Chapitre 19 : Affreuse surprise

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Sa’dik se frayait un chemin à travers l’épaisseur oppressante de la jungle, poursuivie par d’étranges créatures, des hybrides d’hommes et de singes. Le sifflement de leurs lances se mêlait aux cris aigus et au martèlement des tambours, joués par des femmes-hyènes moqueuses, qui rythmaient sa fuite éperdue. L’assaut des moustiques et l’entrelacs des lianes n’étaient que des obstacles supplémentaires dans sa lutte pour la survie. Et par-dessus tout, le regard de ces yeux gigantesques, d’un violet lumineux, emplis d’une haine profonde, semblait obscurcir le ciel de leur aura sinistre.

Tout à coup, un serpent titanesque dégringola du ciel, tel un sanglot arraché aux yeux maléfiques qui l’observaient d’en haut, et se jeta sur elle avec une vélocité terrifiante. Ses anneaux imposants l’étreignirent, la privant de tout mouvement, tandis qu’il la scrutait de son regard perçant, sa langue fourchue claquant dans l’air.

Autour d’eux, les hommes-bêtes riaient avec mépris, leurs voix s’unissant au battement des tambours en un sinistre refrain : "Dévore-la, dévore-la, sa majesté l'ordonne !" Confrontée à son prédateur, Sa’dik vit la gueule immense et gluante du serpent s’ouvrir devant elle, et dans le silence de sa terreur, elle se prépara à affronter sa fin.

L’excitation s’empara des créatures hybrides ; les singes anthropoïdes jubilaient tandis que les hyènes bipèdes intensifiaient leurs railleries acerbes. Comme échappé d’un sortilège, un chat noir aux iris pourpres apparut, trônant sur une branche, observant la scène d’un œil narquois. Sa voix s’éleva, répétant le décret royal : "Dévore-la,  sa majesté l'ordonne". Alors que le serpent amenait doucement sa gueule vers l’infortunée, celle-ci, dans un élan désespéré, supplia pour sa clémence. La bête, cependant, resta impassible à ses prières et l’engloutit en un geste vif, provoquant un tonnerre d’acclamations sauvages parmi la végétation luxuriante.

                .....

Dans cette obscurité totale, Sa'dik s'éveilla brusquement, paniquée. Reprenant ses esprits, elle aperçut Samellia, anxieuse, la secouant pour la soustraire à ce cauchemar.

Se redressant précipitamment, haletante, le front couvert de perles de sueur. Autour d'elle, des murs de pierre s'élevaient, austères et implacables, baignés par la lueur des torches. Samellia, l’expression grave, était penchée vers elle, la main posée sur son épaule.

— Sa’dik, est-ce que tout va bien ? Tu criais dans ton sommeil, murmura-t-elle avec une tendresse inquiète.

Cette dernière repoussa la main de sa camarade les yeux hantés par les visions de la jungle.

— Ce n'était pas un songe mais un mauvais présage... une malédiction, articula-t-elle d'une voix rauque, ébranlée par la terreur.

Samellia chercha à en apprendre davantage, mais celle-ci, avec une véhémence teintée de désarroie, se refusa à tout partage supplémentaire.

— Où sommes-nous ? interrogea la reveillée, détournant subitement la conversation.

— Au sein du centre de guérison de la cité-état. Ils ont pris soin de nous, de toi, de moi, et... de Kazuki, expliqua Samellia.

Sa'dik, prenant conscience de l'absence de leur compagnon, s'enquit de son sort.

—  Il repose dans une autre salle. Ici, les hommes et les femmes sont cloisonnées, une règle imposée par le grand prêtre pour soit disant prévenir le risque de débauche, rétorqua Samellia avec une pointe de sarcasme.

Lorsque Sa’dik tenta de se redresser, une douleur aiguë la transperça au poignet. Samellia, avec empressement, la pressa de rester couchée, lui rappelant la gravité de leurs blessures. C’est alors qu'apercevant le crochet métallique remplaçant sa main perdue, accusa sa camarade de trahison.

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