X - partie 1

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Comme à notre habitude, nous sommes au camp d'entrainement avec les hommes et Helvie lorsque la Ma'Ima vient nous trouver.

« Une réunion d'urgence s'impose, dit-elle l'air grave.

– Tout va bien ? s'inquiète le louveteau.

– Nous en parlerons au village. Rassemblez les soldats, qu'ils soient prêts à partir. Ils sont réquisitionnés pour une mission de la plus haute importance. »

Je n'ai jamais vu la Ma'Ima aussi agitée et vu l'inquiétude sur le visage de Lenzo, j'en conclu que lui non plus. Il se passe quelque chose d'anormal et nous allons bientôt découvrir quoi. Nous regroupons les soldats et leur ordonnons d'être prêts à partir à tout instant.

Chez la Ma'Ima, nous retrouvons l'institutrice de l'école du village, Madame Lidevald. Celle-ci pleure à chaude larme et la Ma'Ima lui tend une tasse de thé bien chaude. Nous nous installons au salon attendant la mauvaise nouvelle.

« Une partie des enfants a été kidnappée par des trafiquants », annonce finalement la Ma'Ima.

Le visage de Lenzo se décompose sous l'inquiétude. Ne voyant aucune autre réaction de sa part, je décide de prendre les rennes.

« Madame Lidevald, racontez-nous ce qu'il s'est passé s'il vous plaît. »

L'institutrice tente de calmer sa crise de larmes pour nous raconter ce dont elle a été témoin.

« Nous étions au bocage, un peu plus au Sud du village, pour étudier les arbres fruitiers, commence-t-elle entre deux hoquettements. J'ai dit aux enfants de former des petits groupes et de choisir un arbre à dessiner, continue Madame Lidevald. Alors que je passais de groupe en groupe, des hommes armés nous ont attaqué... »

Elle marque une pause car elle ne réussit pas à contenir une nouvelle vague de sanglots.

« J'ai réussi à mettre à l'abri les enfants qui étaient les plus proches de moi en les cachant derrière les arbres, se reprend-elle. Mais ils ont réussi à enlever les enfants qui étaient les plus éloignés, explique-t-elle laissant poindre une nouvelle crise de pleurs. Je m'en veux tellement si vous saviez... s'écroule-t-elle les yeux baignés de larmes.

– Vous avez fait de votre mieux, ma chère. Vous avez réussi à sauver la majorité des enfants, vous ne pouviez pas prévoir une telle attaque alors ne soyez pas trop dur avec vous-même », la réconforte la Ma'Ima.

Lenzo est toujours paralysé à mes côtés. Ses mains tremblent et son regard est bloqué sur Madame Lidevald. J'aperçois même une goute de sueur couler sur son front.

« Combien d'enfants manque-t-il ? demandé-je.

– Cinq, répond l'institutrice entre deux soubresauts.

– Combien d'hommes armés et quel type d'arme ? » continué-je à l'interroger.

Elle marque une pause le temps de réfléchir. Le silence n'est rompu que par ses reniflements.

« Ils devaient être quatre ou cinq... Je n'ai pas pu bien voir leurs armes mais ils s'en sont servis pour mettre les enfants... en joue, parvient-elle difficilement à dire.

Je me saisis de la main de Lenzo et plante mon regard dans le sien pour avoir toute son attention. Ce dernier semble finalement sortir de sa torpeur.

« Lenzo, j'ai besoin que tu vois avec Madame Lidevald quels sont les élèves manquants. Tu les connais mieux que moi. Je veux que tu les retiennes.

– Oui, je m'en occupe, accepte-t-il encore secoué.

– Ma'Ima, je ne pense pas que réquisitionner tous nos hommes sera utile. Nous avons besoin d'être discrets pour cette mission. Nous tenterons dans un premier temps de les localiser puis dans un second temps prendrons toutes les dispositions nécessaires afin de les rapatrier en sécurité, expliqué-je de la manière la plus concise possible.

– Vous avez toute ma confiance, se contente de déclarer la Ma'Ima. Faite ce que vous avez à faire. »

Je me tourne alors vers Lenzo pour voir s'il a bien les noms des enfants en tête. Ce dernier m'adresse un hochement de tête en guise de réponse.

« Théa, parmi les enfants... tente-t-il de dire.

– Je ne veux pas savoir qui est concerné. Cela ne change en rien la mission, le stoppé-je. Cette mission nécessitant discrétion et subtilité, je propose que nous n'emmenions avec nous qu'une dizaine de soldats. Viendrons avec nous, les chefs de division sauf Mévy qui restera pour superviser le camp d'entrainement. Je te laisse choisir les soldats restant. »

Une fois de plus, Lenzo hoche la tête pour marquer sa compréhension. Nous rejoignons alors nos hommes qui patientent à l'extérieur. Une fois l'équipe définitive choisie, nous leur expliquons la situation. Aucun des soldats retenu n'a d'enfant parmi ceux qui ont été kidnappés. Nous avons jugé qu'il était préférable d'agir ainsi pour qu'ils ne soient pas aveuglés par leurs sentiments. Nous sellons finalement nos chevaux et partons pour le bocage.

« A combien de temps sommes-nous du bocage ? demandé-je.

– Vu notre allure, nous devrions y être d'ici une petite demie heure, m'informe Edmé.

– Bien, nous laisserons nos chevaux un peu avant. Nous ne savons pas où sont partis ces hommes et nous ne souhaitons pas les avertir de notre arrivée, commencé-je. Sur place, nous ferons trois groupes. Un groupe avec Lenzo, un groupe avec Ludvo et un groupe avec moi-même. Le but de l'opération, retrouver la trace des kidnappeurs. Le groupe qui les trouve en premier surtout : N'agit. Pas. Seul, insisté-je. Il vous suffira de faire le signal que nous avons mis en point durant notre entraînement. En attendant l'arrivée des autres groupes, il faut ré-évaluer le nombre d'adversaires et confirmé que tous les enfants sont bien présents. Si vous le pouvez, étudiez aussi la topographie du lieu où ils sont. Ces informations me seront utiles pour élaborer notre tactique d'attaque. C'est compris ? »

Après avoir eu confirmation de leur compréhension, je me rends à la fin du cortège. Je suis rejointe rapidement par Lenzo.

« Je n'ai pas été d'une grande aide tout à l'heure... dit-il se sentant coupable.

– Tu auras tout le temps pour t'apitoyer sur ton sort après la mission si celle-ci est un échec. En attendant, cesse de te préoccuper de choses inutiles », fais-je sévère.

Si le louveteau espérait trouver des paroles réconfortantes, il était à côté de ses bottes. C'est uniquement confronté à des situations réelles qu'il s'endurcira. Si je le materne, il ne deviendra jamais un meneur digne de ce nom.

« Nous approchons du bocage, informe Edmé.

– Je connais un endroit où nous pouvons laisser les chevaux à l'abri des regards, précise le louveteau. Suivez-moi. »

Nous laissons les chevaux à l'endroit indiqué par Lenzo. Il s'agit d'un trou laissé par le passage d'un ancien cours d'eau. La pente y est douce et les arbres qui ont repris leurs droits permettent d'y attacher nos montures.

Je laisse Lenzo composer les sous groupes et nous nous divisons ainsi en trois groupes de quatre. Après un rapide rappel sur notre signal secret, nous convenons de la chose suivantes. Le premier groupe, constitué de Lenzo, Edmé et deux autres soldats, partira vers le sud-est. Le second groupe, composé de Ludvo, Helvie et deux autres soldats, partira vers le sud et enfin le troisième groupe composé de Cirzo, deux autres soldats et moi-même partira, vers le sud-ouest.

Le dernier détail étant réglé, notre groupe part vers le sud-ouest. Nous marchons environs cinq cent mètres pour longer le bocage. Je leur demande de se stopper et de faire le silence le plus complet. Je me concentre sur mon ouïe et mon odorat en faisant appel aux pouvoirs du Tigre. Je capte légèrement au loin, parmi les milliers d'odeurs du bosquet, une odeur familière. Une soudaine boule d'angoisse me prend aux tripes. Cette odeur, je ne la connais que trop bien et je la reconnaitrais entre mille, il s'agit de celle de Lubbia.

La trace est faible car les odeurs disparaissent avec le temps mais contrairement à l'odeur de Madame Lidevald qui va vers le Nord en direction d'Ima, celle de Lubbia va vers le sud-est. Mon corps entier se crispe sous une sueur froide. J'ai un mauvais pressentiment et mon instinct ne me trompe que rarement. 

DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant