V - partie 1

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Je prends cela pour une invitation à prendre la fuite. Je saute sur le toit de la maison de Barry et commence à courir en sautant de toits en toits. Mes pieds parfois glissent sur la mousse qui s'est accumulée sur les bâtisses en bois mais mes réflexes félins sont de retour. Je rétablis l'équilibre avec une facilité déconcertante. Je sens que Lenzo est sur mes talons. Dans la forêt il avait l'avantage de mieux connaître le terrain que moi, mais au sein du village, nous sommes à égalité, le terrain ne présente aucun obstacle particulier et j'ai pris soin de mémoriser chaque recoin lors de notre promenade de l'autre jour.

Il tente de m'enfermer par la droite là où les maisonnettes sont plus espacées m'empêchant de continuer ma course sur les toits. S'il croit que cela sera suffisant à m'arrêter, il va falloir faire beaucoup mieux. Je m'élance du dernier toit pour atterrir aussi légère qu'une plume sur le sol. J'analyse rapidement les possibilités qui s'offrent à moi. Comment faire pour lui échapper ? En face de moi se trouvent des champs qui s'étendent jusqu'à la barrière formée par la forêt. Tourner à droite me mènerait de nouveau au centre du village et aller sur la gauche me mènerait vers la sortie du village.

Sortir du village n'est pas envisageable. Lenzo me rattraperait trop facilement. M'engouffrer dans les ruelles étroites et boueuses du centre du village ne m'aiderait pas beaucoup non plus car il doit connaître ces rues comme sa poche. Un plan s'échafaude rapidement dans ma tête. Filer droit dans les champs en laissant dans mon sillage des flammes. Je suis sure qu'il les éteindra pour que ne pas prendre le risque de ravager les cultures des paysans. Cela créera de la vapeur, avec un peu de chance suffisamment épaisse pour que j'atteigne la forêt bien avant lui et qu'il perde ma trace.

Je mets alors mon plan à exécution. Je me change en félin totalement pour prendre à maximum de vitesse. La transformation est quasi instantanée, la douleur aussi foudroyante qu'un éclair disparaît tout aussi vite. Je m'élance dans les champs en prenant le soin de laisser un sillon incendiaire. Je prends aussi le soin de soulever à maximum de terre avec mes pattes pour que mon corps en soit recouvert. Si son odorat est aussi affûté que le mien me retrouver en forêt sera de la rigolade pour lui. Je dois couvrir mon odeur corporelle.

En jetant un regard en arrière, je vois que mon plan fonctionne. Il s'est transformé lui aussi, je distingue une forme vaguement canine. Avec la fumée créée par l'extinction de mes départs de flammes je ne réussis pas à discerner réellement à quoi il ressemble. Aillant d'autres soucis, je continue ma course folle quand je repère une flaque de boue au milieu du champ. Parfait. Je fonce droit dedans. Ma fourrure or s'en retrouve totalement recouverte.

Je commence à ralentir en approchant de la forêt, je ne tiens pas à m'écraser comme une crêpe contre l'un de ces arbres. Pour ne pas perdre mon avance je forcis la taille des flammes que je laisse sur mon passage. Une fois arrivée à l'entrée des bois je m'engouffre de nouveau dans les épais branchages. Encore une fois, la nature de ces bois fait entrer le félin dans une colère noire. Quel genre d'animal peut y vivre ? Se déplacer est un véritable enfer pour celui qui aime se sentir libre. Pour ne pas perdre de temps à m'enfoncer inutilement dans la forêt je récupère ma forme mie-humaine mie-féline pour pouvoir grimper aux arbres. Je me retrouve en guenilles et couverte de bout en pleine forêt. De plus, la tâche n'est pas aisée. Je grimpe difficilement. Une fois à une hauteur convenable, c'est-à-dire une hauteur suffisante pour que grâce aux épais branchages on ne puisse pas me repérer, je me décide à attendre. Je guette le moindre bruit de pas.

Mes narines le flairent avant que mes oreilles ne puissent l'entendre. Ses déplacements sont aussi fluides que les miens. Je suis euphorique. J'ai envie de briser le silence de la forêt par mes rires. Depuis combien de temps je ne m'étais pas amusée comme ça ? Même en me concentrant, je ne réussis pas à me rappeler. J'avais oublié ce que cela faisait. J'étais le démon de Havrish, ma mission n'incluait que de se réjouir de la mort et de la victoire du royaume. Aucun adversaire n'avait jusque-là répondu à mes attentes. Les humains étaient si fragiles, si lents, si maladroits. Lenzo m'offre un challenge à la hauteur de mes pouvoirs, me sortant de mon perpétuel ennui. C'est un gâchis que je sois amenée à le tuer pour pouvoir conduire ma nouvelle mission à la réussite.

DémonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant