir ici », me sourit-elle.
Mais bien sûr... Mon dieu laissez-moi vomir.
« Pourquoi sommes-nous ici ? » demandé-je directement.
(...)
« Ma'Ima ! Vous m'avez fait appelé ? Vous avez l'air en forme ! m'exclamé-je en tentant de paraître convaincante.
– Comment se passe l'entraînement des hommes ? demande-t-elle.
– Bien, ce ne sont pas des machines de guerre mais cela ne saurait tarder, réponds-je.
– Je suis heureuse de voir que tu respectes ta part du contrat, petit chat », affirme-t-elle.
Mes poils se hérissent dès que j'entends ce surnom débile.
« Je sais que je n'aurai jamais les bons mots pour te le faire comprendre, reprend-elle. Mais tu n'es pas obligé de jouer un rôle devant moi. Je sais qui tu es, ce que tu as fait et je l'accepte. Je n'attends pas de toi que tu sois autre chose que ce que tu es, explique-t-elle bienveillante. »
Ces mots résonnent étrangement en moi. Les gens ne se lient à moi que part intérêt, ou par peur. La Ma'Ima n'a pas peur de moi, elle fait donc partie de l'autre catégorie. Ces paroles ne sont qu'un tissu de mensonge... Cette vieille femme accepte tellement ce que j'ai fait, qu'elle me garde dans ce village sous contrainte. Ce n'est pas si différent que d'être prisonnier.
(...)
La Ma'Ima, comme Lenzo, semble avoir du mal à croire à ma petite comédie. J'ai bien essayé de me montrer mielleuse avec elle mais mes efforts n'ont pas toujours menés à de brillants résultats. Comme avec Lenzo, j'évite donc d'en faire trop pour être crédible.
« Je vous ai fait venir ici pour vous annoncer une grande nouvelle, commence-t-elle. Les villes et villages du continent Sud ont commencé à bouger vers la Capitale. Nous recevrons bientôt la visite des soldats de la ville de Taldora et de leur Ma. C'est cette ville qui est chargée pour notre région de réunir les forces des villes et villages voisins. Nous sommes les derniers de leur liste avant la dernière étape, Brakiav. »
L'annonce de la Ma'Ima n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Les choses bougent, ce qui veut dire que la guerre approche.
« Combien de temps avons-nous ? me devance Lenzo.
– Deux mois, trois tout au plus avant leur visite, déclare la Ma'Ima.
– Nous serons prêts », affirmé-je pour clore la conversation.
Lenzo et moi quittons la maison de la Ma'Ima ensembles. Je jubile. Un sourire, sincère, pour une fois doit être collé sur mon visage. L'heure de la fin du règne d'Havrish approche. Cette journée n'aurait pas pu mieux se terminer. Alors que je savoure cette nouvelle, mon regard se pose sur Lenzo.
Ce dernier parait soucieux, ses yeux bleu ciel d'habitude semblent d'un gris orageux à cet instant.
« Tu es inquiet, deviné-je. Tu as raison de l'être. »
Les paroles réconfortantes cela me connait...
« Combien d'hommes vont périr dans cette stupide guerre? demande Lenzo pensif.
– Beaucoup, cela va sans dire. »
Là encore, ce n'était peut être pas la meilleure chose à dire dans une telle situation...
« Cela ne te fais donc ni chaud ni froid ?! s'exclame le loup.
– Effectivement, si c'est le prix à payer pour obtenir la mort d'Havrish », avoué-je.
Lenzo me dévisage.
« J'ose à peine imaginer tout ce que tu as fait pour lui... » dit-il tout bas le regard orageux.
Ces mots restent en suspend. Mes yeux sont rivés sur le sol à présent. Je suis mal à l'aise. La distance entre Lenzo et moi est comparable aux abysses. Je me sens honteuse sans réellement savoir pourquoi. Je veux que le passé reste dans le passé. Pourtant, je ne peux m'empêcher de me demander qui sont ses femmes et ses enfants pour lui ? Des proches ? Des amis ? Une petite-amie ? Mon cœur se serre.
« Je ne peux pas revenir sur mon passé, cela ne ramènera pas les morts, et cela ne me rendra pas non plus les dix années passées à son service, affirmé-je, mais je peux te jurer que je mettrai un terme à cette guerre en tuant Havrish, déclaré-je avec conviction. Tuer.. C'est tout ce que je sais faire. »
Ma voie s'éteint et mes yeux se ferment alors que je prononce cet aveux. Je dois me rendre à la réalité. A un moment de ma vie, je suis passée de tuer pour survivre à survivre pour tuer. Voilà comment Théa a laissé place à Démon.
Mes mots ne semblent pas l'atteindre. C'est la première fois que Lenzo se montre froid avec moi. Je ne comprends pas pourquoi mais je suis touchée au plus profond de moi-même... Surement parce qu'il est un demi-dieu comme moi et que j'imaginais qu'il comprendrait.
« Nous vaincrons Havrish ensemble, finit-il par dire reprenant composition. »
– Le Démon n'a besoin de personne pour finir le travail », précisé-je.
Lenzo ignore ma remarque et me pince la joue comme à une enfant.
« Quelle rabat-joie », se moque-t-il.
Mes yeux s'écarquillent et ma bouche se décroche à ce geste, ce qui semble faire beaucoup rire Lenzo. Tout ses changements d'attitudes... Je ne le comprends pas du tout.
« Bonne nuit Théa, me dit-il lorsque nous arrivons finalement chez Barry.
– Bonne nuit, le cabot. »
Lenzo tourne les talons et je rentre dans la maison.
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Démon
Мистика"Démon, voilà mon nom. Mon identité, ma nature. J'ai été élevée pour tuer, conditionnée pour le meurtre et la guerre. Survivre, tuer avant d'être tuée, telle est ma devise. Partout où je passe les yeux se baissent, les poils se hérissent, les jambes...