I - partie 2

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Je tends les mains en avant afin de concentrer tout mon pouvoir en elles. Je dois dominer le feu. Le feu est mon arme, mon allié. Il doit m'obéir. Je dois lui montrer le chemin de retour. Il doit se plier à ma volonté. Je sens peu à peu la piqure brulante des flammes au bout de mes doigts mais au lieu de me meurtrir, elle me remplie de pouvoir. Mon corps draine doucement les flammes autour de moi. C'est insuffisant. A ce rythme, le village entier sera décimé avant que l'incendie ne soit éteint.

Je décide de m'en remettre alors totalement au félin et entre dans un état second. Prisonnière de mon propre corps, le félin prend le contrôle. Il laisse déferler une vague de pouvoir illimitée dans mon corps. Une pellicule incandescente m'entoure à présent. Le feu m'invite, il me met au défi de le dompter. Je pénètre sans réfléchir à l'intérieur des flammes pour me placer au centre du village. Le feu est sous MES ordres. Il ne doit obéir qu'à MA volonté. Une fureur inconnue s'empare alors de moi. Je me concentre à nouveau et déploie finalement tout mon pouvoir vers le village. Une explosion de pouvoir souffle toutes les flammes sur son passage. Pas une seule flamme ne résiste. Je sens mes forces me quitter. Ma queue, mes oreilles et mes dents se rétractent automatiquement m'arrachant un hurlement.

L'ensemble du village a été plongé dans l'inconscience suite à la vague de pouvoir. Je quitte alors ma cachette pour rejoindre le centre du village. J'établie un rapide bilan de la situation en passant de maisons en maisons. Les habitations du cœur du village sont intactes, mais celles en périphéries sont en piteux état. Les fumées toxiques sont épaisses. Je dois tous les évacuer. Je ne perds pas de temps. Je procède au rapatriement des corps là où l'air est un peu plus sain. Je puise dans mes dernières réserves pour être la plus rapide possible.

Ce que je redoutais arrive finalement. Je découvre un corps sans vie. Une femme est décédée en raison de l'effondrement de sa maison de fortune. Elle est coincée sous une poutre. Alors que j'allai passer mon chemin pour rapatrier les survivants suivants, je remarque sous le corps de la défunte une main d'enfant. Je dégage le rondin et remarque que la femme protège, à l'aide de son corps, une petite fille. L'enfant, aux cheveux d'or, respire difficilement sous le poids de sa mère mais est vivante. Je mets à l'abri l'enfant et passe à la suite.

Le rapatriement des corps achevé, je disperse les brindilles et feuilles précédemment installées autour du village. Je dois brouiller les traces de l'incendie volontaire pour écarter toute piste menant à Havrish. Je réalise également que je dois retourner à l'Azurée prévenir le roi. On s'est joué de son service des renseignements, mais plus terrible encore... On s'est joué de moi. Cela ne peut être qu'un mauvais présage. Je dois l'avertir au plus vite et le mettre à l'abris. En forme humaine, rejoindre l'Azurée me prendra du temps. La nouvelle de l'incendie en revanche se colportera vite. Trop vite. Le meilleur élément du roi étant écarté momentanément, l'occasion est trop belle pour l'ennemi.

Le chemin vers la ville est long et pénible. Pendant deux longs jours de marche, mon corps n'avance que par pur automatisme. Il est totalement vidé de toute force. Lever ne serait-ce qu'un orteil me paraît aussi difficile que soulever une montagne. Pour ne rien arranger, je suis trop faible pour chasser ou utiliser ne serait-ce qu'une once de pouvoir, un petit jeûne s'impose de lui-même. Mon seul breuvage sont les gouttes de rosée posées sur les feuilles des arbres.

Malgré ma condition physique précaire, mon cerveau bouillonne. Qui a pu manigancer cela ? Je repasse tous les potentiels traîtres qui entourent le roi, toutes les personnes qui m'en veulent personnellement, pour aboutir à une liste tout simplement interminable. Plus important : arriverai-je à temps ? Les heures et les kilomètres en forêt ne m'ont jamais paru défiler aussi lentement. Satané corps humain !

Une fois l'Azurée en vue, je pense d'abord être la victime d'un mirage, puis me ressaisis. Je suis affaiblie par le manque de nourriture, d'eau et de pouvoir, ma bouche est pâteuse, mes pieds souffrent d'immondes cloques qui se sont infectées et tout le reste de mon corps est strié par des coupures. Je traîne lentement mon corps vers le château de l'Azurée. Cependant, j'ai à peine le temps de faire quelques pas à découvert que les gardes royaux, vêtus de leurs armures dorées rutilantes, me tombent dessus. Ils m'empoignent sauvagement et l'un d'eux m'assène un coup-de-poing en pleine tempe, me mettant K.O. sans que je n'ai le temps de comprendre ce qu'il m'arrive.

DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant