Partie 1 : Chapitre 1 Gillarg Stories

58 10 1
                                    

Le réveil avait tout juste eu le temps d'émettre son premier son qu'une main tomba dessus pour le faire taire. Faisant voler son pyjama, Amayelle se saisit de ses habits du jour, à savoir une tunique d'été. Elle sortit de sa chambre, esquivant son chat roux qui se frottait contre la moquette. Elle dévala les escaliers et enfila ses chaussures. La jeune adolescente de quinze ans s'apprêtait à ouvrir la porte lorsqu'une voix s'éleva.

— Puis-je savoir où vous allez, jeune fille ?

Monica Smith, la mère d'Amayelle Smith, se tenait dans l'encadrement de la cuisine, une louche à la main. Portant ses cheveux aussi longs que ceux de sa fille en une natte complexe, la matriarche de la maison atteignait la quarantaine, tandis que son corps lui en donnait vingt. Il arrivait parfois que les deux femmes soient prises pour des sœurs, ce qui les amusait beaucoup. Formant une famille très fusionnelle, elles passaient souvent beaucoup de temps ensemble.

— Maman, tu sais très bien que je peux enfin aller acheter Gillarg Stories.

Bien sûr que sa mère le savait. Elle lui avait même proposé de l'acheter pour elle mais Amayelle avait voulu le mériter. Elle avait trouvé un petit boulot dans un restaurant et s'était offert le SARV ainsi que le jeu le plus populaire au monde. En effet, Gillarg Stories était un MMORPG permettant aux joueurs de vivre une expérience à la fois unique tout en pouvant influencer le monde fictif de Gillarg.

— Certes, mais ce n'est pas une raison pour échapper au rituel quotidien. En même temps, si tu n'avais pas passé la soirée à regarder en boucle la publicité pour Gillarg Stories, tu te serais réveillée avant que ton réveil ne sonne.

— Mais Razer est tellement cool !

Devant le regard intransigeant de sa mère, l'adolescente soupira. Elle s'approcha et lui donna un baiser matinal. En se penchant, ses yeux se posèrent sur la tenue de sa mère. Lorsque Monica cuisinait, elle portait toujours un tablier. Or, en ce lundi matin de vacances d'été, elle était vêtue d'un simple jean et d'un top dénudant son nombril. Circonspecte, Amayelle leva les yeux vers elle. Son visage se fendit d'un immense sourire lorsqu'elle aperçut les clés de voiture que tenait la matriarche des Smith.

— Allez, va vite à la voiture, on prendra le petit déjeuner pendant que ton jeu télécharge.

— T'es la meilleure, Maman ! s'exclama l'adolescente en serrant sa mère.

Heureuse de voir sa fille aussi enjouée, Monica posa sa louche et attrapa son manteau de cuir. Elle sortit de la maison, verrouilla la porte derrière elle, puis se dirigea vers sa petite citadine où Amayelle l'attendait déjà avec impatience.

Il ne leur fallut pas plus de dix minutes pour atteindre la boutique de jeux vidéo et quinze de plus pour être de retour chez elles. Les deux femmes profitèrent d'un bon petit déjeuner britannique que Monica avait préparé. Elle le faisait toujours lorsqu'elle était chez elle. En effet, en tant que top modèle, il lui arrivait souvent de devoir laisser sa fille seule. Elle fut donc heureuse de constater qu'elle se faisait du souci pour rien en la voyant leur préparer des cafés.

Après avoir aidé sa mère à laver la vaisselle et à ranger la pièce, Amayelle remonta quatre à quatre les marches. Elle fut heureuse de voir que son nouveau jeu avait enfin fini de télécharger. Prenant son casque de réalité virtuelle qui, depuis les années 2010, avait réduit de taille jusqu'à être aussi grand qu'une barrette à cheveux, elle se coucha sur son lit et l'activa.

Aussitôt, le Système Actif de Réalité Virtuelle que tout le monde nommait SARV se lança et l'adolescente s'endormit. Elle se retrouva alors dans un décor entièrement blanc. Une voix éthérée s'éleva.

— Bienvenue dans Gillarg Stories. Nous vous remercions d'avoir acheté notre jeu. La dernière mise à jour du 21 Janvier 2076 a bien été téléchargée. Veuillez nous indiquer votre pseudonyme.

Émerveillée, Amayelle ne put s'empêcher de laisser s'échapper un petit ricanement hystérique. Enfin ! Elle allait pouvoir jouer au jeu dont elle rêvait depuis désormais huit mois, date de la première publicité.

— Je serai Ama, s'exclama-t-elle dans le vide.

— Très bien, Ama. Pouvez-vous nous indiquer votre race ?

— J'y ai déjà réfléchi et ce sera Humaine.

— Très bien, Ama l'humaine. Nous prenons en compte votre corps et vous envoyons dans le monde de Gillarg. Bon jeu !

Amayelle sentit le sol sous elle se dérober. Sa chute fut très courte. Elle se retrouva couchée sur un tapis de feuilles. Autour d'elle, des planches de bois, des shojis, les fameuses portes coulissantes asiatiques, et des tuiles d'ardoise apparaissaient afin de créer un dojo. Une brise légère vint soulever ses cheveux et une douce odeur d'érable vint lui chatouiller les narines. Elle se retrouva bientôt au centre d'une cour intérieure, sous un ciel bleu sans soleil. Surprise, elle se redressa naturellement.

Curieux, je pensais qu'il me faudrait un peu de temps pour m'habituer au SARV.

Toute à ses pensées, elle faillit hurler lorsqu'une nouvelle voix retentit dans son dos.

— Bien le bonjour, Mademoiselle Ama. Je suis Slort, le maître des classes.

Faisant volte-face, la nouvelle joueuse découvrit un homme ayant la soixantaine. Il était vêtu d'une simple tenue traditionnelle chinoise. Comprenant qu'il attendait qu'elle parle, Ama se releva et s'inclina.

— Enchantée, je me nomme Ama.

— Je le sais déjà, Mademoiselle Ama. Le système m'a déjà fait part de votre nom.

L'adolescente sourit en se rendant compte des avancées prometteuses offertes par Gillarg Stories. L'un des aspects les plus impressionnants était l'Intelligence Artificielle, capable de s'adapter aux joueurs et, surtout, dotée de sa propre volonté. Cette fonctionnalité avait même suscité des débats, lorsque certains joueurs avaient tenté de tuer des PNJ et s'étaient retrouvés pourchassés par l'IA, déterminée à les punir à tout prix. Il arrivait que certains personnages brisent le quatrième mur, bien que cela soit rare. Slort faisait exception, étant le personnage chargé d'attribuer une classe aux nouveaux joueurs. En se remémorant cela, Ama se rendit compte que le maître l'attendait.

— Excusez-moi, Slort. Je suis prête à recevoir ma classe.

— Ne vous en faites pas, mademoiselle Ama. Ces derniers temps, je n'ai pas eu beaucoup de visiteurs, même si le dernier est parti juste avant votre arrivée.

Ama savait que, en réalité, chaque joueur était accueilli par un Slort différent, mais que tous les clones du personnage avaient accès àses souvenirs.

— Puis-je vous demander si vous avez déjà fait votre choix ? continua le vieux maître en lissant sa barbiche.

— Malheureusement non, répondit Ama, l'air peiné.

— Ce n'est pas un problème, nous pouvons y réfléchir ensemble.

— Est-il vrai que l'on ressent la douleur que nos avatars reçoivent dans le jeu ? s'inquiéta l'humaine, en se mordant les lèvres.

— En effet. Mais ne vous en faites pas. Si vous mouriez, la douleur ne serait comparable qu'à celle d'une simple chute dans votre monde. Il est cependant recommandé de se reposer lorsque vous mourez pour ne pas sentir des douleurs trop extrêmes à votre réveil.

Cette information fit déglutir la jeune femme.

— Y a-t-il une classe qui me permettrait de ne pas ressentir trop de douleur ?

— Les classes appartenant à la catégorie des tanks sont ceux qui possèdent la meilleure résistance mais...

— Très bien, je vais devenir un tank, le coupa l'adolescente.

— Soit. Voici celles qui sont disponibles à votre niveau.

Aussitôt, des armes et armures apparurent entre Slort et Ama. Un peu déboussolée devant les possibilités, la nouvelle joueuse tendit la main vers un pavois en bois, situé en face d'elle. Ce dernier se mit alors à briller.

— Vous choisissez la classe Gardienne. C'est un très bon choix, surtout que votre arme semble s'adapter à vous. J'espère que vous apprécierez ce Pavois du Courage, dit simplement le maître des classes en s'inclinant tandis que son invitée disparaissait.

Gillarg Stories (T1) : Une nouvelle guildeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant