XI - partie 3

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Mes yeux s'écarquillent, incapables de contenir leur surprise. J'appréhende la suite de son discours.

« Lubbia t'a vu éteindre le feu et en t'observant lors de l'entrainement spécial, j'ai compris que tu étais comme Lenzo. Je ne crois pas aux coïncidences... Pas de la part d'Havrish qui ne laisse rien au hasard. Ta présence n'était pas le fruit du destin. Tu étais en mission, j'en suis convaincu à présent... »

Mon expression doit être horrifiée. Barry a compris... Ma première réaction est la crainte. Compte-t-il se venger ? Mon corps se contracte automatiquement en position défensive.

« Je vais être franc avec toi Démon, je me sens trahi, brisé au plus profond de mon âme, déclare-t-il avant de marquer une pause. J'héberge sous mon toit la personne qui a ôté la vie de ma femme, dit-il avant de faire une nouvelle pause pour se donner du courage. Dans des conditions ... Monstrueuses... » La voie de Barry craque lorsqu'il prononce ces mots.

Le vieille homme baisse la tête, les poings serrés, les jointures blanchies. Je sens qu'un combat intérieur fait rage en lui. Il reprend finalement tout doucement en relevant la tête vers moi.

« Mais en t'observant, je n'ai pu tirer qu'une seule conclusion... Nous sommes tous des pions sur l'échiquier de Havrish. »

Mon cœur se brise. Cette affirmation de Barry, je l'ai apprise à mes dépends. C'est cela qui m'a mis dans cette situation cauchemardesque. Je n'ai pas la force de soutenir le regard de l'homme qui se tient en face de moi. Je me sens pitoyable...

« Je ne vais pas te mentir, c'est dur de te voir tous les jours, affirme-t-il. Je suis tourmenté car je sais que tu as commis ce massacre et surement beaucoup d'autres, et pourtant je ne peux pas me résoudre à croire que les instants que nous avons partagé n'étaient qu'une comédie » continue l'homme la voix fébrile.

Mes yeux s'humidifient. Je cache mon visage dans mes mains. La honte et le regret sont tels que je ne peux rien faire d'autre que regarder mes pieds. Mais de quoi j'ai peur au juste ? D'y lire du dégout ? D'y lire de la peur ? Pourtant c'est les seules choses que j'y ais vu ses dernières années... Alors qu'est-ce que ça pourrait bien me faire ?

« Je suis sûrement naïf et stupide... mais lorsque je te vois aujourd'hui, lorsque je vois le soutient que tu es pour Lubbia... Pour moi...»

Je ne peux m'empêcher de redouter les prochains mots qui vont sortir de la bouche de Barry. Mes yeux sont fermés avec forces, mes mains ont glissé sur mes oreilles.

« Je veux avoir confiance en la jeune femme qui se tient en face de moi », conclue-t-il.

Mes mains retombent le long de mon corps et je pose un regard hagard sur Barry. J'ai surement mal entendu, mal compris. La conclusion d'une telle découverte ne peux pas être de vouloir me faire confiance. Je ne le mérite pas.

« Certains me traiteront surement de fou, commente-t-il comme s'il lisait dans mes pensées. Mais je ne vois en face de moi qu'une jeune femme qui ne connait rien aux relations sociales », se moque-t-il gentiment de moi, malgré l'émotion.

Comme Lubbia, je me suis rapidement attaché à toi Démon... Tu le croiras ou non, mais nous tenons réellement à toi, me sourie-t-il. Cela ne s'explique pas... Tu t'es naturellement intégrée dans notre famille meurtrie, ajoute-t-il. Tu nous as aidé à recoller les morceaux, à combler le vide laissé par le départ de ma femme. »

L'homme poivre et sel marque une nouvelle pause avant de reprendre les larmes aux yeux.

« Ton départ serait un très gros coup dur pour nous... Tu fais partie de notre famille à présent, tu n'as pas le choix ! Et tu sais que Lubbia obtient toujours ce qu'elle veux ! tente-t-il de blaguer. C'est pourquoi, reprend-il en plantant son regard dans le mien, je te demande sincèrement de revenir parmi nous après cette guerre. »

Sous le choc et la gorge toujours nouée, je suis toujours incapable de prononcer le moindre mot. Je me sens tellement indigne d'une telle demande...

Barry passe une main sur mon visage pour essuyer mes larmes qui ont coulé sans que je ne m'en aperçoive.

« Je... Je m'appelle Théa, réussie-je à articuler, comme si cela expliquait tout.

– Enchanté Théa », me sourie Barry les yeux baignés de larmes lui aussi.

Je lui sourie en retour. J'éprouve alors le besoin de lui dire des mots que je n'aurai jamais imaginer prononcer un jour.

« Je... Je suis désolée », dis-je tout bas en le regardant droit dans les yeux.

Je tente de capter au maximum son regard. Je souhaite que mes yeux lui communiquent à quel point je suis sincère, que le fardeau que je porte et que je porterai toujours, je l'assume, et je le regrette du plus profond de mon âme. Barry me prend dans ses bras. Je ne le repousse pas. Sa chaleur est tellement réconfortante. Dans le creux de ses bras, je redeviens une enfant. Je me surprends même à m'agripper à sa chemise. Cependant, la gêne reprend vite le dessus.

Je décide alors de me transformer totalement devant Barry. Premièrement car je lui dois la vérité totale sur ce que je suis et deuxièmement car je serai moins gênée par ce contact physique auquel je ne suis plus habituée.

Barry sursaute lorsqu'il sent mon corps se transformer dans ses bras et qu'un tigre vient poser sa tête sur ses genoux. Sous le choc, il n'ose pas bouger d'un pouce, complètement ahuri. Je ressens son cœur battre à tout rompre. Pour le rassurer, j'émets un ronronnement typiquement félin, la tête toujours posée sur ses genoux.

Le vieille homme se détend peu à peu en s'habituant à mon contact et doucement vient caresser le haut de ma tête. Quelques mois auparavant j'aurai écorché vif, l'insolent qui se serait permis un tel geste envers moi.

« Tu es magnifique, s'extasie Barry. Mais ta tête pèse sacrément lourd ! » s'esclaffe-t-il au bout de quelques instants.

Je retire ma tête de ses genoux, lui accorde un regard plein de reconnaissance puis lui tourne le dos afin de regagner ma chambre avec une nonchalance féline.

Installée dans la chambre, mon esprit marche à cent à l'heure. Je ne peux m'empêcher de me méfier de Barry avec une telle réaction. J'ai détruit son bonheur, sa famille. J'ai tué sa femme. Malgré tout, ses paroles m'ont profondément touchées. Réussirai-je réellement à retourner à une vie entière de solitude après tous ce que j'ai vécu au sein de ce village ? Je n'en suis plus si certaine. Le futur que me laisse miroiter Barry semble si doux... Mais ai-je le droit de lui infliger cela ? Lubbia est une enfant, elle se remettra rapidement de mon départ, comme elle s'est remis du décès de sa mère. Cependant, une tout autre hypothèse me glace le sang : et si finalement ils me rejetaient comme Havrish l'a fait ? Je ne supporterai pas de revivre la même chose.

Ma raison me dit de rester seule. De ne pas me laisser influencer par leur niaiserie. De garder toutes mes émotions à l'abri dans cette boîte scellées au plus profond de moi. Pourtant me cœur me supplie de me laisser aller. La boîte est ébréchée. Je consulte intérieurement le félin qui m'offre sa chaleur réconfortante. Je comprends que quel que soit mon choix, lui sera là pour moi. Il me promets de me relever à chaque épreuve comme il l'a toujours fait.

Avant de sombrer dans le sommeil, je décide finalement de procéder par étape. Je commencerai par achever ma dernière mission, c'est-à-dire la mort d'Havrish. Une fois, celle-ci accomplie, et pour la première fois, je laisserai mon cœur décider de ce qui suivra. 

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 16 ⏰

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