Je suis réveillée par l'agitation des rebelles autour de moi. Ils sont en train de ranger le camp. Je me dirige vers le géant qui est assis au pied d'un pin. Je pique dans le sac devant lui une pomme et des baies que je m'empresse de manger.
« Dull, viens ».
Le géant se lève et marche d'un air paumé vers la personne qui semble l'avoir appelé. Alors ce géant s'appelle Dull ? Non pas que ça m'intéresse mais au moins maintenant je sais le nom de l'empoté qui me considère comme son sac à patate attitré.
« Démon, nous partons », m'informe Barry.
Je lui fais un signe de tête en guise d'approbation et attends Dull. Quand j'aperçois ce dernier, il est déjà bien chargé. Il porte quatre tonneaux, deux sur chaque épaule. Et moi dans tout ça ? Je suis sensée me mettre où ? Barry a du lire dans mes pensées puisqu'il me lance :
« Aujourd'hui tu vas devoir marcher. Tu t'es assez reposée pour ça non ? »
Je comprends au ton de sa voix qu'il ne s'agit pas réellement d'une question mais plutôt d'une affirmation. Mon plan dodo-manger-dodo tombe à l'eau. Barry s'avance vers moi et me tend son bras pour m'aider à marcher. Je passe devant lui et l'ignore royalement. Le félin semble remuer de fierté, vermine.
Nous marchons pendant trois heures sous une chaleur qui se fait de plus en plus pesante. La terre dure laisse peu à peu place à un sol sablonneux où chaque pas devient de plus en plus difficile à effectuer. A la hauteur du soleil, il n'est que dix heures pourtant je suis déjà exténuée. Ma forme humaine ne se prête pas aussi bien à l'exercice physique que lorsque je suis transformée. Mon seul réconfort est l'ombre procurée par les pins parasols qui protègent pour le moment ma peau des coups de soleil.
« Tu tiens le coup ? », s'inquiète Barry.
Encore une fois, je l'ignore. Je fixe mon regard au milieu du dos du géant qui est à une dizaine de mètres de moi. C'est mon objectif. Tenir, tenir jusqu'à rattraper ce dos hors norme. Pendant encore trois longues heures, nous marchons. Mes pieds traînent à présent au sol, j'arrive à peine à les soulever. Le soleil du midi brûle ma peau et ma gorge est sèche comme le désert. Mon pied butte soudainement sur un tas de sable et je m'étale de tout mon long.
« Démon ! crie Barry en me rejoignant. Tout va bien ?! »
Il me relève la tête du sable avant de glisser son bras sous moi. Avec l'aide d'un autre rebelle, il me hisse sur son dos.
« Qu'est-ce que tu peux être têtue ! »
Le félin en moi s'agite de mécontentement. Je suis censée économiser mes forces mais au final je suis revenue au point de départ. Il me faut du temps. Beaucoup de temps. Je n'ai jamais été un tel état de toute ma vie. Combien de temps ai-je besoin exactement ? Trois jours que je me repose et je ne suis même pas capable de marcher quelques heures ? En temps normal, il m'aurait fallu une journée pour retrouver l'entière possession de mon corps et de mes pouvoirs. Je suis tellement pitoyable. Le félin en moi rugit de colère. Quel félin inutile aussi ! Tu râles et tu t'agites mais toi aussi tu es faible.
Qu'est-ce qui va m'arriver ? Dans cet état, je suis totalement à leur merci. Je ne veux pas revivre le même enfer... Je dois l'admettre, je suis terrorisée. En moins d'une semaine, tellement de choses se sont produites, faisant remonter en moi ce passé que je préférerais enterrer si profondément. Je ne veux plus jamais revivre ça. Je dois me protéger, à tout prix. Mais comment ?
Barry commence à marcher toujours en me portant sur son dos. J'ai accepté pendant ces trois jours le contact du géant, sûrement parce que son côté empoté et simplet me donne un sentiment de supériorité. Il ne dégage aucune menace. Cependant, ce n'est pas le cas de Barry. Le fait d'être aussi proche de lui m'horripile et me donne des sueurs-froides. Je préfère mourir desséchée sous ce cagnard qu'être portée sur le dos de cet homme. Je dois cependant faire abstraction de mon dégoût envers les hommes le temps de me remettre sur pied. Il en dépend de ma survie. Si je les déteste au plus profond de moi, je dois au moins sauver les apparences.
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Démon
Paranormal"Démon, voilà mon nom. Mon identité, ma nature. J'ai été élevée pour tuer, conditionnée pour le meurtre et la guerre. Survivre, tuer avant d'être tuée, telle est ma devise. Partout où je passe les yeux se baissent, les poils se hérissent, les jambes...