Les ombres de l'âme - Tome 2

Chapitre 27 : La lumière dans l'horreur

Ava

Je presse la poignée métallique et déjà, des bruits sourds me glacent le sang. La porte s'ouvre dans un léger sifflement, laissant place à une scène d'horreur qui se joue devant moi. Une odeur ferreuse a envahi l'espace sombre et un léger clapotis d'eau tonne depuis une pièce fermée. Andrew est là, dos à moi, mais il est dans un tel état de rage qu'il ne m'a même pas entendue entrer. Le voir en vie m'enlève un poids qui s'est logé dans mon estomac depuis des heures. Je verrouille la porte derrière moi et reste plantée là à le regarder assouvir sa vengeance comme si un démon l'avait possédé.

- Tu l'as tuée. Tu l'as tuée, répète-t-il continuellement au rythme de ses coups.

Il est en train de se déchaîner sur le gangster qui n'est plus qu'un tas de viande sanguinolente. Des sons effrayants d'os brisés et de chair arrachée emplissent mes oreilles tandis que mon cœur semble peiner à continuer ses mouvements vitaux.

Andrew est à califourchon sur Lukas - ou du moins, ce qu'il reste de lui - une main le maintenant fermement par le col et la deuxième opérant des mouvements vifs et réguliers en s'abattant sur le visage méconnaissable du mafieux.

Je suis comme paralysée. Mes membres semblent peser une tonne et il m'est impossible d'esquisser un seul mouvement.

Des bruits spongieux se rajoutent à la scène macabre, tonnant dans la pièce au rythme des éclaboussures de fluide vital qui s'étale tout autour du cadavre de Lukas. Car, je n'ai pas besoin de le vérifier pour savoir qu'il a trépassé et ce, depuis probablement un moment.

Andrew semble être totalement absent, comme si son âme avait quitté son corps et que son enveloppe charnelle opérait des mouvements robotiques, ne sachant quoi faire d'autre. Je ne l'avais encore jamais vu dans un tel état de colère et de peur. C'est comme s'il s'était finalement abandonné totalement, laissant ses émotions prendre le contrôle de son esprit. Il n'arrête pas de le frapper, encore et encore, répétant sans cesse les mêmes mots en boucle.

Mon cœur est douloureusement comprimé à la vue de l'homme dont je suis éperdument amoureuse, afficher sa souffrance si brutalement. Mon cœur me dit de faire quelque chose, d'aller le sauver de ses démons et de le soulager de sa peine, mais mes membres sont tétanisés par la peur. La petite voix dans ma tête m'assène de pensées terrifiantes, poussée par mon instinct de survie.

Et s'il te repoussait ?

Et s'il te blessait ?

Non, il ne me ferait jamais de mal. Pas comme ça.

Je cligne des yeux comme pour reprendre le dessus sur mes angoisses, et me mets en mouvement vers cet homme, l'homme que j'aime si intensément, l'homme qui m'a redonné goût à la vie, celui qui m'a sauvée du gouffre dans lequel j'avais sombré. Il faut qu'à mon tour je le sauve de ses démons qui l'ont envahi.

- An... Andrew ? chuchoté-je d'une voix tremblante.

Il ne s'arrête pas, il ne m'entend pas. Sa respiration est forte et saccadée, et ses coups de poing n'arrêtent pas de pleuvoir sur le crâne du mafieux, recouvrant la peau de ses avant-bras de gouttelettes d'hémoglobine.

- Andrew ? C'est... c'est moi. C'est Ava.

Je m'accroupis à ses côtés et pose délicatement ma main sur son épaule avant de la faire glisser le long de son bras. J'essaie de capter son attention et de le détourner de sa noirceur. Il se fige un instant, les yeux dans le vide et les lèvres entrouvertes.

- Je suis là, Andrew, c'est moi.

Lorsqu'il ose enfin tourner la tête vers moi, j'aperçois son visage tuméfié se tordre douloureusement et ses lèvres écorchées trembler. Il semble me supplier du regard, me supplier de l'aider à s'échapper des ténèbres qui l'envahissent et cela me brise le cœur.