Lorsque nous quittons la clairière, il fait déjà nuit. Je leur donne rendez-vous le lendemain à l'aube tout comme aujourd'hui pour le même entraînement. Les hommes semblent fatigués mais pas démotivés. Lenzo est toujours sur mes talons lorsque je rentre chez Barry.
Je pénètre à l'intérieur de la maison et reçoit un accueil chaleureux de Lubbia.
« Démooooooon ! » m'interpelle-t-elle en me sautant dans les bras.
Par pur réflexe encore une fois, je la réceptionne au creux de mes bras, mais lorsque je réalise ce qu'il se passe, je la lâche aussitôt. La petite tombe lourdement sur les fesses cette fois-ci. Elle reste ahurie quelques secondes puis éclate de rire. J'en ai la certitude à présent, cette enfant est défectueuse...
« Comment s'est passée cette première journée d'entraînement ? m'interroge Barry. Je n'ai pas pu me libérer aujourd'hui, mais demain tu peux compter sur mes vieux os ! » affirme-t-il en montrant ses biceps.
Je le regarde en levant un sourcil sceptique.
« Ne dis pas de bêtises grand-père. »
Barry s'esclaffe suite à ma remarque et passe à autre chose sans relever ma pique.
« Tu dois être affamée, à table tout le monde ! »
Nous nous installons tous à table. Pendant le repas, Lubbia nous raconte sa journée à l'école et Barry nous narre comment il a dû négocier avec le bûcheron du village d'à côté pour avoir des stères de bois moins chère pour cet hiver. Pas-sio-nant. Ma mâchoire se décroche en un bâillement. Mon assiette finie, je m'éclipse immédiatement de table pour aller me laver.
Passer la journée entière avec tous ces hommes est plus difficile que ce que je pensais. La bile me monte à la bouche rien qu'en y pensant. Je devais endurer. Endurer. Persister. Résister. Tenir comme les mauvaises herbes. La mort de Havrish valait bien ces quelques moments difficiles à passer.
Je sors de la salle de bain propre comme un sous neuf et file directement vers le lit. Mon esprit n'est pas aussi propre que mon corps à l'heure actuelle. Je sais qu'il me sera difficile de trouver le sommeil. Les voix de Barry et Lenzo, au-dessous, m'empêchent de me détendre. Je suis à l'affût du moindre bruit caché derrière ces voix.
« Nous sommes réellement des Hommes »
Les mots de Lenzo raisonnent en moi. Des Hommes ? Impossible.
« Depuis la nuit des temps, les Dieux pour survivre sur terre ont dû posséder les Hommes. »
Une colère sans nom s'empare de moi. Ce Dieu de misère a ruiné ma vie ! Ce Dieu a volé mon enfance pour égoïstement vivre plus longtemps ? Comme si ces croûtons de Dieu n'étaient déjà pas assez vieux ! Malgré moi, je ne peux que me mettre à imaginer ce qu'aurait pu être ma vie sans ce don maudit. Une famille aimante, une enfance tranquille, une vie épanouie. Aucune solitude, aucune rancœur. Rien. Juste une vie paisible et normale, avec des Hommes. Ces mêmes Hommes que je hais aujourd'hui.
La chaleur du félin me calme aussitôt. Non. Sans le félin, ma vie n'aurait été qu'un tissu de mensonges entourée d'hypocrites. Le félin m'a sauvé. Il est celui qui a été là pour moi quand mes parents n'ont pas su accepter ma différence. JE suis différente. JE suis le félin. L'esprit du Tigre c'est moi, tout comme il est moi. Nous sommes un tout indissociable. Je n'aurai pas survécu sans lui tout comme il ne pourrait pas vivre sans moi. Cela ne pouvait être que moi, personne d'autre n'aurait fait l'affaire. Tout cela n'a jamais été un hasard. Je suis née pour être le félin. Je suis le Dieu Tigre.
Je ne suis pas qu'un vulgaire corps hanté par un esprit. Non, je suis la réincarnation de celui-ci. Aussi puissant et terrible qu'au premier jour. Une série d'images se projette dans mon esprit. Des images d'un Dieu puissant, régnant sur les forêts. Des vies passées. Des hôtes différents. Tous moi.
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Démon
Paranormal"Démon, voilà mon nom. Mon identité, ma nature. J'ai été élevée pour tuer, conditionnée pour le meurtre et la guerre. Survivre, tuer avant d'être tuée, telle est ma devise. Partout où je passe les yeux se baissent, les poils se hérissent, les jambes...