VII - partie 1

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Je suis Lenzo jusqu'à un petit restaurant qui ne paie pas de mine. Je jette un regard suspicieux au louveteau.

« Tu veux m'empoisonner ? »

Ma remarque semble le faire rire. Ce n'est pas vraiment la réaction que j'attendais.

« Edouard est le meilleur cuisinier du village. Ne te fie pas à la modeste devanture », m'informe-t-il.

N'ayant pas confiance en ce cabot, c'est avec une grande appréhension que je rentre dans le taudis. A ma surprise, l'intérieur est soigné. Les fenêtres laissent entrer une douce lumière réchauffant la pièce. Les tables en bois sont recouvertes d'une nappe à carreaux rouge et blanc. Sur chacune des tables, prône un vase rempli de fleurs fraîches. Cependant, le plus délicieux, c'est ce petit fumet qui arrive jusqu'à nos narines. Une marinade. Le félin salive déjà. Bien sûr, je ne laisse rien paraître de mon optimisme.

« Salut Ed' ! lance-t-il au propriétaire du restaurant.

– Lenzo ! Quel plaisir de te voir ! Et accompagné en plus », ajoute-t-il en accordant un coup de coude complice au sac à puces.

Mes yeux s'arrondissent comme des soucoupes et ma salive passe par le mauvais chemin, déclenchant une violente quinte de toux.

« Je te présente Th...

– DE... MON... ! m'exclamé-je entre deux quintes de toux. »

Le cabot a un sourire indécollable au visage. La situation semble beaucoup l'amuser. Ce n'est pas mon cas. Garde ton calme Démon, garde ton calme...

« Elle va nous aider à former notre armée, c'est une combattante hors pair, précise-t-il à Edouard.

– Alors c'est elle ! Celle qui a sauvé le village sur le continent Est, il m'adresse un sourire chaleureux. Sois la bienvenue. »

Je décroche un sourire en réponse à sa phrase. Un faux sourire. Ces quelques mots suffisent à créer l'effet d'une bombe dans mon for intérieur. Si ces hommes apprennent que je suis celle qui a aussi mis le feu à ce même village, je risque gros. Or, il est beaucoup trop tôt pour cela. J'ai une mission à achever.

« Installez-vous confortablement, au menu aujourd'hui sanglier mariné dans ses petits légumes et épices » nous informe Edouard.

Nous nous installons au bord d'une fenêtre dans une table de deux. Maintenant que je me trouve assise face à face à Lenzo, je me sens comment dire... Étrangement gênée. Après une réflexion rapide, je parviens à la conclusion que sa présence m'indispose grandement. C'est ça, il m'indispose.

« Je vous sers une pinte de bière ? demande Edouard.

– Avec plaisir Ed' », répond le louveteau plein d'entrain.

Depuis quand prend-il des décisions pour tous les deux ? Je n'ai jamais demandé de bière ! L'alcool rend les hommes encore plus à vomir que lorsqu'ils sont normaux. Cette cochonnerie n'est pas pour moi.

Le cuisinier apporte deux pintes de bière, encore mousseuses sur le dessus. Nous le remercions d'un signe de tête. Le sac à puces boit une grande gorgée de bière et lâche ensuite un long soupire de contentement.

« Tu ne bois pas ? » interroge le louveteau.

J'adresse un regard noir à Lenzo qui semble imperturbable et finie ma bière d'une traite. Je regrette quasi instantanément mon geste puéril. La bière a un goût amer et boire autant de liquide aussi rapidement me provoque la nausée. Je n'en laisse pourtant rien paraître et observe le loup, victorieuse.

Ce dernier me regarde en riant. Mes yeux se plongent alors dans ses pupilles bleues comme l'azur. Le temps semble s'arrêter quelques instants. Le sang me monte à la tête, je sens mes joues rosirent et mon cœur battre un peu plus fort. Je me surprends même à contempler sa dentition d'une blancheur parfaite.

DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant