VIII - partie 3

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Je m'éloigne à mon tour du point de rassemblement. Je trouve un majestueux eucalyptus sur lequel me hisser. Je trouve une branche alliant exposition au soleil et ombre et m'y prélasse. Je sens le félin plus détendu. Ici, la forêt y est clairement moins dense. Je ressens son excitation, il meurt d'envie de sortir et dans le même temps, il profite des rayons du soleil qui picotent mon corps.

Un bruissement de feuille attire mon attention et je me redresse pour accueillir mon visiteur.

« Niveau discrétion le cabot, ce n'est pas encore ça !

– Niveau amabilité, ce n'est pas encore ça... » se moque Lenzo.

Mes poils se hérissent de colère, mais je me contente de lâcher un long soupire désespérée. Je m'allonge à nouveau sur ma branche et l'ignore.

« Concernant l'épreuve de ce matin, qu'as-tu pensé des hommes ? m'interroge le loup.

– Pas extraordinaire mais pas catastrophique non plus... réponds-je vaguement.

– Que prévois-tu pour la suite ?

– Tu le sauras bien assez tôt. »

Lenzo ne m'interroge pas plus. Il se contente de s'installer sur une branche voisine. Nous restons silencieux pendant de longs instants.

« T'arrive-t-il de regretter ton geste ? me demande Lenzo en brisant le silence. »

Je manque de tomber de la branche tellement je suis surprise de sa question. Je m'assois pour répondre.

« Regretter quoi ? feins-je de ne pas savoir. »

Je sais très bien à quoi il fait référence... Je suis simplement surprise qu'il me parle de ça. Nous ne parlons pas de choses personnelles. L'entraînement, les hommes, les moqueries sont nos principaux centres de discussions.

Lenzo quitte sa branche et vient s'asseoir en face de moi. Ses yeux bleus me transpercent, comme s'ils cherchaient à lire en moi. D'ailleurs, c'est probablement le cas... Lenzo veut sûrement déceler des traces de sincérité chez moi. Je ne ressens pas sa question comme un teste... Plutôt, comme s'il tentait de confirmer qu'une part d'empathie existe encore.

« Tu sais très bien de quoi je veux parler. Ce village « rebelle », regrettes-tu de l'avoir brûlé ? Pourquoi avoir cherché à éteindre le feu sinon ? continue-t-il. »

Sa question me déstabilise. J'ai envie de lui crier de me laisser tranquille comme le ferait un enfant capricieux. Le regret... La peine... Je ne veux pas y penser. Seule la vengeance compte. Seule la mort d'Havrish a de l'importance.

« Le regret... », me contenté-je de répondre distraitement, les yeux fixés sur un point invisible.

Une vie miséreuse, pleine de mauvais choix, de mauvaises rencontres et au mauvais moment. Si je n'étais qu'une simple et faible humaine, je pense qu'il y a bien longtemps que cette vie serait terminée... Mais il a fallu qu'un dieu s'en mêle, me poussant à me raccrocher à la vie. Quoi qu'en y réfléchissant mieux, si ce dieu ne s'en était pas mêlé, j'aurai sûrement vécue une vie normale. J'aurai eu une enfance heureuse avec des parents aimants, appris un métier, me serai trouvée un mari et aurai eu beaucoup d'enfants. Une image se dessine dans mon esprit et me donne la nausée. Très peu pour moi.

« Tout reste à faire, la vie ne peut jamais être résumée tant qu'elle n'est pas terminée, affirme Lenzo avec vigueur en captant mon regard. »

Je détourne rapidement la tête en sentant mes joues rosir.

« Puisqu'on en est aux confidences, où sont tes parents ? » demandé-je de but en blanc.

Lenzo détourne la tête à son tour pour observer l'horizon.

DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant