Démon

VI - partie 2

Je rentre dans la maison, referme la fenêtre et m'installe dans un coin de la chambre à même le sol. Je fais un rapide bilan des trois jours que j'ai déjà passé sur le continent Sud. Je me suis énervée, j'ai douté, j'ai été puérile. Bref, j'ai perdu le contrôle. Tout ce que j'ai pu apprendre, et bien j'ai fait tout bonnement l'inverse. Je devais faire le point, recentrer les priorités.

Ma mission : tuer Havrish. Le moyen d'y arriver : en infiltrant ces sous doués. Je suis confrontée à mes émotions de pleins fouets depuis que je suis arrivée ici. Ce qu'il s'est passé sur le Continent Est m'a affecté, c'est normal. Je dois l'accepter. Je ne dois pas laisser ce moment de faiblesse affecter tout le reste. Là encore, je dois mettre en pratique ce que Havrish m'a enseigné. Canaliser mes émotions. Les placer dans ce tiroir très profondément en moi, les enfermer à double tour et faire comme s'ils n'avaient jamais existé. Je suis le Démon et je dois me fondre dans la masse pour mener mon plan à bien.

(...)

Il fait sombre dans le couloir. Je manque de trébucher à plusieurs reprises. Me cacher. Je dois me cacher. Mon corps tout entier tremble de peur. Mais où ça ?! Ils me trouveront. Je le sais. Ils me retrouvent toujours. Des images horribles ne cessent de flasher devant mes yeux. J'ouvre l'armoire et me faufile à l'intérieur. Je respire beaucoup trop bruyamment. Ils vont m'entendre... Les larmes s'amoncellent aux coins de mes yeux. Ils sont là, ils arrivent ! Je les entends ! C'en est fini pour moi cette fois-ci... Ils passent devant l'armoire, j'entends leurs pas lourds. J'ai peur... Je... Je ne veux pas qu'ils me voient. S'ils me trouvent, ils vont...

« ALORS C'EST LÀ QUE TU TE CACHAIS PETITE VERMINE ?! » gronde une voix alors qu'un bras me tire violemment de l'armoire.

Mon corps atterrie lourd comme de la pierre sur le sol. Ma tête cogne contre le sol et mon front saigne. Une blessure parmi les autres, mais ce n'est pas ça le pire...

« On a été gentil avec toi espèce de garce ! On t'a offert un toit, à manger et TOI tu nous remercies comme ça ?! »

L'homme qui parle me caresse le visage pendant que les autres autours ricanent. Sa main glisse lentement vers le bas. Elle passe sur ma poitrine encore inexistante. Tout mon corps se raidit. Pétrifiée. J'ai envie de hurler ! Je ne veux pas qu'il me touche ! Je reste immobile. Mon âme hurle mais mon corps refuse de bouger.

« Je vais te punir comme il se doit petite cancre », me menace-t-il, un sourire pervers indécollable de son visage.

Mes yeux s'écarquillent encore plus. Je sais ce qui va arriver après, ce qui arrive toujours... Mon corps entier le sait. Lorsque sa main continue de descendre sous les regards lubriques des autres hommes et qu'il arrache violemment ma chemise, mon corps réagis enfin. Je crie et éclate en sanglots en tentant vainement de cacher mon corps juvénile.

Je vois dans ses yeux et dans celui des autres qu'ils aiment ça. Ma terreur, ma soumission, tout cela les excitent. Il déboutonne son pantalon et se rapproche à nouveau de moi. Il plaque brutalement mes mains au-dessus de ma tête et...

« AAHHHHHHHH »

Un crie résonne dans la nuit. L'homme est en flamme. Son corps entier est en train de succomber. Une douleur terrible inonde mon corps tout entier. J'ai l'impression d'être en train de mourir. En même temps, tout semble se métamorphoser autour de moi. Malgré la douleur, la pièce auparavant si sombre me paraît aussi claire qu'en plein soleil. Mon corps, la seconde d'avant tétanisé semble prêt à bondir.

Les autres hommes me regardent incrédules. Ils ne comprennent pas ce qu'il se passe. À vrai dire moi non plus. Je vois juste la possibilité de m'enfuir. M'enfuir pour survivre. Mon corps s'élance alors naturellement vers la porte. Les sensations sont indéfinissables. Tous les pilleurs s'écartent pour dégager le passage. Je ne réfléchis plus à rien. Je cours. Je rejoins la forêt, comme s'il s'agissait d'un refuge. Une fois profondément enfoncée dans celle-ci, mon cœur semble perdre toute son aisance. La douleur me foudroie à nouveau. Au bord de l'évanouissement et complètement nue, je réalise ce qui m'est arrivée.