À mon réveil, le bateau vogue au large de l'océan. Réveil d'ailleurs difficile car je suis prise de nausées terribles. La mer est très agitée et le bateau tangue comme une vieille coquille de noix. Ma tête semble être sur le point d'exploser. Je tente de me rapprocher du bord pour vomir mais mauvaise idée, une vague plus grosse que les autres vient s'écraser contre le navire et je manque de justesse de passer par-dessus bord. Barry me rattrape in extremis par le col de mon T-shirt presqu'en lambeau après un tel périple.
« Alors jeune fille, on tente de prendre la poudre d'escampette ? » se moque-t-il.
Pour toute réponse je lui vomis dessus. Barry a l'air quelque peu dégoûté mais comme à son habitude il s'empresse de jouer la figure paternelle avec moi. Figure qui me répugne encore plus, car cela me rappelle Havrish.
« Tout va bien ma jolie ? C'est un sacré mal de mer que tu as là. Courage demain nous atteindrons un couloir où le courant est beaucoup plus calme. »
Je ne l'écoute pas et lui tourne le dos. Non pas parce que le seul fait de parler à un homme me dégoute mais surtout parce que je me sens tellement mal que je ne souhaite qu'une seule chose : dormir pour que le voyage passe plus vite. Je me rallonge à côté de Dull mais mon mal de mer est trop fort. Je vomis tout le reste de la nuit.
Au petit matin, la houle semble se calmer. Je finis par m'endormir. Dull me soulève et me cale contre lui pour que je sois plus à l'aise. Je me réveille pile à l'heure pour manger. Je manque de m'évanouir en essayant de me relever tellement je suis faible. Barry m'apporte alors une assiette pour que je mange. Je n'avale pas grand-chose. Même si les nausées se sont calmées, mon ventre me fait toujours souffrir et ma tête aussi. Une fois que j'ai fini, je retourne m'allonger toujours à l'abri des regards à côté de Dull.
Lorsque Barry me réveille, la lune est déjà à nouveau haute dans le ciel.
« Démon, tu dois boire si tu ne veux pas te déshydrater. Tu as vomi toute la nuit dernière et quasiment rien bu aujourd'hui. »
Il me tend une gourde remplie d'eau. Il a raison, je dois boire. J'ai la bouche pâteuse et desséchée. J'accepte alors la gourde qu'il me tend et bois. Je la vide d'un seul trait et lui redonne. Il semble satisfait puisqu'il reprend la gourde et me laisse me rendormir.
(...)
Au bout de quatre jours à ne faire que dormir, manger, dormir, je sens que le félin en moi reprend du poil de la bête. Mes pouvoirs sont toujours certes d'un niveau ridicule, tellement ridicule que je ne suis même pas sûre de réussir à pouvoir me transformer, mais j'ai au moins retrouvé quasiment toute ma force physique. La traversée est finalement plus calme que ce que je pensais. Mon mal de mer s'est atténué au fil des jours et aucun des hommes n'est venu m'importuner. Ils me laissent tranquille dans mon coin avec Dull et c'est mieux comme ça. Dull, quant à lui, semble inconfortable. De par sa grande taille et surtout son poids, les hommes lui ont interdit de trop bouger. Je pense que ses jambes le font souffrir à cause du manque d'exercice. De toute façon je ne peux rien pour lui à part lui souhaiter que l'on arrive vite, et cela je le souhaite aussi pour moi de toute manière.
« Quand arriverons-nous ? demandé-je à Barry.
– Nous sommes encore à cinq jours du continent Sud. »
Cinq jours... Cinq longs, très longs jours. Le félin ne rêve que d'une chose, courir et sauter dans les hautes herbes comme un enfant. Ce pauvre Dull aussi devra attendre encore un peu avant de se dégourdir les jambes.
(...)
Finalement, au bout du cinquième jour de navigation, la terre ferme pointe finalement le bout de son nez. Dull a l'air particulièrement soulagé lui aussi en la voyant. C'est la fin de son calvaire, mais c'est encore loin d'être la fin du mien. L'avantage avec ce petit voyage en mer, c'est que j'ai pu retrouver mes forces. Mes pouvoirs ne sont toujours pas au maximum, mais si le besoin se fait sentir je peux de nouveau sans problème cramer quelques fesses.
La traversée m'a laissé pas mal de temps pour réfléchir. Je ne connais rien du continent Sud, je compte donc rester avec ces hommes jusqu'à ce qu'on arrive à la première ville. Là, je me chargerai de dérober une carte et je prendrai la poudre d'escampette. Je reprendrai ma liberté, de gré ou de force. Je me trouverai une forêt tranquille où élaborer un plan suffisamment cruel pour mettre fin au règne de Havrish et par la même occasion à sa vie. Dans ma tête, j'ai imaginé plusieurs fois quel type de mort lente je pourrai lui infliger. Le laisser doucement se vider de son sang, ou encore lui planter un couteau directement entre les deux yeux, voir même le laisser brûler vif devant mes yeux.
Au bout de deux heures, nous finissons par débarquer dans un petit port qui semble désert. Dull en se relevant s'entremêle lamentablement les pieds et tombe raide sur le sable en passant par-dessus bord. Cela arrache un rire général à tous les hommes. Je leurs lance un regard noir rempli de haine ce qui les calme tout de suite. Je me rue vers Dull pour voir s'il va bien. Celui-ci relève simplement la tête du sable avec un air hagard, heureux de retrouver la terre ferme. Pour sa seconde tentative pour se mettre debout, je prends le soin de l'aider à se relever. Avec ma force surhumaine qui m'est revenue cela n'est pas bien difficile. Ses premiers pas sont hésitants, il semble avoir des fourmis dans les jambes, puis rapidement il semble plus confiant.
« Dull, viens porter ça ! » lui enjoint l'un des hommes.
Ces hommes me répugnent tellement à se servir de lui comme leur esclave. Il est peut-être niais mais il reste un être humain. Je me demande pourquoi cela me choque encore. Après tout, les Hommes à partir du moment où ils décèlent la moindre faiblesse, l'exploitent. J'en ai fait les frais. Je réussis à contrôler mon agacement en pensant à ma mission ultime. Si ces hommes sont pourris de l'intérieur, le pire d'entre eux reste Havrish. Je ne dois pas l'oublier.
Je regarde Dull s'éloigner comme un vulgaire pantin quand Barry m'interpelle.
« Démon, nous reprenons la route ! »

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Démon
Paranormal"Démon, voilà mon nom. Mon identité, ma nature. J'ai été élevée pour tuer, conditionnée pour le meurtre et la guerre. Survivre, tuer avant d'être tuée, telle est ma devise. Partout où je passe les yeux se baissent, les poils se hérissent, les jambes...